L’alchimie industrielle des temps modernes

par Juin 8, 2021Articles de fond, Bioethique, Québec humaniste, Réflexions, sciences0 commentaires

CLAUDE BRAUN

CLAUDE BRAUN

Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"

Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque"  et est depuis quelques années l'éditeur en chef  de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec  les compliments de l'auteur.

 La pollution meurtrière est pour une large part involontaire

Les activités humaines les plus nocives pour l’environnement et qui portent présentement le plus atteinte à la vie humaine sont principalement celles qui ont permis aux humains de « survivre » et même de « prospérer » dans des niches écologiques qui eurent autrement été hostiles, menant au problème fondamental, en amont, qui menace la planète : la surpopulation humaine. En aval, la première source directe de pollution et de spoliation environnementales à l’échelle mondiale, présentement, est le feu utilisé pour la cuisson, pour le chauffage, et pour les loisirs. La deuxième est la combustion du charbon et autres sources à base de carbone pour générer de l’énergie et opérer les économies industrielles. La troisième est l’agriculture intensive et industrielle. Dans tous ces cas, le problème est fondamentalement CHIMIQUE.

On hésite à dénoncer les gens qui veulent faire cuire un repas, qui veulent se réchauffer en hiver, ou qui veulent « stabiliser » les sources de leur alimentation. Ces activités humaines nous sont devenues très précieuses et sont très difficiles à « réorganiser », bien qu’il le faille sans aucun doute. Il faut réduire la population mondiale et remplacer l’économie carbone par une autre…

Il existe en plus un important secteur de l’industrie chimique qui pollue intentionnellement, inutilement et très gravement
Le problème avec le projet du Dr Frankenstein est qu’il a voulu déverrouiller un secret exotique, pour ne pas dire « ésotérique », de la vie, en outrepassant toutes les étapes conventionnelles de la science, sans considérer les horribles conséquences inévitables, et ceci en l’absence de tout avantage scientifique tangible [1].

Un exemple d’un projet Frankensteinien aujourd’hui est l’épandage industriel de pesticides par avion, jusqu’à 42 fois par saison. Ce qui tue les bibittes pourrait logiquement tuer les humains, mais néanmoins, on pulvérise l’air des campagnes avec des pesticides. Les vents transportent ces pesticides partout, dans l’air, dans les sols, dans les cours d’eau, dans les aquifères sous-terrains, les sols redistribuent ces pesticides dans les cours d’eau, ces eaux sont partiellement filtrées par des usines municipales, mais ces usines ne peuvent filtrer ces pesticides. Les boues des usines de filtration d’eau servent directement comme engrais pour les fermiers, ce qui recommence le cycle d’accumulation, ou sont incinérées, ce qui produit d’autres toxines, et l’extrant de cette incinération est elle aussi vendue aux fermiers comme engrais ou se retrouve d’autres façons dans l’environnement, etc., etc., etc.

Le problème avec Merlin, l’alchimiste, c’est qu’il était cupide. Il voulait exploiter une ressource de faible valeur (la roche) en trouvant un moyen miraculeux de la transformer en un produit de haute valeur (or) [2]. L’or est un métal dont personne n’a vraiment eu besoin (à part pour la reconstruction de dents du moyen âge au 20e siècle). La vie moderne est une incarnation du Merlinisme comme mode de vie, à la différence près que contrairement à Merlin, beaucoup de commerçants s’époumonent à nous faire croire qu’ils ont trouvé le moyen de produire et nous vendre à très peu de frais de « l’or en barre ». Les commerçants s’évertuent à créer autant de « désirs » de consommation que possible en utilisant la chimie comme mot d’ordre et comme vecteur concret de la pensée magique voulant que tel ou tel composé au nom imprononçable, donc forcément extrêmement savant, va totalement changer votre vie pour le meilleur.

