Ghyslain Parent, Ph.D.
Ghislain est professeur titulaire en Adaptation scolaire au Département des sciences de l'éducation de l'UQTR.
L’insoutenable légèreté de la soutane
« Malheur à celui qui blesse un enfant! »
Ghyslain Parent, Ph.D.
Les années 2000 à 2010 ont été marquées par un scandale sans précédent au sein de l’Église catholique romaine. Une des institutions parmi les plus pérennes a vu ses structures internes ébranlées à la fois de l’intérieur et de l’extérieur. L’impensable a été mis sur la place publique : des comportements longtemps dissimulés ont été révélés par la presse internationale. Des victimes de ces crimes ont déposé des témoignages tirés de souvenirs tus depuis 30, 40 voire 50 ans. Ces secrets de jeunes enfants devenus adultes ont ébranlé les colonnes du temple.
Ce soir, je vous inviterai à passer en revue avec moi certains documents. Ils nous permettront de comprendre comment, depuis des siècles, une véritable omerta a protégé des criminels qui ont sévi, drapés sous la soutane, tapis dans des presbytères et des lieux saints. Certes, il ne s’agit pas d’une exclusivité ecclésiastique. De tels écarts ont été commis dans d’autres milieux : chez les scouts, par exemple, dans des écoles, des garderies ou encore dans des familles. Mais l’odieux de ces crimes, lorsqu’ils sont attribuables à des clercs, se caractérise par l’ampleur du phénomène, le secret et la protection accordés à ceux qui les ont commis et par le fait que ces abuseurs se croyaient et étaient à l’abri de tout soupçon.
Depuis quelques années, je milite pour la reconnaissance de la laïcité dans l’espace public québécois et pour l’adoption d’une charte de la laïcité au Québec. Depuis plus de trente ans, j’ai aussi travaillé à la prévention du suicide et de la détresse humaine. J’ai écrit de nombreux articles et livres sur le sujet et j’ai rencontré plusieurs personnes ayant vécu des tragédies liées à des abus. Depuis trois ans, j’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs victimes d’abus sexuels de prêtres et pendant une année, j’ai pu faire la recension de milliers d’articles de journaux, partout dans le monde, portant sur le sujet. C’est grâce à l’analyse de ces nombreux documents et à l’écoute de ces hommes, de ces femmes, que j’ai pu tenter d’expliquer un phénomène qui sévit urbi et orbi et qui revêt une envergure véritablement planétaire.
Faut-il le dire, cette démarche ne vise pas à instaurer une rectitude politique républicaine, une sorte de néo-puritanisme suspicieux et pinailleur en matière de sexualité. Bref, je ne suis pas venu ici ce soir pour me présenter sous le masque douteux et toujours suspect d’un défenseur de la moralité publique. Il va de soi que toute forme de sexualité entre adultes consentants est acceptable, pourvu qu’elle ne trouble pas l’ordre public et soit conforme au respect des personnes tel que les intéressé(e)s le conçoivent. Par ailleurs, un large consensus que partagent les autorités médicales, les éthiciens, les psychologues, et tous ceux, toutes celles ayant exprimé un avis autorisé sur la question confirme qu’il est et demeure inacceptable que la naïveté et la pureté d’un enfant mineur soient violées par une intimité sexuelle avec un adulte qui constitue nécessairement et inévitablement un abus de pouvoir générateur de mille douleurs pour celle ou celui qui le subit – tout comme pour celle ou celui qui le commet – jusqu’à acculer les victimes, et parfois le coupable, à la folie et au suicide.
La présence du démon responsable de la faiblesse de certains prêtres
Lorsque l’Église tente d’expliquer le phénomène de la pédophilie ecclésiastique, elle a notamment recours à la pensée magique, ce qui n’a rien d’inhabituel en milieu ecclésiastique, même au XXIe siècle. Un croyant qui adhère au catholicisme souscrit à l’idée de l’existence d’un Dieu bon et juste. Son antithèse est, bien sûr, le Diable, Belzébuth, Satan…, cette entité malfaisante qui veut la perdition de l’homme et de l’Église. Ainsi, le 11 mars 2010, le Chef exorciste du Saint-Siège, le Père Gabriele Amorth, âgé de 85 ans, a déclaré que « le scandale des abus sexuels dans l’Église catholique de Rome est la preuve que le Malin est dans le Vatican ». Le journaliste R. Owen[1] a rencontré le célèbre exorciste et il a publié un compte rendu de son entretien dans TimesOnline, le 11 mars 2010.
Amorth, qui est en poste depuis plus de 25 ans et qui a géré 70 000 cas de « possession diabolique », a affirmé que les conséquences de la présence de Satan dans le Vatican conduisent des cardinaux à ne plus croire en Jésus et des évêques à « se lier au Démon ». D’après l’article d’Owen, le Père Amorth estime que l’attentat raté contre le Pape Jean-Paul II, en 1981, de même que l’attentat d’une femme « malade mentale » qui a terrassé le Pape Benoît XVI en se ruant sur lui comme une footballeuse lors de la Messe de Minuit en 2009 étaient deux actions devant être imputées à la « responsabilité du diable ».
Toujours selon Owen, le Père Amorth considère le diable comme un pur esprit invisible qui se manifeste en affligeant et en faisant blasphémer ses victimes. Et le bon père Amorth d’ajouter que le Diable s’est même aventuré à se moquer de lui. Le Père précise qu’il faut jusqu’à six ou sept personnes pour clouer au sol un être possédé par le diable. Il affirme que certains possédés ont vomi des clous, des morceaux de verre, des pièces de métal longues d’un décimètre et même des pétales de rose. Convaincu, il conserve précieusement ces pièces à conviction dans un sac.
Selon Owen, le Père Amorth souhaite que chaque diocèse ait un exorciste résident pour mieux traquer le Malin jusque dans ses derniers retranchements. Voilà qui serait une solution inattendue à l’enjeu qui nous préoccupe… D’après le droit canon catholique, tout prêtre peut effectuer des exorcismes, mais de fait, seuls quelques-uns sont dévolus à cette fonction. Selon le chef exorciste, il y a deux personnalités célèbres qui ont été possédées par Satan : Adolf Hitler et Joseph Staline. Comment savoir…
Le 17 mars 2010, deux journalistes de CNN, Morgan Neill et Messia Hada[2], ont aussi rencontré ce prêtre de 85 ans qui leur a dit que les gens peuvent être tentés et littéralement possédé par Satan : « Le diable tente tout le monde : les gens dans la vie politique, en économie, dans le sport. Et naturellement, il tente, avant tout, les chefs religieux, vous ne devriez pas être surpris si le diable les tente au Vatican. C’est son métier ».
