Deux propositions d’une charte québécoise de la laïcité : Henri Laberge vs Normand Rousseau

par Août 24, 2016Articles de fond, Laïcité, Québec humaniste0 commentaires

CLAUDE BRAUN

CLAUDE BRAUN

Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"

Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque"  et est depuis quelques années l'éditeur en chef  de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec  les compliments de l'auteur.

NDLR Deux projets de Charte québécoise de la laïcité sont venus à l’attention du conseil d’administration de l’Association humaniste du Québec en 2016. Les deux propositions proviennent chacune de membres de l’Association humaniste du Québec, deux intellectuels de très haut niveau, très estimés et appréciés à l’AHQ et bien au-delà. Nous avons trouvé intéressant de placer la liste détaillée des éléments de loi proposés, des deux propositions, en abrégé, en face à face. Le lecteur saisira la radicalité, l’audace, la perspicacité de chacun. Rien à voir avec la stupide charte micro laïcisante du gouvernement Marois. Le lecteur constatera aussi qu’il n’est pas anodin de rédiger des chartes. Combien de principes faut-il énoncer ? Dans quel ordre faut-il placer les priorités ? Voyez par vous-mêmes ! 

Items d’une proposition de volet constitutionnel québécois sur la laïcité*

Henri Laberge

  1. La République québécoise est laïque et le sont de même, par conséquent, toutes les institutions de la République : l’Assemblée nationale, le gouvernement et tous ses ministères, l’administration, y compris ses organismes décentralisés, les tribunaux, les services publics et les institutions privées subventionnées par l’État.
  2. Tous les citoyens étant égaux devant la loi, sans distinction d’opinions, de croyances et de convictions métaphysiques ou religieuses, nul n’est autorisé à s’enquérir des croyances et convictions religieuses ou métaphysiques d’une personne pour lui accorder ou lui refuser quelque avantage ou pour lui permettre de déroger à une norme publique démocratique et laïque.
  3. Dans l’exercice de leurs fonctions, tout agent public et tout collaborateur du service public ont un devoir de stricte neutralité religieuse et d’apparence de neutralité religieuse. Ils ne doivent donc afficher ni leur croyance, ni leur incroyance dans l’exercice de leurs fonctions au service de la République.
  4. La liberté de croyance comprend la liberté de croire et celle de ne pas croire. La liberté de religion comprend la liberté d’adhérer à la religion de son choix, celle de changer de religion et celle de n’en avoir aucune.
  5. Les tribunaux ne tiennent pas compte des croyances, de l’incroyance et des convictions intimes des personnes pour moduler un jugement ou une sentence, sauf s’ils ont à juger un cas de persécution religieuse et dans la mesure où en tenir compte est nécessaire pour protéger les libertés définies à
  6. La liberté de manifestation publique de ses opinions et croyances doit être assortie de limites propres au respect du pluralisme religieux, à la protection des droits et libertés d’autrui, aux impératifs de l’ordre public et au maintien de la paix civile.
  7. L’État ne reconnait officiellement aucune religion, aucun dogme, aucun culte; il ne les salarie pas, ne les subventionne pas, y compris par le biais d’exemptions fiscales. Ce qui ne devrait pas lui interdire d’aider à la préservation et à la valorisation du patrimoine religieux sur la base de sa valeur patrimoniale, de son utilité sociale et de son ouverture au public.
  8. L’État ne subventionne pas l’enseignement confessionnel (catéchétique) des religions. Il ne subventionne pas les institutions privées d’enseignement qui ont un caractère confessionnel. Il ne subventionne pas non plus les institutions ayant un caractère anti religieux.
  9. Les serments prêtés sur des livres sacrés des religions ou faisant appel à une puissance surnaturelle pour confirmer un témoignage, un engagement ou une promesse sont nuls aux yeux de la loi et juridiquement de nul effet.
  10. Les vœux religieux sont affaire strictement personnelle et de conscience. La loi ne reconnait pas de vœux religieux qui soient opposables à un droit naturel, à un droit civil, à un droit fondamental de la personne ou du citoyen, à la liberté de changer de religion, à toute liberté protégée par la Constitution, le Code civil ou toute autre loi. Quiconque invoque un vœu religieux prêté par une autre personne pour l’exploiter et la dominer commet un crime. Le Code criminel précise les modalités de ce crime et les peines qu’il entraine.
  11. Le mariage est un contrat civil entre deux personnes adultes qui ont librement décidé de faire vie commune. Le Code civil en complète la définition et précise les droits et obligations qui en découlent.