Un polymère tiré à peu de frais du pétrole (dont personne ne doute pourtant de la toxicité) sera l’emballage universel, le contenant alimentaire universel, le matériau de construction universel, le tuyau d’eau universel, le jouet universel, et ne causant aucun problème de santé à qui que ce soit (… euh). De l’or en barre ! En réalité, ce fut une sinistre transformation de la plupart des objets à usage courant que personne ne réclamait et dont personne n’avait vraiment besoin. On voit bien que le monde moderne des produits manufacturés est structuré pour favoriser: 1) l’industrie pétrolière (qui fonctionne comme un pipeline de matériau brut), 2) le commerce mondialisé, 3) la monopolisation de l’offre par des multinationales, 4) le transport sur de longues distances, 5) la durée de vie à l’étalage, etc. Ce sont des avantages pour les industriels, les manufacturiers et les commerçants. Le seul avantage pour les clients et le public est le prix à l’étiquette. Cependant, le prix à l’étiquette cache le coût écologique, ce qui fait qu’il n’y a, en réalité, AUCUN avantage pour le client et le public.

L’industrialisation du monde a généré une chimie de haute voltige ayant manufacturé et commercialisé à grande échelle des produits qui ont eu et ont de plus en plus le potentiel de globalement détruire, ou à tout le moins de détériorer, TOUTE vie -pour des bénéfices
souvent insignifiants, voire parfois complètement factices (fragrances, blanchisseurs, antiseptiques, détergents phosphatés, anticorrosifs,
stabilisateurs, émulsifiants, adhésifs et antiadhésifs, agents de préservation, aérosols, cosmétiques, ignifuges, produits qui réduisent l’électricité statique, antisudorifiques, désodorisants, emballages, papiers et matériaux imputrescibles, ultralégers, incassables, etc.).

Considérons le supposé avantage des additifs ignifuges que l’on retrouve dans tout et n’importe quoi qui est manufacturé. L’effet  protecteur contre le feu est généralement non pertinent (vêtements pour enfants, jouets, sofas, isolants…) et dérisoire (la maison ou
la voiture passent au feu tout autant, qu’il y ait de l’ignifuge partout ou pas). La catalyse, ou la combustion, une version « délicate » du feu, est partie constituante de toute vie. Qui rend le feu impossible, compromet la vie, – et pollue le monde entier. À l’inverse, tout ce qui est brûlé (ou amené à très haute température) compromet aussi la vie, -et pollue le monde entier.

Mon palmarès personnel des 12 produits domestiques manufacturés d’usage courant les plus toxiques et ridiculement inutiles est le suivant : 1) détergents phosphatés, 2) cosmétiques contenant du plomb et autres toxines, 3) berceaux, lits pour bébés et vêtements pour bébés saturés d’ignifuges, 4) produits alimentaires vendus dans des emballages faits de substances toxiques (plastiques, peintures, encres, fragrances, préservatifs, ignifuges, etc.), 5) poêlons ultralégers avec enduit antiadhésif toxique, 6) matelas remplis de polymères toxiques, 7) fragrances toxiques incorporées aux emballages alimentaires, aux produits d’hygiène personnelle, aux cosmétiques, à l’air dans les habitations, aux produits de nettoyage, aux vêtements, etc., 8) colliers à puce qui dégagent des quantités astronomiques
de pesticides dans l’environnement, 9) tout ce qui contient inutilement une pile (ex. horloge pour jeu d’échecs, alarme à feu, imprimante, montre, réveil matin, rasoir), 10) canettes d’aluminium toxique propulsant leur contenu toxique par des gaz toxiques (ex. : déodorants/ antisudorifiques), 11) le « wipe » jetable composé de tissu synthétique imbibé d’antiseptique (cause principale des « fatbergs »), 12) vêtements de tissus dérivés du pétrole requérant saturation par des produits chimiques toxiques pour contrer le froissement et d’autres produits  chimiques pour contrer l’électricité statique et dont les microfibres imputrescibles et additifs chimiques se dispersent et s’accumulent lors de nos  lavages pour intoxiquer progressivement de plus en plus tout ce qui est vivant.