Le père Gabriele Amorth ajoute : « Je dis que si vous croyez en l’Évangile, vous croyez en l’existence du diable, au pouvoir du diable pour posséder les gens. Les fidèles croient « qu’il y a des gens possédés par le diable, et… en la puissance de l’exorcisme pour libérer le diable, mais il y a une différence entre la possession, où le diable s’empare du corps de quelqu’un… et la tentation où Satan leurre une personne et l’incite à faire le mal. En ce qui a trait à la maltraitance des enfants qui a scandalisé toute l’Europe, avec des accusations portées contre des prêtres en Irlande, en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas, les, pédophiles sont tentés par le diable, mais pas possédés. (Je me sens déjà mieux !) Ils n’ont pas besoin d’exorcisme, ils doivent être convertis, et se convertir à Dieu, c’est ce dont ils ont besoin. Ils ont besoin de se confesser. Ils ont besoin d’une vraie pénitence. La vraie repentance, c’est ce dont ils ont besoin. Ils ne sont pas possédés. Mais aucun croyant n’est à l’abri d’être possédé. Rien ne se produit sans la permission de Dieu, et ce Dieu si bon peut même permettre que les fidèles, dont les saints, soient possédés par le diable ».
À en juger par ces déclarations, qui relèvent véritablement de la pensée magique, celles et ceux qui croient à de telles notions en viennent à considérer les prêtres abuseurs comme les réelles victimes de ce complot ourdi par deux êtres invisibles : Dieu et Satan dont ils ne seraient que les marionnettes.
Le refus de reconnaître l’importance de la dimension sexuelle
Lors d’une discussion avec une dame, âgée dans la fin quarantaine, je lui ai dit que j’étais en train de rédiger cette allocution. Elle m’a répondu : « Moi aussi, j’ai été victime d’un curé pédophile et on ne savait même pas que c’était de cela qu’il s’agissait… Quand j’avais 12 ou 13 ans, dans les années 1973, il y avait un curé dans notre village qui venait souvent manger à la maison. Un jour, je me suis retrouvée seule dans le salon avec lui et il m’a saisi les seins par-dessus mon chemisier. J’ai crié de toutes mes forces pour dire à ma mère, qui était dans la cuisine, que le curé me caressait, me palpait les seins. Ma mère est arrivée à toute vitesse et elle a interrogé le curé qui, outré, jurait de sa bonne foi, niait tout. Ma mère a exigé que je m’excuse auprès du prêtre. J’ai refusé, dit et redit qu’il m’avait peloté les seins. Ma mère a saisi un bâton pour me flanquer une raclée et me contraindre à présenter mes excuses. Jamais je n’oublierai l’incident. ».
Il est important d’être à l’écoute des victimes. Elles ont besoin d’être entendues et d’être crues. Comme le soulignait Antoine-Marie Izoard[3], le 18 avril 2010, même Benoît XVI nous invite à écouter les victimes.
Par ailleurs, chacun le sait, lorsqu’on s’attaque à l’Église, cela va heurter plus d’une âme sensible. Surtout lorsqu’il est question de sexualité. En effet, le sexe et la religion sont deux sujets qui ne peuvent être abordés du même souffle. La religion catholique tait, nie, réprime le sexe. De tradition, la religion tue le sexe et son expression. L’Église catholique, comme plusieurs autres religions, valorise l’abstinence sexuelle, la virginité et le célibat. Il n’est donc pas surprenant que la religion catholique propose à l’adoration des foules un Dieu fait homme né d’une vierge sans l’entremise de la sexualité et dont la Sainte mère était, tenez vous bien, vierge avant et après sa naissance, par un inexplicable tour de passe-passe.[4]
Il ne faut pas se surprendre que des scandales à caractère sexuel semblent encore pires lorsqu’ils concernent le clergé d’une religion qui vouait à l’Enfer quiconque était tenaillé de pensées impures ou qui osait toucher à son propre corps pour explorer son potentiel de plaisir, seule la douleur étant salvatrice. Plusieurs se souviendront que, longtemps dans les couvents et collèges du Québec, la lettre « Q » étaient prononcée « QUE »… pour éviter les idées lubriques que pourrait éveiller parmi les têtes brunes et blondes la prononciation trop franche, trop évocatrice d’un « Q » honni… Cachez ce « Q » que je ne saurais entendre…
L’exploitation de la curiosité sexuelle naturelle de l’enfant
Certains témoignages, figurant dans le rapport de la Commission Adriaenssens[5],[6] [Commission de traitement de plaintes pour abus sexuels dans le cadre d’une relation pastorale], laissent entendre que des religieux abuseurs s’étaient défendus auprès des autorités en alléguant que les victimes avaient sollicité les contacts et gestes à caractère sexuel reprochés. Il est clair que de jeunes enfants peuvent exprimer un intérêt pour la sexualité et solliciter des adultes pour satisfaire leur curiosité naturelle. Cependant, il appartient à l’adulte de s’assurer que la personne lui faisant des avances est consentante et qu’elle est majeure. S’il s’agit d’un enfant et même d’un très jeune enfant, il est du devoir de cet adulte de protéger cet enfant contre lui-même et de parler de cette situation aux parents ou à un intervenant.
L’absence de la femme dans l’Église catholique
Sous la Liste des saints[7] commençant par la lettre « A », il y a 109 saints. Parmi eux, on n’y décompte que 27 femmes. La sainteté est donc un monde d’hommes. Les religions, pour la grande majorité, sont des affaires d’hommes. Elles sont patriarcales. Dans la religion catholique, la prêtrise est affaire d’hommes. Dans presque toutes les sociétés, le crime, la délinquance, la pédophilie et la violence sont aussi des affaires d’hommes.
La religion catholique ne laisse que peu de place à la femme. Certes il y a les religieuses qui peuvent trouver plaisir à se complaire dans un rôle subalterne au sein de l’Église, mais elles ne sauraient commettre plus grave péché que de prétendre accéder à la prêtrise, exclusivité masculine. La symbolique du vêtement liturgique le confirme : débauche d’ornements pour le clergé masculin… tandis que les sœurs, furent-elles abbesses, sont et resteront vêtues de noir. Dans l’univers ecclésiastique, la splendeur vestimentaire est une exclusivité virile. Federico Fellini nous en a fait la démonstration dans la parade de mode ecclésiastique qui est un des morceaux de bravoure de son film Roma[8].
