Jugement sur la loi 21 Déclaration du Mouvement laïque québécois

par Juin 8, 2021Laïcité, Loi 21, Québec humaniste0 commentaires

Daniel Baril

Daniel Baril

Daniel Baril a été journaliste à l’hebdomadaire Forum de l’Université de Montréal pendant près de 23 ans. Il est actuellement président du Mouvement laïque québécois (par intermittence pendant deux décennies) et a été également membre du conseil d’administration de l’Association humaniste du Québec. Il est le cofondateur du groupe Les Intellectuels pour la laïcité et co-rédacteur de la Déclaration pour un Québec
laïque et pluraliste. 

Le juge Blanchard fait la sourde oreille aux arguments des parents

Le Mouvement laïque québécois était confiant que la Loi sur la laïcité de l’État allait être maintenue mais déplore que ce maintien ne soit fondé que sur les clauses dérogatoires.

Le juge Blanchard a complètement ignoré les témoignages des parents qui sont intervenus devant la cour pour faire valoir que le port de signes religieux par le personnel enseignant viole leur droit à la liberté de conscience ainsi que celui de leurs enfants. Ce droit est protégé par l’article 41 de la Charte québécoise des droits et libertés comme l’a fait valoir le MLQ, mais le juge Blanchard n’en a aucunement tenu compte.

Le droit à la liberté de conscience des élèves est la raison d’être même de la loi 21 et c’est la raison du recours aux clauses dérogatoires. En ignorant les bénéfices pour les parents et les élèves d’avoir une école laïque « en fait et en apparence » et en ne discutant que du point de vue des enseignantes qui contestent la loi, la position du juge Blanchard a pour effet de faire de l’école une institution au service des enseignants et non au service des élèves.

Le juge Blanchard considère que le port de signes religieux est un aspect passif, donc non-prosélyte. Pourtant, les témoignages des opposantes font expressément état de leur volonté d’affirmer et d’afficher leurs croyances religieuses et même de pratiquer leur religion dans le cadre de leur fonction d’enseignante. La Cour suprême du Canada , dans son arrêt MLQ contre Saguenay, a clairement établi qu’une telle pratique viole la nécessaire neutralité religieuse de l’État. La Cour suprême a même déclaré que cette neutralité religieuse ne commande aucune conciliation avec les autres droits. Mais le juge a ignoré cette affirmation essentielle.

Le MLQ déplore également que le juge Blanchard exclue le réseau scolaire anglophone de l’application de la loi. Le juge a erré en considérant que les religions des anglophones étaient protégées par leurs droits linguistiques constitutionnels, ce qui est totalement aberrant. La laïcité doit s’appliquer à tous, quelle que soit la langue d’enseignement ou d’usage. Le jugement aura pour effet de permettre que des enseignantes puissent enseigner dans les écoles anglophones même en portant un niqab.

Comme autre conséquence néfaste de ce jugement, les dispositions sur l’obligation d’avoir le visage découvert dans les services publics ne s’appliquent pas aux élus de l’Assemblée nationale. Nous pourrions donc avoir une députée portant un niqab.

Ce jugement écarte donc l’argumentation de fond sur laquelle repose la loi. Ce n’est donc que partie remise au renouvellement de la clause dérogatoire canadienne dans quatre ans. Suite à l’annonce du gouvernement de porter le jugement en appel, notre campagne de financement se maintient.

Daniel Baril, président du Mouvement laïque québécois

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