Le quatuor infernal : (toxicité, dispersion, accumulation, bioamplification)

Les produits les plus désastreux, sur le plan environnemental sont 1) toxiques, et 2) ils envahissent l’environnement planétaire en dispersant leurs lixiviats, vapeurs, poussières, résidus, ainsi que leur ensemble sous forme de déchets, dans l’air et dans l’eau et dans les sols, c’est-à-dire partout. Ces matériaux « Frankenstein » sont développés avec leur pérennité en haute priorité, mais c’est  justement cela la principale source de la menace qu’ils représentent : 3) ils s’accumulent dans l’environnement parce qu’ils sont
non dégradables. Pire ! 4) Ils s’amplifient dans la chaine alimentaire, atteignant et dépassant inévitablement le seuil toxique pour tous les humains. Nous dénommons ce quatuor infernal TDAB (toxicité, dispersion, accumulation, bioamplification).

Alors que le TDAB planétaire porte atteinte à l’ensemble de la chaine alimentaire, le TDAB anthropogène n’a d’effet que sur l’ensemble de l’espèce humaine parce qu’il se dégrade rapidement dans la nature (ex. au soleil) en éléments bénins. Le TDAB anthropogène est toxique, mais n’envahit que la niche écologique humaine (alimentation, bâtiments, objets d’usage courant, agglomérations, etc.), il ne s’accumule et ne s’amplifie que par la monopolisation des marchés et la surconsommation humaine. Il affecte d’abord la santé des
populations des pays riches, mais finit par affecter aussi celle des populations des pays pauvres.

Tout produit TDAB qui connaît un grand succès commercial devient éventuellement, irréversiblement et inévitablement, globalement toxique au point même de menacer la vie humaine sur notre planète. Simple arithmétique… Plusieurs centaines de ces TDAB compromettent déjà gravement la santé humaine à l’échelle planétaire (extinction des espèces vitales pour l’humain, décès prématurés, cancers, maladies endocriniennes, immunitaires et neurologiques, infertilité animale et humaine, baisse du QI).

La chimie industrielle règne comme le proverbial chien dans le jeu de quilles

Certaines industries commercialisent de tels produits à cadence accélérée ce qui a pour effet que la planète entière est de plus en plus polluée, et cela pour les raisons suivantes : 1) la réglementation de la chimie industrielle est déficiente, 2) la connaissance du public de l’existence de TDABs et de la menace qu’ils représentent est inaccessible et est presque nulle, 3) le rythme des innovations dépasse la capacité de tous les pays, même les plus riches, de surveiller les risques,  4) les propriétaires de ces industries sont extrêmement
riches et présentement intouchables (ils peuvent acheter les politiciens achetables et détruire ceux qui ne le sont pas, ils peuvent faire élire leurs propres lobbyistes en finançant leurs campagnes électorales là où ils souhaitent placer leurs maisons mères et leurs usines à l’abri, ils peuvent cacher leurs entreprises derrière des prête-noms, ils peuvent hypnotiser les populations avec des campagnes publicitaires gigantesques, etc.).

Le bannissement ou la réglementation de ces substances écocidaires, un pays à la fois, n’a souvent pour effet, sur certaines des compagnies les plus malfaisantes, que de les motiver 1) à dépenser des centaines de millions de dollars dans des poursuites contre quiconque les confronte, incluant les gouvernements eux-mêmes, 2) à inventer d’autres variantes de TDAB pour garder leurs marchés, en jouant au chat et à la souris avec les législateurs, 3) à déplacer leurs activités dans d’autres pays, là ou leur TDAB n’est pas banni.

La situation perdure et s’aggrave parce qu’elle est sournoise. Un humain adulte en bonne santé peut avaler une tasse de presque n’importe quel produit TDAB liquide, ou un gramme de TDAB solide, sans conséquence fâcheuse immédiate. Ce n’est qu’après des décennies de dispersion, d’accumulation et de bioamplification planétaire qu’on s’aperçoit que tout le monde est intoxiqué. Les humains les plus atteints étant presque toujours les embryons et fœtus, c’est souvent seulement à la deuxième génération qu’on détecte les ravages sur la santé humaine. Finalement, c’est souvent seulement une fois que ces embryons ou foetus sont devenus adultes qu’on peut détecter l’atteinte (ex. l’infertilité). Les Frankenstein/Merlin Inc. peuvent calculer d’être à la retraite, voire même morts de leur belle mort et honorablement enterrés avant qu’une poursuite judiciaire ne puisse les toucher.

Déjà, à l’ère du DDT, dans les années 50, Rachel Carson n’entendait plus les oiseaux chanter au printemps, d’où le titre de son ouvrage « Silent spring ».