Cette misogynie est, je le crains, à inscrire au passif de Saint Augustin. Pour l’Église, la femme conjuguera longtemps les ruses du Prince des Ténèbres… et la bêtise de la bécasse. Et Augustin de décréter : « Homme, tu es le maître, la femme est ton esclave » [9]. Plusieurs prêtres ont passé leur enfance dans des séminaires où, très tôt, ils ont été coupés de la présence féminine. La femme est vue comme un mal qui doit être tenu à bout de bras. Elle est celle qui a fait chuter le premier homme. Toutes les structures de l’organisation catholique font en sorte d’éloigner l’homme de la tentation et pendant de nombreuses générations, au Québec, l’enseignement se faisait dans des collèges ou couvents, différenciés selon le genre des étudiants. Ceux qui étaient appelés à devenir prêtres y étaient vus comme les membres d’une sorte d’aristocratie spirituelle, la crème de la crème, et bénéficiaient de privilèges économiques et autres en échange de la privation des plaisirs de la chair. Comment se surprendre que la nature réclamant son dû, ils aient vécu un retour volcanique du refoulé et trouvé un exutoire auprès des enfants placés sous leur autorité absolue, puisque d’institution divine ? Ces rapports intergénérationnels rééditaient parfois la séduction dont l’abuseur avait été lui même l’objet, plus jeune. Certains abuseurs ont reconnu qu’enfants, ils ont souvent trouvé le réconfort et la sécurité affective avec d’autres prêtres dans le climat surchauffé et claustrophobique du pensionnat. Ainsi la perversion se transmettait d’une génération à l’autre, comme un cadeau de Grec.
La disponibilité de jeunes garçons dans l’entourage des prêtres pédophiles
Dans l’ensemble de la population, les victimes d’abus sexuels sont généralement des filles et des femmes. Une communication de Santé publique de Montréal Centre[10] de 2001 indique que les études sont unanimes : les femmes ayant entre 15 et 24 ans sont les plus touchées par les agressions à caractère sexuel. Cet organisme ajoute qu’actuellement, il n’existe pas d’étude québécoise effectuée auprès d’un échantillon représentatif de la population au sujet des agressions à caractère sexuel. Toutefois, aux États-Unis une étude provenant d’un échantillon représentatif d’adolescentes montre que 12 % des adolescentes, âgées de 14 à 19 ans, de Milwaukee auraient été violées depuis leur naissance. Au Québec, une étude préliminaire fait ressortir la même prévalence ; 12 % d’adolescentes, elles aussi âgées entre 14 et 19 ans, ont été violées. Pour ce qui est de l’ensemble des agressions à caractère sexuel, une enquête canadienne réalisée en 1984 permettait d’évaluer la prévalence des abus sexuels commis à l’endroit des filles de moins de 18 ans à 34 %. Les informations sur la prévalence des agressions à caractère sexuel vécues par les garçons sont encore plus rares. Les seules études publiées montrent que les taux de prévalence varient entre moins de 1 % et 13 %.
Devant cette réalité, la question se pose de savoir pourquoi les victimes des abus sexuels commis par les prêtres concernent des enfants de sexe masculin. Pendant des générations, au Québec et dans les autres pays, la fréquentation des églises et l’assistance aux cérémonies religieuses est une obligation pour tous les croyants : hommes et femmes. Toutefois, le chœur est réservé uniquement aux garçons. Les paroisses s’enorgueillissent du fait que le chœur est composé de nombreux et jeunes garçons. Les abuseurs ont donc sous la main un vivier de victimes potentielles qui peuvent être choisies parmi les garçons qui les entourent. C’est la disponibilité de la chair fraîche qui explique la plus grande proportion de victimes masculines. Beaucoup d’enseignants religieux masculins enseignent à des garçons alors que l’éducation des filles est confiée à des femmes. Ces religieux ont donc moins accès aux jeunes filles. Par ailleurs, selon l’optique traditionnelle, il est socialement beaucoup plus inacceptable de voir un prêtre entouré de filles ou de femmes… que de jeunes garçons.
De nos jours, au Québec, il est plus rare de voir des jeunes enfants « servir la messe » et ce sont surtout des adultes, hommes et femmes, qui jouent ce rôle. Il y a donc lieu de croire que cette nouvelle réalité fera en sorte que les prêtres auront moins l’occasion de commettre l’irréparable avec les enfants. Malheureusement, dans de nombreux pays en voie de développement, le chœur est encore réservé uniquement aux garçons.
L’aura du « prêtre représentant du Christ, Fils de Dieu »
Les croyants confèrent au prêtre des vertus particulières qui font de ces hommes des êtres supérieurs. En effet, selon la théologie le prêtre est le représentant du Christ et il aurait « presque » les mêmes pouvoirs que Lui : il peut être un guérisseur par l’imposition des mains et opérer cette magie blanche qu’est la transsubstantiation, puisqu’il dispose du pouvoir de transformer les saintes espèces en véritable corps et sang du Christ. Devant tant de splendeur, plus d’un chrétien conçoit difficilement qu’un aussi saint homme puisse céder à ses fonctions naturelles et, même, à la limite, en avoir. Dans son esprit, le prêtre est au-dessus de tout soupçon, de tout reproche, de toute critique… à l’image du Christ dont il est le représentant et le porte-parole.
Des recherches dans les annales du crime québécoises (Monet[11], 1993) permettent de retracer l’histoire de l’abbé Delorme. En 1922, un prêtre québécois a été accusé du meurtre de son frère. Malgré des preuves accablantes et deux procès, le prêtre est acquitté. Il semblerait que les jurés auraient eu une peur bleue de l’enfer… s’ils avaient condamné à mort un prêtre. Quant à lui, le policier qui avait recueilli l’ensemble de la preuve a subi l’opprobre de la société du temps pour avoir tenté de faire condamner un aussi saint homme.
Il y a plus. L’Église catholique considère que le sacerdoce est un sacrement qui revêt un caractère « permanent ». Il est difficile voire impossible d’effacer les traces indélébiles d’un sacrement. Voilà pourquoi l’autorité ecclésiastique tend à confiner les prêtres pédophiles reconnus dans une vie de prière et de pénitence… loin du regard fouineur des caméras et des interrogations d’une presse libre… au lieu de les destituer et de les excommunier. Liétout[12] donne en exemple le cas du Père Maciel, fondateur de la Légion du Christ qui a été reconnu coupable de nombreux viols et qui est demeuré prêtre jusqu’à sa mort. Briel[13] écrit que ses enfants illégitimes se battent actuellement en cour contre La Légion pour recevoir leur héritage.
Facteur aggravant de la condition de victime de prêtre : l’incrédulité outrée des adultes auxquels la victime confie les infamies commises contre elle. On ne croit pas ce que dit un enfant, si jamais il dénonce un membre du clergé.
