Hommage à Gérald Blanchard

par Fév 16, 2023Québec humaniste, sciences0 commentaires

Nous avons appris récemment le décès de Gérald Blanchard, membre no 28 de l’Association humaniste du Québec et membre no 3 de la Fondation humaniste du Québec. Quiconque a eu le privilège de côtoyer monsieur Blanchard peut témoigner de sa gentillesse et de sa grande érudition. C’était toujours un très grand plaisir de converser avec lui. Un hommage lui a été rendu au Centre humaniste le 2 octobre dernier par sa famille et ses amis. Il nous manquera. En souvenir de lui, nous republions ici un de ses articles, publié à l’origine dans la revue des Sceptiques du Québec.

Michel Pion

Est-ce que la science et la religion sont conciliables ?

Par Gérald Blanchard

Pris aux sens usuels que l’on donne à ces deux termes, la science et la religion ne sont pas conciliables. Et pourquoi donc ? Parce que la science prétend que tout ce qui existe, incluant les comportements des hommes, peut, en principe, être compris en termes de relations de cause à effet entre des phénomènes naturels. La religion, cependant, prétend qu’il existe une réalité qui est au-delà de la nature, inaccessible à notre connaissance, mais ayant néanmoins un impact sur notre existence.

Cela dit, il persiste un nombre considérable d’intellectuels, incluant un certain nombre de scientifiques, qui pensent que la science et la religion sont deux modes d’enquête complémentaires également valables dont les objets sont d’élucider des vérités dans deux domaines respectifs qui n’empiètent pas l’un sur l’autre : le naturel et le surnaturel. Selon ce point de vue, le magistère religieux a droit aux mêmes égards que le magistère scientifique.

Les questions que soulève ce débat sont fort diversifiées et souvent très complexes. Je voudrais dans ce court texte donner un aperçu d’un des aspects qui, à mon avis, m’oblige à répondre « NON » à la question en titre. Pour justifier ma réponse, je dois faire l’exercice qui consiste à identifier quelques postulats ou présuppositions qui sous-tendent les deux entreprises, science et religion.

D’abord, du côté de la science, il est présupposé qu’il existe une réalité qui est indépendante de celui qui l’appréhende et qui est, en principe, connaissable dans le sens d’être explicable en termes de relations de cause à effet.

Quand je fais le même exercice en regard de la religion, je découvre qu’on y postule l’existence d’une réalité qui est, en principe, inaccessible à mes facultés cognitives et qui doit demeurer, pour ainsi dire, « ineffable ». De là naît le problème fondamental qui entrave toute tentative de dialogue entre science et religion. Autant il y a de religions, autant il y a de vérités toutes aussi valables ou nuisibles les unes que les autres puisqu’aucune n’est vérifiable.

Les religions, en raison de leur nature, engendrent des points de vue irréconciliables alors que la science, en adoptant une méthodologie fondée sur la transparence et la critique, tend à l’universel. Dans ce sens, il n’y a qu’une science et tous les humains y sont conviés pour y participer et en bénéficier.

Cela dit, il ne faut pas, pour autant, nier l’existence du phénomène religieux ou, pire, le regarder de haut. D’un point de vue scientifique, les comportements religieux sont des objets d’étude. D’ailleurs, diverses hypothèses s’inspirant de la théorie de Darwin peuvent déjà nous aider à associer ces comportements à des mécanismes adaptatifs sélectionnés pour faciliter la survie de notre espèce. Aussi, je crois que la science, sans être prétentieuse, peut et doit se pencher sur le phénomène religieux pour mieux le comprendre.

De son côté, Daniel Baril, auteur d’un mémoire 1 sur le phénomène de la religiosité chez les femmes, remarque que « …pour certains individus à la recherche de sens, la religion apporte quelque chose que n’apporte pas la science, mais que ces deux approches ne sont pas pour autant complémentaires. Dès que l’on reconnaît qu’elles ne répondent pas aux mêmes questions (le comment et le pourquoi) …comment pourraient-elles être complémentaires ? Dans cette idée se cache la prétention que la religion réussit à répondre à des questions auxquelles la science ne répond pas… La religion cherche tout au plus à répondre aux “ pourquois ” existentiels, sans pour autant y apporter de réponses fiables. Les “ pourquois ” sont par ailleurs des questions que certains cessent de se poser parce qu’elles sont sans réponse. »

En concluant, je trouve déplorable, sinon pathétique, l’effort de certains intellectuels (ou pseudo-intellectuels), qui cherchent à rapprocher science et religion en rabaissant la science. Je m’explique. Un procédé suspect, souvent associé au postmodernisme, consiste à considérer la science comme un discours métaphorique parmi d’autres dont les découvertes ne seraient que de purs construits de l’esprit. Cette approche me semble suicidaire puisqu’elle est fondée sur une forme de solipsisme qui postule que l’homme ne peut appréhender la réalité en soi. À tout le moins, cette doctrine engendre la confusion, et, comme la religion, donne naissance à autant de chimères qu’il y a de chapelles, toutes aussi valables (nuisibles ?) les unes que les autres mais sans valeur de survie

Référence :
1) Daniel Baril, Sélection sexuelle et différence intersexe dans la religiosité, Département d’anthropologie, Université de Montréal, mai 2002.

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