Histoire de l’humanisme francophone organisé et militant au Québec et de son rapport aux organisations militantes fraternelles

par Avr 18, 2022À propos de l'AHQ, Québec humaniste0 commentaires

NDLR Histoire de l’humanisme francophone organisé et militant au Québec

L’Association humaniste du Québec, fondée en 2005, ne fut pas la première association humaniste francophone du Québec.

Histoire de l’Association humaniste du Québec

L’Association humaniste du Québec (AHQ) est une organisation splendide depuis sa fondation en 2005. Je fus le septième membre en règle de cette association et je siège au Conseil d’administration de l’AHQ, réélu chaque année, depuis 2010. Je suis fier de ce que les fondateurs de l’AHQ et leurs successeurs ont accompli (Michel Virard, Michel Pion, Normand Baillargeon ont signé les lettres patentes en 2005). Aujourd’hui, je crois personnellement que l’AHQ est l’organisation humaniste militante la plus influente de toute la francophonie mondiale. Son édifice, localisé sur la rue Saint- Joseph à Montréal, est le socle d’activités humanistes, laïcistes, et sceptiques ayant cours à la semaine à chaque année. Son site internet est une merveille, comportant une documentation de plusieurs milliers de pages de qualité, en français, sur l’humanisme d’autrefois et d’aujourd’hui. Sa revue est de haut calibre, me dit-on. Ses conférences, ses ciné-clubs, ses colloques, ses agapes, ses cérémonies, ses réunions sont courus.

Cependant, il n’est nulle part mentionné dans les nombreux documents de l’AHQ, ni dans ses archives, qu’il a existé une organisation « humaniste » francophone militante au Québec AVANT la fondation de l’AHQ actuelle. Et pourtant, elles ont existé…

Libre pensée du Québec et humanisme

La première fut, de 1984 à 1991, la revue La Libre Pensée : Revue Philosophique Humaniste. Ce fut un épisode de deux ans (1986-1988) pendant lequel le collectif de Libre pensée du Québec (groupe de Montréal, Saint-Jérome et Laval, 1982- 1991) a décidé d’ainsi renommer sa revue (initialement, La Libre Pensée : Revue Philosophique). Cependant, dès 1989, le nom de la revue cessa de comporter le mot « humanisme » et retourna à la tradition mondialement établie pour les libres penseurs partout au monde de souhaiter se distinguer de l’humanisme militant.

Il y a un univers de différences culturelles entre les traditions de la libre pensée et celles de l’humanisme. Nous ne ferons qu’effleurer ici le sujet. Ci-dessous, nous vous proposons sa vision de l’humanisme mondial et historique de la part d’une ancienne présidente de la Libre pensée québécoise (1988-1991), Danielle Soulières. L’auteure analyse les courants médiévaux précurseurs de l’humanisme, la nature de l’humanisme dans la littérature, et la place souvent déficiente de la femme dans la représentation culturelle humaniste. Nous ajoutons un autre texte faisant état de principes de la libre pensée, plus conventionnels, provenant du mouvement américain Free Enquiry. Ces principes furent présentés dans la revue comme « humanistes » … Nous vous proposons aussi un texte d’Andrée Spuhler, une Suissesse émigrée aux États-Unis, sur la tolérance absurde qu’ont les humanistes américains organisés pour des membres théistes –en règle… Finalement, lisez la lettre de Paul Kurtz (ancien président de l’American Humanist Association et ancien rédacteur de Free Enquiry) qui s’en prend aux athées militants tout en rejetant le rituel religieux, voulant faire alliance avec la Libre pensée du Québec. Au risque de vous exposer à ce que vous pourriez appeler des guerres de clocher ou à du « grenouillage », j’ai choisi de vous faire lire ces textes parce qu’il est toujours utile pour une organisation militante de se faire amicalement remettre en question par les organisations qui lui sont proches.

