J’appuie le Projet de loi No 21 pour les raisons suivantes.
a) Il propose une définition de laïcité qui est juste et qui ne souffre d’aucune ambiguïté. En substance, il affirme que la laïcité est un principe de gouvernance qui établit la neutralité religieuse de l’État québécois, c’est-à-dire la séparation nette entre l’État et les religions; ce principe s’applique aux institutions, aux activités, aux lieux et aux agents de l’État. Se situant en dehors et au-dessus des croyances religieuses, l’État laïque protège la libre pratique des religions, y compris celle de n’en pratiquer aucune; en même temps, il n’encourage ni ne soutient ni l’une ni l’autre. Ne favorisant aucune religion, l’État se refuse d’intervenir dans les questions de doctrine confessionnelle et dans les activités religieuses; en retour, les religions ne se mêlent pas des affaires de l’État. Un État neutre en matière de religion n’est ni athée ni anticlérical, il est simplement laïque.
b) Il reconnait la suprématie des lois civiles sur les préceptes religieux, parce que les lois civiles sont adoptées démocratiquement et en toute liberté par les élus du peuple alors que les préceptes religieux sont imposés par une oligarchie autocratique.
c. En accord avec la Déclaration universelle des droits de l’homme, il reconnait que la laïcité se fonde sur la dignité humaine et, de ce fait, acquiert sa légitimité en tant que règle fondatrice de la vie en société.
d. Il rétablit l’équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels. Promulguées en 1976, la Charte québécoise des droits et, en 1982, la Charte canadienne des droits définissent les droits individuels et ignorent les droits collectifs. Dans la foulée, les tribunaux ont rendu des décisions qui favorisaient surtout les droits individuels. Il en résulte un déséquilibre sociétal qui est source de malentendus et de frictions. En insérant la laïcité au cœur de la Charte québécoise, il rétablit l’équilibre souhaité pour une vie en société harmonieuse.
e. Il dit que la laïcité s’appuie sur la liberté de conscience et, par sa promulgation, en assure le libre exercice. La liberté de conscience est la possibilité pour un individu de choisir en toute sérénité les principes régissant sa vie, dans la mesure où ceux-ci n’enfreignent pas les lois commues, elles aussi promulguées sans contraintes par l’assemblée des élus. En matière d’immanence, ce choix implique pour chacun la liberté de croire ou de ne pas croire, et celle de pratiquer la religion de son choix ou de n’en pratiquer aucune. La laïcité protège cette liberté fondamentale qui encadre les libertés de religion, d’opinion et d’expression.
f. Il dit que la laïcité assure l’égalité en droit de tous les citoyens, notamment celle des femmes et des hommes. La laïcité n’accorde aucun privilège à des individus ou à des groupes pour des motifs religieux. En cela, la laïcité se distingue des religions mono¬théistes qui prescrivent non seulement une distinction radicale entre les sexes mais aussi la supériorité assumée des hommes sur les femmes.
g. Il dit que la laïcité proclame l’universalité de la sphère publique, c’est-à-dire le partage du bien commun par toutes les citoyennes et tous les citoyens. La laïcité implique que tous partagent un ‘bien commun’, à savoir les mêmes lois, les mêmes droits, les mêmes institutions et les mêmes lieux publics. Cela signifie aussi que tous les citoyens, qu’ils soient de sexe féminin ou masculin, croyants ou non, hétérosexuels, homosexuels ou transgenres, blancs, noirs, jaunes ou arc-en- ciel, qu’ils soient de souche ou nouvellement arrivés, tous les citoyens, dis-je, ont droit au même accès aux services gouvernementaux, au même traitement devant les tribunaux, et à l’exercice sans entrave des mêmes libertés.
h. Il dit que la laïcité assure la paix et la cohésion sociale. La laïcité est le principal antidote des conflits de religion, les autres sont les Lumières, l’humanisme, la tolérance, l’esprit critique, le discernement, l’éducation, la justice et la rationalité. C’est au philosophe des Lumières John Locke (1632-1704) que l’on attribue la première expression de l’idée moderne de laïcité. En exil à Amsterdam en 1689, Locke publie en latin et sans nom d’auteur son Epistola de Tolerantia (Lettre sur la tolérance). Quelques mois plus tard, le pamphlet est publié en anglais, à Londres, toujours sans nom d’auteur, sous le titre de A Letter Concerning Toleration. Préoccupé par les guerres de religion, Locke propose un principe gouvernemental qui, espère-t-il, serait susceptible d’amener la paix en Europe. Il propose ceci: « […] I esteem it above all things necessary to distinguish exactly the business of civil government from that of religion and to settle the just bounds that lie between the one and the other. » Le Projet de loi No 21 accomplit la prescription de Locke et il faut s’en réjouir.
i. En interdisant le port de signes religieux par les enseignants des écoles publiques, il assure la protection des enfants contre l’endoctrinement. Il y a une différence fonda¬mentale entre la transmission de connaissances rationnelles et l’endoctrinement : c’est le doute ou l’esprit critique. Par définition, l’endoctrinement transmet des préceptes immuables et indubitables; au contraire, l’enseignement préconisé par la laïcité encourage la remise en question et l’argumentation logique. La laïcité valorise la rationalité et freine l’arbitraire.
j. En faisant de la laïcité un principe fondamental du corpus juridique québécois, le projet de loi contribue à la construction d’une civilisation humaniste et pacifique.0
k. Enfin, j’appuie le projet de loi No 21 parce qu’il est une législation respectueuse de tous.
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