Michel Virard

Michel Virard

Président de l'AHQ

Michel Virard est un des fondateurs de l’AHQ en 2005 avec Bernard Cloutier et Normand Baillargeon. Ingénieur et entrepreneur, il a également été administrateur des Sceptiques du Québec. il est depuis les tout débuts l’une des âmes dirigeantes de l’AHQ. 

Le texte très critique à notre égard de Martin Généreux paru dans le Devoir du 16 mars 2009 est réapparu inopinément sur le site de Vigile.net recemment. J’ai cru nécessaire de lui donner une réponse.

Michel Virard

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Réponse à M. Martin Généreux, (« Dieu … existe ». Le Devoir du 16 mars 2009) 

Étant un de ceux par qui le scandale « autobus athée » est arrivé, je ne peux faire autrement que de tenter de remettre les pendules à l’heure.  

Généreux est sans doute persuadé que les humanistes athées dont nous nous réclamons passent leur soirées à potasser Nietzsche pour se convaincre qu’ils doivent absolument être nihilistes et angoissés. Désolé de lui faire de la peine : les faits ne concordent pas avec sa description de présumés abîmes philosophiques dans lesquels nous serions irrémédiablement perdus. Les philosophes qu’il cite sont peut-être connus, ils ne sont à peu près jamais discutés dans nos cercles. Nous avons mieux à faire et nous avons d’autres sources de réflexion.

Les humanistes athées ne sont pas exemptés des souffrances physiques et psychologiques, cela serait trop beau, mais au moins leur destin terrestre, avec ses hauts et ses bas, n’est pas perçu comme un long pensum nécessaire à une très hypothétique félicité dans un au-delà encore plus hypothétique. Au contraire, nous percevons notre parcours terrestre comme une chance inouïe, unique, dont il faut, réellement, profiter et non pas la gaspiller au service de déités aux intentions insondables. Beaucoup des humanistes athées que j’ai le bonheur de connaître ne sont plus dans leur prime jeunesse et cependant ils sont étonnement sereins devant la perspective de leur mort ce qui, évidemment, ne coïncide pas non plus avec l’image que M. Généreux tente de colporter. Ils ont aussi souvent une expérience de première main avec les sentiments de culpabilité instillés dans leur jeune cervelle par un clergé ignorant des ravages qu’il causait. 

Aussi sereins soient-ils, ces humanistes sont, par contre, très concernés par les effets des croyances non fondées, non seulement sur leur bien-être, mais aussi sur celui des autres. Et bien oui, deuxième surprise, la souffrance des autres nous interpelle mais nous n’avons pas besoin d’une injonction divine pour la prendre en considération. La façon dont nous réagissons à cette souffrance n’est pas uniquement sous la forme d’un soutien direct à ceux qui sont mal pris mais est surtout une action en amont des problèmes. Autrement dit, nous préférons travailler à modifier les conditions qui sont à l’origine de malheurs récurrents plutôt que de nous limiter à soutenir les victimes. Ce qui implique que nous sachions distinguer, aussi bien que possible, ce qui est réalisable de ce qui est au-delà de nos capacités actuelles. Il s’ensuit que, pour nous, l’ignorance est à la fois le péché capital de ceux qui auraient pu savoir mais ne s’en soucient pas, et la malédiction suprême de ceux qui n’ont pas eu la chance d’avoir accès au savoir. On ne s’étonnera donc pas de l’importance cruciale que les humanistes accordent aux connaissances fondées et à leur diffusion sans restriction à tous les membres de notre espèce. 

Par connaissances fondées, nous voulons insister ici sur le filtre indispensable à la construction d’un « soi » cohérent et lucide : la pensée critique, sans laquelle un individu, aussi brillant soit-il, risque fort d’absorber plus de sornettes que de concepts valides. Les bibliothèques publiques et les librairies continuent, avec une loyauté indéfectible envers nos goûts douteux, à proposer quatre rayons d’ésotérisme pour un demi-rayon de philosophie, sans parler des rayons des sciences qui croulent sous les titres des pseudosciences. 

Comment les humanistes de chez nous réagissent-ils à cela. Et bien, entre autres, en fondant une Bibliothèque humaniste (la BHQ), en invitant des contemporains notables à venir nous expliquer le monde à nos conférences humanistes, en proposant la découverte des penseurs qui nous ont précédés par des films significatifs, en dispensant des cours sur l’éthique humaniste, et, bien sûr, en agissant directement sur les évènements qui nous interpellent, ceux qui touchent aux droits de chaque personne, et pas seulement au Québec. Mais ces actions directes sont parfois exigeantes en ressources et elles ne peuvent se réaliser qu’en équilibre avec le droit de chaque humaniste à rechercher le bonheur terrestre qui lui convient et qui ne représente pas un fardeau ou une menace pour les autres. L’altruisme bien compris, lucide, sans référence au divin, sans coercition, est un facteur d’équilibre et de bien-être abondamment documenté. Nous ne l’avons pas inventé, juste débarrassé de sa gangue religieuse. Nous invitons tout-un-chacun a en profiter dans la mesure de ses capacités et de ses disponibilités. 

Sur le bonheur des gens, il existe des enquêtes où l’on demande aux gens s’ils sont heureux. Dans les pays où le bonheur est, sinon un devoir national, du moins un droit écrit dans la constitution (lire États-Unis) les taux de personnes se déclarant heureuses sont élevés. Dans les pays où, culturellement, heureux rime avec « imbécile heureux » les taux sont plus bas. Il est donc problématique de se fier à ce genre d’enquête. Je crois qu’il est beaucoup plus raisonnable de se fier aux enquêtes objectives sur les indices de santé sociale (longévité, éducation, taux d’homicides et de viols, grossesses chez les adolescentes, etc.). Si des gens se déclarent heureux mais meurent à 45 ans en moyenne, on a de solides raisons de prendre leur déclaration de joie de vivre avec un grain de sel. 

La compilation réalisée par Gregory Paul (*) indique une corrélation, dans la plupart des pays prospères, entre une bonne santé sociale et une indifférence aux religions. La réalité est que Dieu a complètement cessé d’être pertinent pour un nombre croissant de personnes issues de populations de plus en plus instruites et que cette évolution coïncide avec une diminution des maladies sociales. M. Généreux devra se faire une raison ou peut-être prier. Je lui souhaite une bonne santé et une longue vie car je ne doute pas un instant que c’est la seule dont il ne disposera jamais. Qu’il profite de chaque seconde. 

Michel Virard

Président

Association humaniste du Québec 

(*) Cross-national Correlations of Quantifiable Societal Health with Popular Religiosity and Secularism in the Prosperous Democracies:

Gregory Paul – Journal of Religion & Society, Vol. 7 (2005), pp. 1-17.

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