Lettre du Mouvement laïque québécois au ministre Bernard Drainville
Nous publions ici, avec permission, la lettre envoyé par Daniel Baril, président du mouvement laïque québécois, suite à la décision de deux écoles de Laval de fournir des « locaux de prières » à même leurs salles de classe. Comme le mouvement laïque, l’Association humaniste est résolument contre cette décision, car nous croyons fermentent que notre système scolaire au Québec se doit de demeurer libre de toute influence religieuse, la religion devant demeurer dans la sphère privée et ne doit s’attendre à aucun privilège dans les institutions laïques de notre état québécois, en vertu de la loi 21 sur la laïcité. MP
Vous pouvez écouter ici l’entrevue donné à Richard Martineau par Daniel Baril suite à cet annonce.
Montréal le 5 avril 2023
M. Bernard Drainville
Ministre de l’Éducation
Édifice Marie-Guyart
1035, rue De La Chevrotière
16e étage
Québec
Monsieur le ministre,
Nous avons récemment appris par l’intermédiaire d’une émission de radio que deux écoles publiques de Laval, la polyvalente Mont de Lasalle et l’École internationale de Laval, avaient mis à la disposition d’élèves musulmans des
locaux de prière à l’intérieur même de l’école (« Deux écoles de Laval offrent un local pour la prière musulmane »).
Selon ce que les chroniqueurs ont rapporté, les locaux ont été désignés comme des lieux de « ressourcement » ou de « recueillement » mais il était évident pour tous qu’il s’agissait de lieux de prière réservé à une communauté religieuse spécifique. Dans l’une de ces écoles, un enseignant se serait même proclamé imam, c’est-à-dire chef de prière, et a refusé l’accès de ce local aux filles. La situation serait même devenue conflictuelle entre divers enseignants de religion
musulmans qui ne partageant pas la même vision de leur religion. Plusieurs se plaignent d’intimidation et craignent des représailles.
Toujours selon ce qui est rapporté par le média, le Centre de services scolaires de Laval considère qu’il a l’obligation d’accommoder ainsi les élèves qui désirent s’adonner à leur pratique religieuse à l’école.
Cela nous parait aller à l’encontre de plusieurs lois. D’une part, aux articles 2, 8 et 109, la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires a mis fin à l’obligation
pour les écoles publiques d’offrir aux élèves des services d’ « animation spirituelle » et de « cheminement spirituel ». Les écoles n’ont donc aucune obligation de prévoir des locaux servant à la pratique religieuse ou au cheminement spirituel des élèves. Fournir de tels locaux ou services impose des obligations excessives en matière d’accommodement étant donné l’obligation légale pour l’école de cesser de fournir des services en matière spirituelle.
De plus, ouvrir des locaux de prière dans l’école va à l’encontre de la Loi sur la laïcité de l’État qui, à ses articles 2 et 3, oblige les institutions publiques à respecter la séparation de l’État et des religions, l’égalité de tous les citoyens et
citoyennes ainsi que la neutralité religieuse « en fait et en apparence ». Les usagers des services publics, en l’occurrence les élèves, ont par ailleurs droit à des services publics laïques (article 4).
Cette même loi, à l’article 6, interdit aux enseignants dans l’exercice de leurs fonctions tout signe, symbole ou accessoire « raisonnablement considéré comme référant à une appartenance religieuse ». Il nous apparait manifeste que
le fait d’intervenir à titre de chef de prière est implicitement inclus dans l’esprit de cette interdiction. Quoiqu’il en soit, un tel exercice religieux de la part d’un représentant de l’État ‒ ce qui inclus les enseignants dans l’exercice de leurs
fonctions ‒ est interdit par l’arrêt de la Cour suprême du Canada MLQ c. Saguenay. Le Régime pédagogique impose également un devoir de réserve aux enseignants et leur interdit d’exposer leurs convictions aux élèves.
D’autre part, les centres de services scolaires sont assujettis à la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes
qui les oblige à la neutralité religieuse. Parmi les obligations imposées par cette loi, les accommodements pour raisons religieuses doivent être encadrés de la façon suivante :
(art.11) Lors du traitement d’une demande d’accommodement pour un motif religieux résultant de l’application de l’article 10 de la Charte des droits et libertés
de la personne, l’organisme s’assure: (…)
2° que l’accommodement demandé respecte le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que le droit de toute personne d’être traitée sans discrimination;
3° que l’accommodement demandé respecte le principe de la neutralité religieuse de l’État;
4° que l’accommodement est raisonnable, c’est-à-dire qu’il ne doit imposer aucune contrainte excessive eu égard, entre autres, au respect des droits d’autrui, à la santé ou à la sécurité des personnes, au bon fonctionnement de l’organisme, ainsi qu’aux coûts qui s’y rattachent.
À la lumière des informations fournies par le média en question, il nous apparait évident que les accommodements religieux consentis par ces écoles et par le Centre de services scolaires de Laval violent les lois précitées sur plus d’un point
:
1. les écoles n’ont pas à fournir de lieux de prière;
2. elles doivent respecter la séparation de l’État et des religions, l’égalité de tous les citoyens et citoyennes, la neutralité religieuse de l’État « en fait et en apparence » ainsi que le droit à des services publics laïques;
3. les enseignants ne peuvent œuvrer à titre de chef religieux dans l’exercice de leurs fonctions ni se livrer à des pratiques religieuses ni montrer leurs convictions à leurs élèves;
4. les accommodements religieux doivent respecter la neutralité religieuse des institutions publiques et l’égalité entre les sexes. 5. les accommodements consentis nuisent au bon fonctionnement de l’organisme en étant source de conflits et d’intimidation entre les membres du personnel et éventuellement des parents.
La situation rapportée par l’émission radiophonique nous parait suffisamment sérieuse pour que votre ministère intervienne rapidement et s’assure que les lois soient respectées. À défaut de quoi, de telles situations risquent de se multiplier
et de rendre les lois en questions inopérantes alors que c’est précisément pour éviter de telles situations potentiellement conflictuelles qu’elles ont été adoptées.
Veuillez agréer, monsieur le Ministre, l’expression de nos considérations les meilleures.
Daniel Baril, président
Mouvement laïque québécois
CC : M. Jean-François Roberge, ministre responsable de la laïcité
Mouvement laïque québécois
Casier postal 32132, succursale Saint-André, Montréal, Québec H2L 4Y5, Canada – 514
985-5840 – info
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