Plusieurs intervenants auprès des enfants abusés et de leurs abuseurs considèrent que les abuseurs ciblent plus particulièrement les enfants parce qu’ils savent que leur dénonciation ne sera pas crue[14]. C’est un des aspects les plus cruels de la condition de victime : la raclée qui sanctionne une accusation fondée, faite en toute bonne foi. C’est d’ailleurs une des menaces les plus terribles brandies contre les orphelins de Duplessis au moment même de leur viol : « N’espère jamais pouvoir nous dénoncer. Personne ne te croira. ».
Bref, le membre du clergé abuseur sait parfaitement de quel prestige institutionnel il jouit et à quel chantage à la culpabilité, à quelle surenchère de prééminence ecclésiastique il pourra se livrer pour se draper dans le mythe institutionnel qui lui servira de couverture et d’alibi.
L’immunité de l’Église Catholique et la culture du secret
Le Vatican est considéré comme un état souverain qui n’a pas de comptes à rendre aux autres pays. Malgré le fait que des intervenants comme le Professeur londonien Richard Dawkins, le journaliste Christopher Hitchens[15] et des avocats américains, aient tenté de faire arrêter le pape Benoît XVI, il semble que le Vatican et le pape jouissent d’une immunité qui leur permet de garder secrets les documents du Saint Siège. Cette immunité a été accordée par Benito Mussolini en 1929.
Crimen sollicitationis, [Crime de sollicitation en latin] est une lettre transmise en 1962 à tous les patriarches, archevêques, évêques et autres ordinateurs locaux par le Saint-Office. Cet organisme est devenu la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à la suite de Vatican II. [Il faut se rappeler que Benoît XVI, avant d’être pape, était le responsable de cette congrégation].
Le document a été rédigé par le cardinal Alfredo Ottaviani, secrétaire de la Congrégation, et approuvé par le pape Jean XXIII. Il s’agit de la procédure à suivre dans les cas où des clercs de l’Église catholique romaine seraient accusés d’avoir utilisé le sacrement de la pénitence pour faire des avances sexuelles à des pénitents. Les mêmes procédures devraient être suivies en cas d’accusations contre des clercs pour homosexualité, pédophilie et zoophilie. Ce document condamne les abus sexuels commis par des clercs sur des mineurs, qu’ils aient eu lieu dans le cadre d’une confession ou de toute autre façon. Cette procédure suit et complète le Code de droit canon alors existant. La lettre Crimen sollicitationis de 1962 reprend l’essentiel d’un document similaire déjà adressé confidentiellement en 1922 aux évêques. Elle sera revue en 2001 avec la lettre De delictis gravioribus.
D’après le document Crimen sollicitationis de 1962, tout catholique doit obligatoirement dénoncer aux autorités ecclésiales l’utilisation du sacrement de pénitence, par un prêtre, pour faire des avances sexuelles à des pénitents. Le prêtre peut alors être convoqué devant un tribunal ecclésiastique. Si le prêtre est reconnu coupable par ce tribunal, il peut être suspendu de la célébration des sacrements ou même démis de ses fonctions. Tous les cas de pédophilie commis par des prêtres, que ce soit dans le cadre du crime de sollicitation ou dans n’importe quel autre cas, sont aussi condamnés.
Élément clé : la lettre de 1962 impose un secret absolu, lors du déroulement du procès, même lorsque le verdict, favorable ou non, a été rendu et appliqué. Un serment de silence éternel doit être prêté et signé par tous les participants au procès : les membres du tribunal, le ou les dénonciateurs du prêtre, les témoins éventuels et le prêtre accusé lui-même. Le serment est le suivant : « Spondeo, voveo ac iuro, inviolabile secretum me servaturum in omnibus et singulis quae mihi in praefato munere exercendo occurrerint, exceptis dumtaxat iis quae in fine et expeditiones huius negotii legitime publicari contingat. » [« Je promets, fais vœu et jure que je maintiendrai inviolé le secret pour tout ce qui viendra à ma connaissance dans l’exercice de mes fonctions, excepté seulement ce qui pourrait être légalement publié et exécuté lorsque ce procès sera terminé »]. Les peines prévues en cas de viol du secret sont : 1) pour les membres du tribunal : l’excommunication latae sententiae ; 2) pour l’accusé : la suspension a divinis et 3) pour les accusateurs et les témoins : un avertissement.
De 1982 à 2005, avant d’être élu pape, en tant que président de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, le Cardinal Ratzinger a été informé de la totalité des plaintes à caractère sexuel qui ont été portées par les Catholiques du monde entier et il les a maintenues sous le sceau du secret.
La prépondérance de la loi divine sur la loi civile
Il est intéressant de prendre connaissance de la plainte portée, le 14 février 2011, contre le pape pour crime contre l’humanité. L’introduction de ce document de 66 pages adressé par Sailer et Hetzel[16] à la Cour pénale internationale débute ainsi : « La plainte a pour objet des crimes mondiaux répartis en 3 catégories, des crimes qui jusqu’alors n’ont pas été dénoncés pour la seule raison qu’ils ont été commis par une institution dont « les plus hauts dignitaires » semblent être au dessus de tout fait délictueux. La déférence portée traditionnellement aux « dignitaires de l’Église » obscurcit la conscience juridique. »
Les trois plaintes portées touchent : 1) le maintien et la direction, dans le monde entier, d’un régime totalitaire coercitif asservissant ses membres par des menaces anxiogènes pouvant porter atteinte à la santé; 2) le maintien de l’interdiction meurtrière d’utiliser des préservatifs, même en cas de danger de contamination par le VIH-Sida, et 3) la mise en place et le maintien d’un système de dissimulation des crimes sexuels commis par des prêtres catholiques et les soustrayant à la justice, système qui ouvre la voie à de nouveaux crimes. À ce jour, il est impossible de savoir si le Tribunal pénal retiendra cette cause.
Par ailleurs, plusieurs se souviennent d’un événement qui a marqué l’Église catholique en 2009 et qui a été rapporté par de nombreux journaux[17], [18] Au Brésil, une enfant de neuf ans, violée par son beau-père et enceinte de jumeaux a dû être avortée. Les médecins avaient déclaré : « Nous ne pouvions pas faire courir de risques à une enfant de neuf ans, dont les organes ne sont pas encore formés ». Au Brésil, la loi interdit encore l’avortement, mais il est permis en cas de viol et si la vie de la mère est en danger. Insensible aux arguments médicaux, ignorant le sens commun et la compassion la plus élémentaire, l’archevêque de Recife, Mgr José Cardoso Sobrinho excommunie la mère de l’enfant et l’enfant, ainsi que toute l’équipe médicale Pour cet archevêque : « La loi de Dieu est au-dessus de celle des hommes ».