Nous allons faire un petit tour rapide de quelques-unes de ces substances qui n’auraient jamais dû être rejetées dans l’environnement et certainement pas commercialisés à grande échelle (sauf une exception, les CFCs, où l’innocence peut effectivement être présumée, voir plus loin). La plupart de ces substances ont été plus ou moins bannies à certains endroits (certaines pas du tout). Elles continuent toutes de détruire la nature et de menacer la vie humaine aujourd’hui. Elles sont présentes dans le sang de presque tous les humains alors qu’on devrait n’en trouver aucune trace. Cette liste, connue des spécialistes de la santé publique, est dénommée par eux la « dirty dozen ». [3].

Les TDAB planétaires

  1. Chlorofluorocarbones (CFC). Commercialisés par des compagnies comme Du Pont et General Motors, utilisés comme réfrigérants et aérosols, les CFC comme le fréon ont détruit progressivement et irréversiblement la couche d’ozone. La perte de la couche d’ozone détruit les récoltes et cause le cancer de la peau, la cataracte et divers désordres immunitaires chez l’humain. Contrairement aux autres produits de la liste qui suit, il faut reconnaitre que personne n’eut pu deviner à l’avance que ces gaz miraculeux peuvent interagir avec l’ozone dans la haute atmosphère. On ne savait même pas à l’époque que l’ozone atmosphérique est nécessaire pour la survie de la plupart des organismes terrestres.
  2. Le plomb dans le pétrole. General Motors a découvert que le plomb ajouté à l’essence pouvait légèrement atténuer l’usure des moteurs. Toutes les pétrolières ont sauté sur la manne qui ne consistait en réalité que d’un gain insignifiant comportant un cout environnemental apocalyptique. Les peintures d’autrefois contenaient aussi du plomb. La plupart des batteries de véhicules et bateaux de plaisance contiennent du plomb. L’accumulation du plomb dans l’environnement a toutefois explosé lorsque les tuyaux d’échappement des moteurs à combustion ont commencé à vaporiser le monde entier de plomb. La toxicité des métaux lourds (cadmium, mercure, plomb) était pourtant bien connue à l’époque ! Le plomb endommage surtout le cerveau, mais cause aussi l’anémie, la fausse couche, l’infertilité.
  3. Dichlorodiphényletrichloroéthane (DDT). Commercialisé par Monsanto comme pesticide, le DDT détruit la coquille d’œuf des oiseaux et est cancérigène et perturbateur endocrinien (ex. infertilité) pour l’humain.

4. Polystyrène extrudé (styrofoam). Commercialisé par Dow Chemicals, le styrofoam est utilisé dans industrie de la construction et de l’emballage, etc., comme remplacement de presque tout sauf ce qui doit supporter d’importantes forces. On l’apprécie pour sa légèreté et pérennité, ce qui réduit les couts de transport et d’entreposage. Le styrofoam libère du styrène au soleil ou lorsque réchauffé. Le styrène cause le lymphome, la leucémie, et le cancer du pancréas, du rein et de l’œsophage.

5. Microplastique (microbille). Commercialisée par Unilever, Johnson & Johnson, Crest comme exfoliant cosmétique, adjuvant dans les dentifrices, produits médicaux, tissus synthétiques, pneus, la microbille émet des toxines au soleil ou lorsque réchauffée et s’échappe en presque totalité surtout dans l’environnement aqueux (mais aussi aérien) affectant d’abord la vie marine. La toxicologie environnementale des microbilles en est encore aux balbutiements mais on sait déjà qu’elles sont embryotoxiques chez l’amphibien aux doses retrouvées dans beaucoup d’environnements naturels.

6. Polychlorobiphényles (PCBs). Commercialisés par des compagnies comme Swann (É.-U.) et Monsanto, ces molécules thermorésistantes furent utilisées dans les lubrifiants et isolants, les appareils thermiques, les transformateurs, etc. Les PCBs causent divers cancers (de la peau, du foie, de la vésicule biliaire, du système gastrointestinal, du cerveau) et ont été documentés comme perturbateurs endocriniens, immunitaires et neurologiques.