*JALONS pour un avant-projet de CONSTITUTION de la RÉPUBLIQUE du QUÉBEC. Texte déposé en novembre 2014 par Henri Laberge à la Ligue d’Action nationale pour : Le Mouvement national des Québécoises et Québécois, Le Conseil de la Souveraineté, Les partis Indépendantistes, etc.

Items d’une proposition d’une Charte québécoise de la laïcité

Normand Rousseau 

  1. L’État doit être neutre vis-à-vis de toutes les religions et groupes de conviction, les croyants comme les non-croyants.
  2. Aucun cours de religion ou de culture religieuse n’est permis dans tous les lieux d’enseignement publics ou privés, l’enseignement des religions étant réservé au secteur privé dans les résidences et les lieux de culte. Au niveau du primaire et du secondaire, il doit être remplacé par des cours d’humanisme éthique et d’histoire des religions et d’athéisme. Au niveau des cegeps et des universités, on poursuivra les cours d’histoire des religions complétés par des cours de philosophie pour aider au développement de l’esprit critique, par des cours sur l’origine de l’univers et par des cours sur l’origine et l’évolution des espèces par sélection naturelle. Aucun cours sur le créationnisme, qui relève de la fumisterie, ne doit être enseigné. S’il y a lieu, on supprimera les lieux de culte (chapelles, salles de prière) dans les établissements d’enseignement.
  3. Le gouvernement ne subventionne d’aucune façon les religions ou l’athéisme.
  4. En vertu du principe de neutralité, tous les signes religieux sont interdits dans la sphère publique.
  5. La fonction publique doit être entièrement neutre.
  6. La Charte hiérarchise les droits de l’homme en vertu du principe d’universalité. La liberté de religion vient en dernier lieu, après le droit à la vie, le droit à la liberté de conscience, le droit à la liberté d’expression, le droit à l’égalité homme-femme. Tous ces droits priment le droit à la liberté de religion, car ils s’appliquent à tous les humains qu’ils soient croyants ou non-croyants.
  7. En vertu du droit à la liberté de conscience, les rites de passage comme le baptême et la circoncision imposés à des mineurs sont illégaux, même avec leur consentement. Cependant, ils peuvent être dispensés à des adultes s’ils en font librement la demande.
  8. La politique doit être exempte de tout caractère religieux.
  9. Les manifestations religieuses sont interdites dans la sphère publique.
  10. La Charte ne reconnaît aucune suprématie d’une divinité. Le faire serait une sorte de privilège accordé à une religion tout en ignorant les citoyens qui n’ont pas de religion ou qui ne pratiquent pas la même religion.
  11. La Charte ne reconnaît aucune loi soi-disant divine. Seule la législation civile fait force de loi.
  12. L’État remplace les fêtes religieuses par des fêtes laïques.
  13. Les homosexuels ont les mêmes droits civils que les hétérosexuels.
  14. Les médias ne doivent favoriser aucune religion ni l’athéisme.
  15. Les signes religieux sont interdits dans les sports.
  16. Les cimetières sont sécularisés.
  17. Les abattoirs religieux sont interdits.
  18. L’État doit contrôler les sectes.
  19. L’État doit supprimer toute la toponymie religieuse.
  20. L’État rejette tout accommodement religieux.
  21. L’État demande la suppression de toute référence à la suprématie de Dieu dans la Constitution canadienne. 22. L’État doit créer un ministère de la laïcité.

* CHARTE DE LA LAÏCITÉ DU QUÉBEC. (2016). Normand Rousseau 

 

 

 

 

 

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