Pour le conjoint de la mère, le violeur ? Humain, trop humain et pauvre pécheur… il a eu droit à une réprimande bien sentie… d’autant plus qu’il est contre l’avortement ! Et Monseigneur Sobrinho d’ajouter : « Certes ce qu’il a fait est horrible, mais il y a tant de péchés graves, et le plus grave est l’élimination d’une vie innocente ». Bref, l’avortement est plus grave que le viol. Le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques au Vatican, a corroboré les propos de l’archevêque de Recife en déclarant : « Le vrai problème est que les jumeaux conçus étaient deux personnes innocentes qui avaient le droit de vivre et ne pouvaient pas être supprimés ».
De même, dans le dossier des prêtres pédophiles, certaines personnes croient qu’il n’est pas pertinent de les faire comparaître devant un tribunal civil. Il vaut mieux faire confiance à la « justice divine » pour les châtier correctement… dans l’au-delà. Pour d’autres, il faut se confier aveuglément aux tribunaux ecclésiastiques – dont le premier souci est de garder le tout sous le sceau du secret – afin de mieux faire primer le droit canon sur le code civil et l’autorité d’une théocratie ecclésiastique sur celle d’une démocratie constitutionnelle. .
Une cause célèbre[19] témoigne de l’inefficacité notoire et des pratiques douteuses des tribunaux ecclésiastiques en matière d’abus sexuels commis par des prêtres. L’archevêque de Milwaukee, au Wisconsin, avait informé la Congrégation pour la Doctrine de la Foi qui est alors dirigée par le futur pape Benoît XVI, des violences sexuelles commise par le prêtre Lawrence C. Murphy sur plus de 200 élèves sourds dans une école spécialisée où il avait travaillé de 1950 à 1975. Des documents publiés par le New York Times montreraient que ce prêtre n’a jamais été poursuivi. Les avocats Jeef Anderson et Mike Finnegan, défenseurs de cinq hommes ayant poursuivi le diocèse de Milwaukee, expliquent que, pendant cette période, le prêtre en question aurait violé plus de 200 jeunes sourds. Plusieurs lettres de victimes parlaient de violences sexuelles commises par ce prêtre, mais aucune enquête n’a jamais été ouverte. Les documents publiés par le journal montrent qu’en 1996, le numéro deux de la Congrégation, aujourd’hui secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Tarcisio Bertone demandait aux évêques du Wisconsin d’entamer une procédure disciplinaire secrète devant un tribunal ecclésiastique. Mais dans une lettre, Lawrence C. Murphy demandait au cardinal Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI, de cacher cette affaire : « Je veux simplement vivre le temps qui me reste dans la dignité […] Je demande votre aide dans cette affaire », lettre dans laquelle il dit qu’il s’est repenti et qu’il est désormais vieux et malade. Aucune réponse de Joseph Ratzinger n’a été retrouvée et Bertone a réclamé l’arrêt du procès. Lawrence C. Murphy est décédé en 1998, et aucune sanction ne lui a été infligée.
Le « secret de la confession » dans l’aveu de prêtres pédophiles
Sous le titre « Pédophilie : jusqu’où va le secret de la confession? » Lucie Crisa[20] explique les tenants et aboutissants du secret de la confession et elle se demande si l’argument du secret de la confession s’applique aux affaires de pédophilie : « Des prêtres qui recueillent des confessions de pédophiles doivent-ils les dénoncer? ». Selon l’article 983-1 du droit canon, « Le secret sacramentel est inviolable, c’est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d’une autre manière, et pour quelque cause que ce soit ».
Cependant, la loi civile française indique que le prétexte du secret ne s’applique pas pour le genre de crime qu’est la pédophilie. Bien que le secret de la confession soit reconnu comme étant un secret professionnel (article 223-13) par une circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces, tout comme celui des médecins, avocats et autres. Ainsi, le secret « confié » lors d’une confession ou lors d’une demande de conseil entre un religieux et son supérieur ou entre un fidèle et son directeur de conscience comporte, au regard de la loi républicaine, des exceptions (article 223-14) qui font que le secret professionnel peut ne pas être respecté : « À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».
Par ailleurs, Lucie Crisa indique que la Conférence des évêques de France a même reconnu, dans un bulletin paru en juillet 1998, que « le secret n’est pas inconditionnel » et que « quatre éléments principaux doivent conduire à réfléchir sur l’opportunité de le lever : le bien public, le bien de celui qui a livré le secret, le bien d’un tiers innocent, et enfin le bien propre de celui qui a reçu la confidence ». Ce même bulletin rappelle également les dispositions prises par l’article 223-6 du code pénal, qui réprime la non-assistance à personne en danger.
Madame Crisa explique que le problème se pose entre deux justices : l’une civile et l’autre religieuse puisque si un prêtre révèle le secret confié durant la confession, il est excommunié en vertu de l’article 1388-1 du droit canon. Le père Léger, prêtre de Saint-Anne du Perche, a même dit à la journaliste : « Le droit canon passe en premier, je préférerais encourir une peine civile ». Un autre prêtre, le père Malhère, a corroboré ses dires, en disant : « Il y va de notre vie de prêtre. Mais cela ne veut pas dire que l’on ne fait rien ». Le père Malhère a ajouté : « Le prêtre est un homme de Dieu, il a une mission spirituelle. Il est un homme d’espérance, pas un procureur de la République ».
Lucie Crisa note que le pape a appelé les prélats à encourager les curés pédophiles à se dénoncer directement à la justice. Le père Léger explique : « Dans les cas extrêmes et graves, on invite la personne à se dénoncer. S’il n’y a pas désir de rédemption, on ne donne pas l’absolution ».
En France, en 2000, dans le Calvados, l’abbé René Bissey a été condamné à dix-huit ans de prison pour viol et l’évêque de Bayeux et Lisieux, Mgr Pierre Pican, a écopé d’une peine de trois mois de prison avec sursis pour non-dénonciation des crimes de l’abbé. Dix ans plus tard, en 2010, Mgr Pican a déclaré : « Aujourd’hui, je ne dénoncerais pas plus qu’hier ». Il aurait ajouté : « Je préfère être condamné par la justice de mon pays, plutôt que de trahir ma conscience »[21].
