Le comté de Hastings, en Ontario, et deux de ses municipalités renoncent à la prière

par Jan 15, 2012actualités - humanistes, Laïcité, Québec humaniste0 commentaires

Dagmar Gontard-Zelinkova

Dagmar Gontard-Zelinkova

(décédé en 2014) Bien que vivant en Ontario, Dagmar Gontard-Zelinkova est un des plus anciens membres de l ‘Association humaniste du Québec. En parallèle avec Bill Broderick à Belleville, elle a mené une guerre d’usure contre la prière à l’hôtel de ville de sa municipalité de Hastings Highlands, de la municipalité voisine de Bancroft et aussi au Conseil du comté de Hastings qui, hormis les deux déjà citées, regroupe douze autres municipalités

En 1999, Henry Freitag s’est opposé à la prière au Conseil de sa municipalité de Penetanguishene. La Cour d’appel de l’Ontario lui a donné raison : en débutant les séances de l’assemblée publique du Conseil municipal par la récitation d’une prière, la ville portait atteinte de façon discriminatoire à sa liberté de religion et de conscience. Le jugement rendu est connu comme Freitag v. Penetanguishene, 1999.

On s’attendrait, en toute logique, à ce que le Ministre des affaires municipales impose le jugement aux autres municipalités. Ce n’est pas le cas et l’on constate que de nombreuses municipalités, faisant fi du jugement, continuent de réciter la Lord’s prayer.

Au fil des années, de simples citoyens prenaient l’affaire en mains et plaidaient le respect du jugement devant leurs municipalités respectives, avec des résultats qui variaient, d’une municipalité à l’autre; dans certaines, la requête a été tout simplement ignorée, dans d’autres les athées ont été inclus et autorisés à réciter, occasionnellement, une Invocation athée. Certaines municipalités, plutôt que d’accepter l’Invocation athée, ont préféré abandonner la pratique de la récitation de la Lord’s prayer. Enfin, il y a des municipalités qui ont opté pour la récitation de la soi-disant « prière générique, » utilisée par la législature ontarienne.

En 2006, Secular Ontario a envoyé une lettre aux municipalités récalcitrantes, en les invitant à respecter le jugement de 1999. Dans Hastings, qui est mon comté, deux municipalités ont été visées, respectivement Hastings Highlands, qui est ma municipalité, et Bancroft, municipalité voisine. Par ailleurs, le comté lui-même, qui siège à Belleville. a également reçu la lettre.

Étant membres de Secular Ontario et résidant tous les deux dans le conté de Hastings, Bill Broderick et moi-même avons décidé de nous joindre à la campagne. En 2007, Bill s’est adressé à Hastings County à Belleville, lieu de sa résidence. Dans son allocution aux conseillers, il a dit : « Je vous demande, respectueusement, de cesser d’ouvrir vos assemblées avec la prière. Je vous le demande en tant qu’ami, en tant que voisin, en tant que citoyen et en tant que personne qui ne croit en aucune puissance surnaturelle. » Bill était connu, dans sa région, pour ses nombreux articles et lettres, dans lesquels il prêchait la raison et les solutions pacifiques. Sa requête, adressée à Hastings County, est restée lettre morte.

L’année suivante, à mon tour, je m’adressais à ma municipalité de Hastings Highlands, à quelques 150 km plus au nord. Je me voulais encore plus conciliante que mon collègue; en effet, je demandais à mon conseil de m’autoriser à réciter l’Invocation athée, une ou deux fois par année. Je venais aux assemblées publiques régulièrement, en tant que représentante de mon association locale, et je me sentais entièrement exclue par la récitation du Lord’s prayer. La réponse de ma municipalité a été un cinglant refus. L’année suivante, à mon tour, je m’adressais à ma municipalité de Hastings Highlands, à quelques 150 km plus au nord. Je me voulais encore plus conciliante que mon collègue; en effet, je demandais à mon conseil de m’autoriser à réciter l’Invocation athée, une ou deux fois par année. Je venais aux assemblées publiques régulièrement, en tant que représentante de mon association locale, et je me sentais entièrement exclue par la récitation du Lord’s prayer. La réponse de ma municipalité a été un cinglant refus.

Quand Secular Ontario a offert de l’aide légale, j’ai résolu de poursuivre ma municipalité en justice. Mais auparavant, j’ai voulu encore tenter une solution à l’amiable. J’ai écrit un essai sur la laïcité, où j’ai expliqué l’importance de la séparation des religions et de l’État. Je l’ai fait distribuer aux membres du Conseil. Enfin, le 26 janvier 2011, dans mon allocution devant le Conseil, je lui ai demandé officiellement, au nom du Secular Ontario, de cesser la pratique de la récitation de la prière. Mon allocution terminée, le Conseil a voté une motion de continuer avec la prière.

En mars, l’avocat du Secular Ontario a envoyé une lettre d’avertissement à ma municipalité. La lettre est restée sans réponse, et le mois suivant, l’avocat entamait la procédure judiciaire

De mon côté, je continuais ma campagne personnelle, rencontres avec des élus, non seulement dans ma municipalité mais aussi dans la municipalité voisine de Bancroft. Puis, quand la maladie empêcha Bill Broderick de poursuivre la campagne à Belleville, je l’ai remplacé devant le Conseil de Hastings.

Pendant les mois d’été, alors que les avocats continuaient à instruire les dossiers, les partisans et les adversaires de la Lord’s prayer s’affrontaient sur les pages de journaux locaux. Par ailleurs, les journalistes rapportaient des nouvelles sur les délibérations qui se déroulaient aux Conseils de Belleville et de Bancroft : les deux semblaient installés dans l’attente. L’attente de ce qui allait advenir à Hastings Highlands, municipalité qui se trouvait au milieu d’une bataille légale.

De mon côté, fin août, je me suis trouvée devant le dilemme : Hastings Highlands avait abandonné le Lord’s prayer, mais l’avait remplacé par la prière « générique. » M’attaquer à celle-ci aurait été non seulement plus difficile, mais aussi plus coûteux. Que devais-je faire? Abandonner et me contenter d’une victoire partielle?

Mon ami et collègue, Bill Broderick, qui se mourait à Belleville, m’offrit généreusement de l’aide financière. J’ai résolu alors de continuer la bataille.

Début octobre, les média à Belleville commencèrent à signaler la possibilité de l’abandon de la prière au Conseil de Hastings County. La nouvelle a été confirmée le 29 octobre. Début novembre, ce fut au tour de Bancroft où les conseillers avaient voté, à l’unanimité, de remplacer le Lord’s prayer par un moment de silence. Enfin, le 8 novembre, l’avocat de la partie opposée avisait notre avocat que Hastings Highlands, aussi, abandonnait la prière …

L’audience à la cour, fixée au 15 février 2012, n’aura pas lieu. Le doux sentiment d’avoir mené une bataille pour une cause juste est teinté de regret – mon ami, Bill Broderick, humaniste et laïc, est mort le 10 octobre, si près de la ligne d’arrivée. Une petite victoire a été réalisée, localement. Mais les vents adverses continuent de souffler sur la laïcité. Il faut rester vigilant. 

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