Andréa Richard

Andréa Richard

Après dix-huit ans de vie religieuse, active et contemplative, Andréa Richard redevient laïque. Fondatrice, dans les années 1970 de mouvements d’avant-garde pour le renouvellement de l’Église. Elle exerce toujours la profession de conférencière et d’animatrice dans différents milieux, principalement au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Ontario et occasionnellement en France et aux États-Unis. Elle est l’auteure de Au-delà de la Religion, best-seller (3 éditions) et l’Essence de la vie, Ed. Septentrion.

À partir des années 1960, au Québec, les religieux et religieuses sortaient, à pleines portes des monastères et des presbytères, pour se laïciser! Le crucifix, donné en exemple pendant le noviciat, invitait les sœurs et les frères religieux à se crucifier pour imiter J.-C.-le-crucifié, qui s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort sur la croix. Cet objet avait une grande importance et on le portait sur soi 24 heures par jour.

Les vœux nous étaient imposés, même si certains et certaines étaient entrées pour s’engager dans des œuvres humanitaires comme les Petites sœurs des pauvres. Il fallait faire vœu d’obéissance, sacrifiant la raison à des lois imposées par des supérieurs; vœu de pauvreté, invoquant le Jésus de la crèche, et vœu de chasteté, on ne pourra embrasser, – même si l’amour s’insurge -, puisque le baiser ne sera donné qu’au crucifix.

Je suis mal à l’aise, chaque fois que je vois un crucifix.

Pour moi, et pour plusieurs autres ex-religieux et ex-religieuses qui avons subi une mort à notre identité, comme hommes et femmes, et à toute sa légitimité, c’est une offense de revoir ce crucifix, symbole d’une soumission du peuple et de milliers de religieux et religieuses à une religion que nous considérons comme étant révolue. Il va de soi, que je me sentirai offensée d’avoir à subir un crucifix dans ma chambre d’hôpital au moment où je recevrai des soins ou au moment d’y mourir. Je me sens aussi comme tel face à un crucifix maintenu à l’Assemblée nationale alors qu’il devrait être au Musée des religions de Nicolet. Tout au moins, comme tous les autres symboles religieux, il ne devrait pas être à la vue de ceux qui ne veulent pas le voir. D’ailleurs, puisque sous le règne de Duplessis, le crucifix fut placé à l’Assemblée Nationale, comme signe d’alliance entre l’État et la Religion, advenant une charte incluant la laïcité, il n’a donc plus sa raison d’être là. Le musée, c’est sa place pour qu’il puisse demeurer accessible à ceux qui ne voient dans cet objet qu’un bien patrimonial à conserver ou encore, pour être respecté par ceux pour qui cet objet est un symbole positif.

Aucun signe religieux ostentatoire ne devrait être toléré dans les institutions gouvernementales. Ceux qui osent dire que la Charte des valeurs québécoises est « Une mauvaise réponse à un faux problème » sont dans l’erreur. C’est un vrai problème! La preuve en est que, depuis 4 ou 5 ans, on en traite même devant les tribunaux. Tout récemment, trois juges de la Cour supérieure, dans la cause du maire de Saguenay écrivaient qu’il n’y avait pas de balises pour permettre ou pour empêcher les actes à caractère religieux.

Le préambule de la Constitution Canadienne parle de la Suprématie de Dieu, mais il ne dit pas quel Dieu est suprême. Devant l’affluence des religions, de multiples dieux apparaissent au Québec-Canada et ces dieux, de par leurs dévôts, veulent aussi faire valoir leurs droits à la Suprématie. C’est là le nœud du problème. Comment faire cohabiter dans une même ville des citoyens qui vénèrent un dieu qui dit qu’ « il faut aimer ses ennemis » avec les tenants d’un autre dieu qui leur prescrit de « tuer les mécréants et de s’emparer de leurs biens ». On se tue pour des dieux alors que personne n’a fait véritablement la preuve de son ou de leur existence. La seule façon de vivre en cohésion, en paix et en fraternité au Québec est de faire une large place à la laïcité et à reléguer dans les lieux de cultes, les musées et les maisons les symboles religieux d’un autre temps.

Tout récemment, à Trois-Rivières, le Chanoine Panneton écrivait que même la bible confortait une laïcité au Québec puisqu’il y était écrit « Rendons à César ce qui est à César ». Il y a donc des religieux importants qui croient à l’importance et à la nécessité de remettre les choses à leur place.

Le 21 août dernier, en prenant une marche sur la plage Parlee Beach de Shediac, au Nouveau-Brunswick, j’ai vu à différents endroits de la plage, quatre familles musulmanes. Ces femmes me rappelaient singulièrement la religieuse que je fus, en étant habillée d’une robe longue et portant un voile sur la tête. Elles se démarquaient visiblement du reste des gens qui étaient en costume de bains. Or, en observant, j’ai vu que les hommes et garçons se baignaient torse nu; et leurs épouses, assises avec leurs filles n’étaient là que pour les regarder. Malgré la chaleur accablante, pas une d’elles n’a osé se baigner. Pire, l’une d’elle a marché dans l’eau, jusqu’aux genoux, en ne relevant pas sa robe. Elle est ensuite sortie de la mer, toute trempée, sans se changer. Je me disais qu’elle aurait sans doute aimé, tout comme son mari et les autres garçons, se baigner.

Quel gouvernement sérieux voudrait croire que des dieux demandent une telle chose? Que des dieux demandent aux femmes de se considérer moindre que les hommes? Quelle sorte de dieux alors? Comment peut-on tolérer ces symboles moyenâgeux dans nos endroits publics gouvernementaux comme les écoles, les hôpitaux et les services de garde? Un jour, il faudra même songer à élargir cette interdiction aux autres endroits du marché du travail. Pourquoi empêcher une femme de porter une burka parce qu’elle est pharmacienne dans un hôpital et tolérer qu’elle la porte chez PJC ou FAMILIPRIX? J’avoue avoir changé de comptoir pour un service chez Bureau en gros, parce que la musulmane voilée qui me servait à la caisse me rappelait trop mon passé religieux.

Andréa Richard ex-religieuse et auteure de « Femme après le cloître »

 

2 Commentaires

  1. Richard

    Que d’erreurs commises par des hommes et des femmes d’Église ! Et qu’on en met donc beaucoup sur le dos de Yahvé, Allah, Jéhovah, etc.
    Il y a une personne qui m’a fait beaucoup de mal, ce qui m’a causé une énorme souffrance. Chaque fois que je revoyais sa photo ou entendais son nom, cela me devenait insupportable. Pourtant, un jour, j’ai pu la regarder… oui il y avait encore de la douleur, cependant une douleur comme plus supportable, j’oserais même dire: comme sereine… Je pouvais maintenant la regarder. Je me suis rendu compte qu’une grande guérison venait de s’opérer en moi. Cette libération salutaire, je la dois au Christ crucifié. Ça fait tant de bien d’être en paix !

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    • Michel Pion

      Bonjour à vous,

      Je suis ravie que vous ayez pu retrouver la paix. Toutefois je pense que vous le devez davantage à vous-même qu’à l’image d’un homme torturé sur une croix, dont on ne sait même pas avec certitude s’il a effectivement existé.

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