Par ailleurs, certains prêtres pédophiles se reconnaissent pécheurs. Jésus a donné sa vie pour les sauver et tout péché mérite miséricorde. Certains croient qu’en récitant le Confiteor à la messe, ils lavent leurs fautes devant leur Dieu. Comme remède spirituel au scandale des abus sexuels sur mineurs dans l’Église catholique et à leur gestion désastreuse par la hiérarchie épiscopale, Benoît XVI appelle tout un chacun à la redécouverte du sacrement de pénitence et de réconciliation, de la prière fervente, et des temps d’adoration eucharistique[22]. On pense ici au Confiteor ou au dialogue entre le prêtre et l’assemblée précédant la communion : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir; mais dis seulement une parole et je serai guéri ». Il est significatif que la liturgie prévoie, à l’intention du prêtre, diverses invocations traditionnelles qui rappellent le besoin d’être délivré du péché, par exemple celle prononcée à mi-voix, avant d’inviter les fidèles à la communion sacramentelle: « Que ton corps et ton sang me délivrent de mes péchés et de tout mal; fais que je demeure fidèle à tes commandements et que jamais je ne sois séparé de toi »[23].
La beauté du pardon, fine fleur de la spiritualité chrétienne
Selon une perspective catholique, le pardon est une démarche essentielle de la vie chrétienne. Tous conviennent que les actes de pédophilie sont des crimes odieux. Pourtant, certains estiment que les victimes sont tenues d’accorder la grâce du pardon à leurs abuseurs. À plus d’une reprise, Benoît XVI a invité les victimes à pardonner[24]. Ainsi va l’initiation aux vérités du coeur. Le pape a même pleuré, à chaudes larmes, avec des victimes qui lui ont confié leur vécu et il a prié pour qu’elles connaissent la guérison[25]. Et c’est ici que survient le saut de la foi. Faut-il s’en étonner : si les victimes pardonnent, elles ne devraient pas exiger de compensation financière[26]. Comment oseraient-elles s’y abaisser ? Le cardinal Bertone a déclaré que les affaires d’argent qui ternissent encore plus les scandales d’abus sexuels n’ont rien à voir avec le respect de la personne humaine, l’aide aux victimes, la réhabilitation des coupables que l’on ne peut abandonner à l’enfer, n’est-ce-pas. Très proche de Benoît XVI, le cardinal italien qualifie d’« insoutenables » les histoires de très gros sous qui se sont greffées sur les scandales survenus aux États-Unis[27]. Comme les indemnités aux USA atteignent trois milliards deux cents millions, compte non tenu des règlements hors cour et des frais d’avocats… on le comprend.
Bénins, ces écarts ne laissent pas de trace…
Certains abuseurs croient que les enfants ne se souviendront pas, devenus adultes, d’avoir été abusés sexuellement.
Cela n’a rien d’une exclusivité catholique. Certains enseignements du Talmud sur les questions sexuelles révèlent des passages aussi archaïques qu’inquiétants. Exemples [28] :
Sanhedrin 55b : « Il est autorisé d’avoir des rapports sexuels avec une fille de trois ans et un jour ». [Les relations sexuelles avec des filles de trois ans sont clairement permises aussi dans : Yebamoth 12a, 57b, 60b; Abodah Zarah 37a; et Kethuboth 39a.].
Yebamoth 59b : « Bien que la location d’une prostituée ne puisse pas être donnée à Dieu. Cependant, si on paie pour la bestialité [le sexe à la catin avec un animal], son argent peut être accepté [par Dieu] ».
Sanhedrin 54b : « Si un homme commet la sodomie avec un garçon âgé de moins de neuf ans, ils ne sont pas coupables de sodomie ».
Sanhedrin 59b : « Les rapports sexuels avec un garçon de moins de huit ans ne sont pas de la fornication ».
Kethoboth 11b : « Les rapports sexuels avec une fille de moins de trois ans ne sont rien ».
Il y a fort à parier que plusieurs délires religieux permettent les relations sexuelles entre les adultes et les jeunes enfants. Rappelons que Mahomet[29] lui-même avait une jeune épouse de six ans, Aïcha.
… Ils auraient même des vertus curatives
Dans certaines cultures, la relation pédophile est considérée curative. En Afrique, des sidéens espèrent guérir en ayant des relations sexuelles avec une jeune vierge : des jeunes filles de neuf mois et de trois ans sont violées par des hommes qui croient à ces superstitions[30],[31]. Mieux, à Addis-Abeba, Éthiopie, des croyants orthodoxes pensent qu’on peut guérir du SIDA en buvant de l’eau bénite au gallon[32]. Déo gratias.
Certaines « victimes » ne seraient que des maîtres chanteurs
Plusieurs croient que des enfants incitent des adultes à avoir des relations sexuelles avec eux tout en sachant ce comportement illicite. Par la suite ils feront chanter leur abuseur. Le prêtre Raymond Gravel avoue avoir tiré profit d’attouchements sexuels subis durant son adolescence, à l’école Sacré-Cœur de Saint-Gabriel-de-Brandon. Il refuse l’étiquette de victime : « Je ne suis pas une victime. On s’est servi de ça après, une gang de gars, pour faire de l’argent avec le frère et pour le faire chanter. J’avais 12 ans, on est réveillé à 12 ans ». Raymond Gravel a soutiré « une montre » à son agresseur[33].
Un autre cas, au Brésil, a été très médiatisé. Deux jeunes victimes auraient réussi à rafler 23 000 $ à un prêtre abuseur[34] et auraient aussi vendu à une station de télévision un film d’un abus sexuel d’un prêtre sur un enfant. Ces jeunes ont été accusés d’extorsion sur le prêtre. La scène aurait été filmée en catimini par un jeune homme de 21 ans, qui prétend avoir été abusé sexuellement dès l’âge de 12 ans par le prêtre Luiz Marques Barbosa, 82 ans. On y voit le père Barbosa faisant l’objet d’une fellation de la part d’un enfant de chœur devant un autel, dans le petit état pauvre d’Alagoas, au nord-est du Brésil. Après la relation, le prêtre, se sentant épié, demande : « Qui est là ? Qui c’est ? »[35].
De telles anecdotes laissent croire, à tort, que toutes les victimes seraient des maîtres-chanteurs en herbe. Le Gentil Astineux[36], sur son blogue pousse l’argumentaire : « Une personne peut être victime d’abus sexuels à l’âge de 6 ans, mais si cette personne rendue à l’adolescence et encore pire à l’âge adulte fait encore chanter son agresseur sous menace de dénonciation contre de l’argent, elle n’est plus une victime mais une criminelle qui fait du chantage, de l’extorsion. Cependant, au Québec comme en Canada, la Justice patauge parfois dans de tels méandres, car dans plusieurs causes semblables, la police et la justice ont joué ensemble les maîtres chanteurs pour arriver à leurs fins. Bien que chaque cas d’abus sexuels soit spécifique, le but ultime tout au long du processus, n’est-il pas la gloire des justiciers et le gain facile pour les avocats et les plaignants ? Bonne question, n’est-ce pas ? »
Spécieux, le raisonnement ne tient pas la route.