Ainsi donc, en 1989, le titre de la revue devint dès lors simplement La Libre Pensée. C’est cette revue, dans sa totalité (1984-1991), dont nous annonçons avec bonheur l’archivage électronique par l’AHQ (https://assohum.org/archives-de-la-revue-la-libre-pensee/) et que nous honorons et mettons en vitrine dans le présent numéro spécial de Québec humaniste. En lisant ce numéro spécial de Québec humaniste, le lecteur, et particulièrement le lecteur humaniste, commencera à comprendre pourquoi et comment la libre pensée québécoise fut proche de l’humanisme, mais aussi distincte.

Mouvement laïque québécois et humanisme

Le Mouvement laïque québécois (MLQ), qui a publié sa propre revue de réflexion, a connu, lui aussi, un passage pendant lequel il s’est identifié comme humaniste et s’est déclaré comme tel. Sa revue fut nommée, dès sa fondation en 2004, « Cité Laïque : Revue Humaniste du Mouvement Laïque Québécois » et ceci jusqu’en 2010. Cependant, en 2011, le titre de la revue devint « Cité Laïque : Revue du Mouvement Laïque Québécois », pendant un an et la revue cessa de paraître en 2011 (voir l’archive numérique à https://www.mlq.qc.ca/cite-laique/). Il est évident que le MLQ avait de fortes affinités avec l’humanisme, mais eut éventuellement besoin, lui aussi, de s’en distinguer. Dans le cas du MLQ, un incident peut expliquer un certain désenchantement avec l’humanisme. Le MLQ avait entrepris un projet de collaboration avec l’organisation militante humaniste pancanadienne anglophone, nommée « Humanist Canada » (HC). Le MLQ proposa à HC de déclarer publiquement conjointement que la monarchie britannique, et par le fait même l’anglicanisme comme religion officielle d’État, devaient être retirés de la constitution canadienne à la faveur de la République, de la Démocratie et de la Laïcité. Je crois que le président du MLQ de l’époque, Henri Laberge, ne fut pas trop étonné de frapper le mur d’une fin de non-recevoir. Mais moi, qui siégeais au Conseil National du MLQ à l’époque et qui faisais l’entremetteur (bilingue), j’en fus abasourdi, estomaqué et déçu. Les humanistes Canadiens anglais militants ne voyaient pas l’intérêt d’une République fédérale laïque, du moins pas assez pour récuser « définitivement » leur bien aimée reine Elisabeth, ni l’anglicanisme d’État. À partir de ce moment-là, le mot humanisme dans le titre de la revue du MLQ passait mal… Le comble de l’ironie c’est qu’entre temps, 51% des citoyens de la Grande-Bretagne se déclaraient « sans religion » selon plusieurs des plus grands sondeurs (Pew, Gallup) !

Humanisme et libre pensée à l’échelle mondiale

Les différences entre la culture d’Angleterre et la culture de France se sont répercutées brutalement et planétairement lorsque la Libre Pensée française a rompu, en 2005, avec la International Humanist and Ethical Union (maintenant Humanists International) pour créer sa propre fédération (Association Internationale de Libre Pensée ou AILP). Les libres penseurs français reprochaient aux humanistes leur manque de ferveur en matière de républicanisme, de démocratie et d’athéisme. Cependant, le Québec fait partie d’un pays composé des deux mêmes nations. Dès lors, est-il étonnant que l’Association humaniste du Québec soit affiliée aux deux grandes fédérations, HI et AILP (voir l’encadré plus haut) ?

C’est peut-être à l’inverse qu’il faut voir les choses. Qu’arrive-t-il à l’humanisme militant lorsque c’est une culture, comme celle du Québec, dont la première langue est le français, qui l’épouse ? L’humanisme militant se présente-t-il alors tout naturellement comme républicain ? Devient-il sans religion ? Défend-il la laicité bec et ongle ? Défend-il la démocratie absolue basée sur l’unique principe d’un vote libre par citoyen ? La réponse c’est oui, oui, oui et oui !

Vive la République ! Vive la démocratie ! Vive la science ! Derrière, la calotte et le goupillon ! Ni maitre, ni Dieu !

Claude M.J. Braun

 

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