7. Chrome hexavalent (Chrome-VI). Commercialisé par de nombreuses compagnies comme Elkem Metals Company (É.U.) le chrome-VI est utilisé surtout comme préservatif du cuir et du bois, comme alliage de l’acier et comme décoration métallique. Il cause des problèmes de santé de la peau et des atteintes du foie et des reins. Il cause des cancers d’origine génotoxique, surtout des poumons.

8. Tétra-fluoroéthylène (TFE). Les TFE sont surtout connus pour avoir été commercialisés par DuPont comme antiadhésifs sur les poêlons (Teflon) mais on les retrouve dans divers isolants, anticorrosifs pour tuyauterie, et ils servent comme lubrifiants solides partout où la friction mécanique cause de l’usure. L’exposition environnementale cause le cancer du rein et du testicule, la colite ulcérative, la défaillance thyroïdienne, l’hypercholestérolémie et l’hypertension à la grossesse.

9. Polybromodiphényléther (PBDE). Commercialisé par des entreprises comme Chemtura Corporation (É.-U.) , le PBDE est un ignifuge utilisé dans les plastiques, textiles (incluant les vêtements pour enfants), meubles (ex. sofas) et matériaux de construction. Étonnamment, les PBDE ressemblent à l’hormone thyroxine, l’hormone maitresse de la croissance prénatale. On ne sera pas étonné dès lors que l’exposition aux doses environnementales ait un effet thyréoperturbateur, avec défauts de croissance et atteinte du QI subséquent. Les PBDE causent aussi le cancer de la mamelle chez le mammifère (ce qui se traduit probablement en cancer du sein chez l’humain).

10. Bisphénol A (BPA). Commercialisé par des compagnies comme Mobay, General Electric, et Bayer, le BPA est utilisé pour produire un plastique dur et transparent (polycarbonate). Ce dernier est utilisé comme revêtement interne des canettes alimentaires et dans de nombreux autres produits (ex. biberons, bonbonnes de boissons), emballages (ex. reçus légèrement plastifiés donnés aux clients dans tous les magasins) et objets d’usage courant. C’est un perturbateur endocrinien œstrogéno-mimétique qui rend infertile.

11. Sels de perchlorate. Cette famille de sels minéraux est commercialisée par des compagnies comme Olin Flare Facility (É.-U.) et American Pacific pour diverses raisons dont la réduction de l’électricité statique, une autre application futile dans beaucoup d’objets d’usage courant. Pourquoi acheter des vêtements faits de tissus synthétiques qui libèrent des microplastiques dans l’environnement à chaque lavage et lorsque jetés s’ils comportent en plus un problème d’électricité statique que l’on doit « corriger » avec encore plus de produits chimiques toxiques quand on peut acheter un vêtement en tissu naturel, biologique, local, provenant d’une ressource renouvelable, et qui ne nuit pas autrement à l’environnement ? Les sels de perchlorate servent aussi à manufacturer des feux d’artifice, dont l’utilisation contribue gravement au smog des grandes villes et dont la « valeur » est frivole  (ils sont d’ailleurs bannis de plus en plus souvent par les métropoles menacées par le smog). Les perchlorates sont des perturbateurs endocriniens, particulièrement de la glande thyroïde. L’hormone thyroxine est la principale hormone du développement prénatal, particulièrement du système nerveux.

12. Les dioxines. Elles comportent de nombreuses variantes dont la plus célèbre est l’agent orange utilisé par l’armée américaine au Vietnam comme défoliant. Si les Viet Cong n’avaient repoussé l’envahisseur, ce pays eut subi un écocide total comportant les destructions de sa flore et de sa faune. Les dioxines n’ont jamais été commercialisées à grande échelle, mais c’est Bayer et Dow Chemical qui ont fabriqué ce poison pour l’armée américaine. La dispersion des diverses dioxines dans l’environnement a été considérablement réduite à l’échelle mondiale grâce à l’amélioration des technologies d’incinération imposées par les législateurs. Les dioxines continuent toutefois à polluer l’environnement, en provenance principalement d’incinérateurs mal opérés, de l’industrie du blanchiment de la pulpe de bois et sous forme de résidu de la production de pesticides. Elles détruisent les récoltes et chez l’humain elles causent des cancers de la prostate et des poumons ainsi que des perturbations endocriniennes incluant l’infertilité.