Le bon renom de la Sainte Église
Certains veulent à tout crin que le catholicisme présente une image avenante. Bien que, comme dans toute famille, il y ait des « moutons noirs », il faut montrer la religion sous son meilleur jour pour éviter de rebuter les croyants et les pousser à l’apostasie[37],[38]. Bref, les Églises sauvent les apparences et couvrent leurs arrières.
Il y a quelque temps, au Québec, une religieuse, Marie-Paule Ross[39] a écrit un livre dénonçant les abus sexuels commis par des prêtres sur des religieuses. Pour contrer toute publicité négative visant l’Église catholique, des responsables de Pastorale-Québec se sont empressés de nier les faits[40]. Pourtant, Maura O’Donohue, religieuse et médecin, coordonnatrice pour le sida au sein du Fonds de développement catholique outre-mer, recense 23 pays où des abus sexuels ont été commis par des prêtres, contre des religieuses. Sœur Maura O’Donohue[41],[42] en dresse la liste : non seulement l’Afrique subsaharienne, mais aussi Australie, États-Unis, Italie, Irlande, Brésil, Colombie, Philippines. Elle a notamment dénoncé ces institutions religieuses constituant de véritables maisons closes mises à la disposition du clergé : des jeunes filles, pauvres et majoritairement issues du tiers-monde sont amenées par l’Église à prendre le voile. Claquemurées dans un couvent, elles sont alors proposées au corps ecclésiastique – sans ou avec jeu de mots – à la demande de ce dernier.
Conséquence : une supérieure constate la grossesse simultanée de vingt-neuf de ses soeurs. Elle est relevée de ses fonctions par son évêque lorsqu’elle signale le cas. L’Église a tabletté les rapports de Sœur Maura, notamment parce que certains prêtres étaient porteurs du VIH et qu’il fallait éviter de les stigmatiser. À Dieu ne plaise.
Conclusion
J’ai voulu analyser avec vous certains éléments pouvant expliquer le sacro-saint silence, tout à la fois invincible et hurlant, qui a entouré les abus sexuels commis pendant des décennies par des religieux sur de jeunes enfants, au Québec et ailleurs, jusqu’à ce que la société civile, laïque, fasse éclater la réalité des faits afin que les victimes puissent enfin réclamer justice.
Je vous propose que ce silence s’explique par le recours à la pensée magique, dans un univers mental où les âmes gravitent dans l’orbite de deux entités maléfiques et bénéfiques, le Diable et le Bon Dieu. Voilà une vision des choses qui laisse peu de place à l’imputabilité citoyenne de chacun pour ses actes devant la loi, à l’indemnisation des crimes commis… leur préférant les larmes versées dans le secret du confessionnal. Il s’explique aussi par la primauté accordée à l’autorité ecclésiastique et au droit canon, par leur préséance supposée sur l’autorité démocratique et le code civil. Enfin, il peut être attribué à la crainte révérencielle que cultive l’ecclésiastique face au simple laïc et qui lui confère l’impunité. La méconnaissance et la négation traditionnelle de la sexualité humaine expliquent enfin l’immaturité sexuelle de clercs adultes qui tout en prônant l’idéal d’une chasteté angélique se complaisent comme des écoliers surannés dans l’infantilisme sexuel.
Face à un tel constat, quelles perspectives dégager pour l’avenir ? En deux mots, la pénurie actuelle de candidats à la prêtrise et le nombre décroissants d’enfants confiés à la garde d’éducateurs ecclésiastiques permettent d’espérer que l’une des plus lamentables pages dans l’histoire ecclésiastique et sexuelle de notre peuple sera bientôt définitivement tournée.
Merci de votre attention.
[1] Owen, R. (2010). « Chief exorcist Father Gabriele Amorth says Devil is in the Vatican », Timesonline, (Article du 11 mars 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.timesonline.co.uk/tol/comment/faith/article7056689.ece
[2] Neil, D. M. & M. Hada. (2010). « L’exorciste en chef catholique : Les pédophiles ne sont pas possédés par le diable, ils sont tentés par le diable » », Timesonline, (Article du 17 mars 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://leraton-laveuretl-aigle.blogspirit.com/lucifer-et-satan-exorcisme/
[3] Izoard, A.M. (2010). « Pédophilie : Benoît XVI exprime «sa honte et ses regrets» aux victimes d’abus », RFI (Article du 18 avril 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.rfi.fr/contenu/20100418-pedophilie-Benoit-xvi-exprime-honte-regrets-victimes-abus
[5] Agence France Presse (2010). « Église belge : 270 plaintes pour abus », Le Figaro.fr, (Article du 11 mai 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/05/11/97001-20100511FILWWW00656-eglisepedophilie-270-plaintes-en-belgique.php
[6] BELGA (2010). Le rapport de la Commission Adriaenssens sur le net », LeVif.be, (Article du 10 septembre 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.levif.be/info/actualite/belgique/le-rapport-de-la-commission-adriaenssens-sur-le-net/article-1194814654957.htm
[7] La liste des saints, Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_saints_catholiques
[10] Santé publique de Montréal Centre (2001). « Les abus sexuels chez les jeunes Montréalais », Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://jmt-sociologue.uqac.ca/www/html/Bibliographies/stats_jeunes_mtl_centre/sujet_01_abus_sexuels/sujet_01.html
[11] Monet, J. (1993). « La soutane et la couronne. Le procès du siècle: l’Affaire Delorme », Saint-Laurent, Trécarré, 218p.
[12] Liétout, P. (2010). « La Légion du Christ demande pardon pour les viols de son ex-chef », Journaux.ma, (Article du 26 mars 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.levif.be/info/actualite/belgique/le-rapport-de-la-commission-adriaenssens-sur-le-net/article-1194814654957.htm
[13] Briel, P. (2010). « L’histoire sulfureuse du Père Maciel », LE TEMPS Monde, Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.letemps.ch/Page/Uuid/c1ed25f2-fa3f-11de-8013-195d7d8da101%7C1
[14] Gabel, M. (2002). « Les enfants victimes d’abus sexuels », Paris, PUF, 285p.