Il est à noter que selon Barbara Demeneix [3] presque tous les perturbateurs endocriniens mentionnés plus haut ont un effet suffisamment grand sur la glande thyroïde pour perturber la croissance prénatale du cerveau et avoir une incidence sur le QI, des années plus tard. Des corrélations entre l’exposition de populations aux TDABs et le QI de ces mêmes populations, une ou deux générations plus tard, commencent à être rapportées dans la littérature scientifique.

Un exemple de TDAB anthropopète

Phtalates. Cette famille de molécules, commercialisée par des compagnies comme BASF, Dow Chemical, LG CHEM, ExxonMobil, est utilisée partout dans les industries du plastique, particulièrement des polychlorures de vinyle (PCV). Les phtalates ne présentent que peu d’accumulation dans l’environnement ni d’amplification dans la chaine alimentaire parce qu’ils sont relativement dégradables dans la nature, mais leur ubiquité dans les produits de consommation et de construction fait en sorte que presque tous les humains y sont de plus en plus exposés. Les phtalates causent le cancer des testicules et rendent les hommes infertiles. 

Mise en contexte plus générale

L’activité humaine dans son ensemble est un TDAB. Chaque souffle est un gaz à effet de serre. Mais s’il ne s’agissait que de cela… La première cause de mortalité à l’échelle mondiale, présentement, est l’humain, plus concrètement, sa pollution atmosphérique provenant de la combustion d’une forme ou d’une autre. Mais puisqu’il faut toujours commencer quelque part à contrer les menaces existentielles, aussi bien commencer par se débarrasser au moins des produits les plus toxiques et les plus inutiles.

Que faire ?

Tous ces produits TDAB mentionnés plus haut sont encore manufacturés et vendus, ici et là, clandestinement, voire de façon parfaitement légale dans de nombreux pays. Par exemple, le DDT, banni aux États-Unis en 1972, est dans l’environnement partout, incluant aux États-Unis. Interdit au Canada en 1990, il nous revient en force dans nos fleurs, fruits et légumes importés d’Amérique latine.

Toutes ces substances devraient maintenant être totalement bannies de la planète et la commercialisation de tels produits devrait être fortement réprimée -sauf pour des produits de première nécessité et pour lesquelles aucune alternative « verte » n’est disponible (ex. lentilles en plastique pour les cataractes). De même, les procédés industriels qui produisent indirectement et clandestinement ces TDAB devraient être strictement interdits, saufs pour des produits absolument prioritaires et cela à petite échelle. Pour que cela se fasse il faut de bons services de recherche en santé publique et une conscience et une volonté politique indéfectible.  

L’urgence de créer un ensemble de lois et réglementations « anti-écocide » ainsi que l’infrastructure gouvernementale capable de les mettre en application

Un élément clé sera un ensemble de lois « anti-écocides » faisant en sorte que la mise en marché, ou l’émanation industrielle, d’un TDAB, soit passible de pénalités dissuasives sans qu’il soit nécessaire de prouver malveillance ou négligence intentionnelle de la part des dirigeants des compagnies. C’est du simple bon sens et cela existe déjà dans plusieurs pays. Malheureusement, l’application de ces lois est une autre affaire… Il n’est pas normal que quiconque puisse impunément répandre des poisons hyper nocifs, et a fortiori les vendre, point final.

L’écocide défini comme « la contamination de l’atmosphère, des terres et des ressources en eau, la destruction massive de la flore et de la faune ou toute autre action qui aurait pu causer une catastrophe écologique – sera puni d’une peine d’emprisonnement de huit à vingt ans ». Article 409 de la loi criminelle nationale de la Georgie instauré en 1999 (ancienne province de l’URSS)

En matière de chimie industrielle, il faut virer à 180 degrés : il faut basculer le rapport de forces, c’est-à-dire transférer le devoir de diligence et l’imputabilité de la santé publique aux compagnies elles-mêmes. Les compagnies doivent protéger la biosphère et l’humanité d’abord, avant de commercialiser à grande échelle un produit comportant de la chimie industrielle. Spécifiquement, elles doivent déterminer si 1) leur produit est toxique, même faiblement, incluant l’embryotoxicité secondaire suivie jusqu’à l’âge adulte et jusqu’à la reproduction (ce n’est pas difficile à faire au moins avec un modèle amphibien), 2) si le produit est envahissant dans l’environnement, 3) s’il s’accumule dans l’environnement et 4) s’il s’amplifie dans la chaine alimentaire.

Les systèmes de santé publique doivent être capables de veiller au grain ensuite. Pour que cela se fasse, il faut inaugurer l’obligation pour les compagnies de dévoiler tous les composés chimiques dans tous les produits commercialisés, voire même rejetés dans le processus industriel (présentement, aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’y a pas d’obligation pour les compagnies de révéler publiquement les composés chimiques des produits qu’ils rejettent dans l’environnement, ni même ceux qu’ils mettent en marché). Finalement, les systèmes judiciaires doivent être en mesure de mettre nos Frankenstein Inc. définitivement hors d’état de nuire et de récupérer une partie de l’argent que ces derniers se sont accaparé de façon à pouvoir financer la protection des populations –incluant les coûts dans les systèmes de santé, de décontamination des sols et des eaux, etc. Les applications frivoles des TDAB devraient être bannies.

Tout plombier, électricien ou entrepreneur en bâtiments opère dans divers cadres légaux dans les pays développés. Pour être accrédité, et profiter d’une bonne crédibilité en contrepartie, un entrepreneur doit connaître et appliquer le code du bâtiment et avoir une bonne assurance contre les désastres qu’il pourrait occasionner. Le permis de construire de la ville impose aux particuliers d’embaucher des entrepreneurs « certifiés » et « assurés ». Ces systèmes d’accréditation sont et doivent être très complexes pour le secteur des produits chimiques qui sont eux-mêmes complexes, mais ils doivent néanmoins avoir plus de mordant puisque les risques pour l’environnement sont plus grands. D’immenses réserves d’argent doivent être prévues pour les désastres environnementaux quand les enjeux touchent l’ensemble de l’écologie planétaire. Bref, pour ce faire, les lois anti-écocide devront prévoir des obligations d’accréditation, d’assurance, d’imputabilité, aux industriels et commerçants, assorties de réelles capacités punitives de la part des États, tels les mandats d’arrestation internationale, empêchant les Dr Frankenstein et les Merlins de l’industrie et du commerce d’adopter des nationalités ou des compagnies d’emprunt ou tout autre manigance pour échapper aux lois, en les empêchant de cacher leur identité, voyager, de placer ou déplacer des fonds, etc. [3]

Références

  1. Mary Shelley , 1818, Frankenstein ou le Prométhée moderne.
  2. Geoffroy de Monmouth, 1130-1135, Prophetiae Merlini (Prophéties de Merlin).
  3. Hill, Marquita, 2010, Understanding environmental pollution. Cambridge : Cambridge University Press. Demeneix, Barbara, 2017, Cocktail toxique : Comment les perturbateurs endocriniens empoisonnent notre cerveau. Paris : Odile Jacob.

* Claude Braun est professeur de neurosciences à l’UQAM. Il a publié des articles scientifiques sur la toxicologie industrielle de solvants organiques, de métaux lourds et de sels minéraux explosifs. 

Helen Keller (1880-1968)

Aveugle, sourde et muette avant de devenir grande humaniste

À l’âge de sept ans, dès sa première journée passée avec une éducatrice spécialisée, Helen Keller, fillette de classe aisée de l’Alabama, aimée et choyée par ses parents, mais sourde, aveugle, muette, comprit que des touchers spécifiques pouvaient servir de signes pour
communiquer. Dans ses mots, ce fut pour elle une grande excitation, car elle se sentit instantanément accéder à une « conscience pleine ». Membre du Parti socialiste d’Amérique et d’Industrial Workers of the World, elle a fait campagne pour le droit de vote des femmes, les droits relatifs au travail, le socialisme, l’antimilitarisme, l’antiracisme et d’autres causes similaires. Elle a publié douze livres, et apprit même à parler à voix haute -ce qui lui permit de donner de grandes conférences partout à travers le monde. 

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