[15] XXX (2010). « Deux militants athées veulent assigner le pape à résidence », Slate.fr, (Article du 13 avril 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.slate.fr/story/19817/le-pape-assignation-residence-crime-contre-humanite-pedophilie
[16] Sailer, C. et G.J. Hetzel (2011). « Plainte contre Mr Joseph Ratzinger, pape de l’Église catholique romaine, pour crime contre l’humanité selon l’art. 7 du Statut de la Cour pénale Internationale », (Article du 14 février 2011), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.kanzlei-sailer.de/pape-plainte_contre-2011.pdf
[17] Agence France Presse. (2009). « Brésil : l’Église excommunie une femme », LeFigaro.fr, (Article du 5 mars 2009), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/03/05/01011-20090305FILWWW00566-bresil-l-eglise-excommunie-une-femme.php
[18] Pierre Léon. (2010). « La loi de Dieu et la loi des hommes », L’Express.to, (Article de la semaine du 24 au 30 mars 2009), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/03/05/01011-20090305FILWWW00566-bresil-l-eglise-excommunie-une-femme.php
[19] Fontvieille, V. (2010). « 200 jeunes sourds dans l’oubli après la mort du prêtre C. Murphy », Websourd, (Article du 30 mars 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.websourd.org/spip.php?article164986
[20] Crisa, L. (2010). « Pédophilie : jusqu’où va le secret de la confession? », Rue89.com, (Article du 20 avril 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.rue89.com/2010/04/20/pedophilie-jusquou-va-le-secret-de-la-confession-147457
[21] Martin, C. (2011). « L’Église de France face à la pédophilie », LePoint.fr, (Article du 02 avril 2011), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.lepoint.fr/societe/l-eglise-de-france-face-a-la-pedophilie-02-04-2010-440676_23.php
[22] XXX (2011). « Le Colloque international sur l’adoration eucharistique », paroissiens-progressistes.over-blog.com, (Article du 21 juin 2011), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://paroissiens-progressiste.over-blog.com/article-le-colloque-international-sur-l-adoration-eucharistique-77389476.html
[23] XXX (20XX). « Sacramentum Caritatis », Catholique.org, (Article date inconnue), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://bible.catholique.org/les-news/14051-sacramentum-caritatis
[24] Perreault, M. (2010). « Prêtres pédophiles : Benoît XVI demande pardon », LaPresse.ca, (Article du 11 juin 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.lapresse.ca/international/dossiers/eglise-catholique-et-abus-sexuels/201006/11/01-4288926-pretres-pedophiles-benoit-xvi-demande-pardon.php
[25] Perreault, M. (2010). « À Malte, Benoît XVI pleure avec les victimes de pédophilie », La-Croix.com, (Article du 18 avril 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/A-Malte-Benoit-XVI-pleure-avec-les-victimes-de-pedophilie-_NG_-2010-04-18-550121
[26] Gravel, R. (2010). « Le pouvoir de l’argent ! », (Article du 23 octobre 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.lesreflexionsderaymondgravel.org/R_2011_10_23_Le_pouvoir_de_l_argent_Raymond_Gravel.pdf
[27] XXX (2007). « Le Card. Bertone déplore les affaires d’argent liées aux scandales d’abus sexuels », (Article du 19 août 2007), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.zenit.org/rssfrench-15961
[28] Référence: http://vs666.unblog.fr/tag/talmud/
[31] Ashforth, A. (xxxx). « Quand le sida est sorcellerie. Un défi pour la démocratie sud-africaine ». Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.ceri-sciencespo.com/publica/critique/article/ci14p119-141.pdf
[32] Lafargue, C. (2007). « Sida. Médecine et religion ne font pas bon ménage ». RFI, (Article du 19 juillet 2007), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.rfi.fr/sciencefr/articles/091/article_53891.asp
[33] Myles, B. (2011). « Victimes ou prostitués ? Dialogue de sourds entre un abbé hostile et une victime des Sainte-Croix », LeDevoir.com, (Article du 22 décembre 2011), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.ledevoir.com/societe/justice/338952/victimes-ou-prostitues
[34] Associated Press (2010). « Brésil : un prêtre accusé d’abus sexuels placé en résidence surveillée », Cyberpresse, (Article du 21 avril 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.cyberpresse.ca/international/dossiers/eglise-catholique-et-abus-sexuels/201004/21/01-4272894-bresil-un-pretre-accuse-dabus-sexuels-place-en-residence-surveillee.php
[35] EVO. (2010). « Prêtre pédophile filmé en caméra cachée », Buzz, (Article du 22 mars 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.bu2z.com/luiz-marques-barbosa-pretre-pedophile
[36] Le Gentil Astineux, B. (2012). « Elle perd sa cause contre un mort », Gentilblogue.blogspot.ca, (Article du janvier 2012), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://gentiblogue.blogspot.ca/2012/01/elle-perd-sa-cause-contre-un-mort.html
[37] Durand, G. (2010). « Pédophilie et médias », LaPresse.ca, (Article du 12 avril 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.lapresse.ca/la-voix-de-lest/opinions/collaborateurs/201004/12/01-4269526-pedophilie-et-medias.php
[38] XXX (2010). « Scandale des prêtres et mystère de la sainteté de l’Église », jeunes-anciennes-de-saintjoseph.over-blog.com, (Article de la Fête du Sacré-Cœur 2010), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://jeunes-anciennes-de-saintjoseph.over-blog.com/pages/Scandale_des_pretres_et_mystere_de_la_saintete_de_lEglise-3276223.html
[39] Ross, M.-P. (2011). « Je voudrais vous parler d’amour et… de sexe », Renaud-Bray.com, Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.renaud-bray.com/Livres_Produit.aspx?id=1201281&def=Je+voudrais+vous+parler+d’amour%2fde+sexe%2cROSS%2c+MARIE-PAUL%2c9782749914916
[40] Fessou, D. (2012). « Sexualité des religieux : Marie-Paule Ross au cœur d’une polémique », LeSoleil.ca, (Article du 10 janvier 2012), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/societe/201201/10/01-4484523-sexualite-des-religieux-marie-paul-ross-au-coeur-dune-polemique.php
[41] Pendergast, M. (2001). « Lettres de Martin Pendergast », Culture et Foi.com, (Article du 23 mars 2001), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.culture-et-foi.com/dossiers/violences_sexuelles/martin_pendergast_francais.htm
[42] Tincq, H. (2001). « Le Vatican reconnaît le viol de religieuses par des prêtres – Le Monde, 22 mars 2001 », Antisectes.net, (Article du 22 mars 2001), Document accessible par téléchargement via Internet à l’adresse http://www.antisectes.net/viol-nonnes.htm
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