L’humanisme: pour quoi faire?
« Rien n’est au ciel intelligible » (Sartre). Ce constat pose la question du sens de la vie, curieusement semblable au secret maçonnique : inexistant. Alors ? Le vrai mystère du sens de la vie n’est pas « ce que c’est », mais « pourquoi il faut savoir ce que c’est ». L’humaniste ne cherche pas à définir l’être humain : biologistes, anthropologues, sociologues, philosophes, théologiens et astrologues s’y essaient en vain depuis des lustres. Ce qui tourmente l’homme devant son miroir n’est pas la nature de sa solitude, sauf s’il la vit au premier degré, dans la « langueur monotone » (Verlaine) de son quotidien, mais la raison pour laquelle sa solitude le hante, l’impact des chocs initiaux qui a façonné ses refoulements dans son inconscient (Freud) et sa frustration (Adler). La réponse à cette question le délivrera aussi sûrement que la vérité. Un prisonnier peut être heureux dans sa geôle et s’y sentir libre : tel un moine éclairé par l’Esprit, il a trouvé réponse à son introspection par la méditation. Apaisé, il peut se tourner vers l’autre. L’humaniste ne questionne pas l’ontologie de son élan vers autrui – chacun sait que l’homme est un animal social (Aristote) car c’est une condition humaine (Malraux) – mais plutôt la phénoménologie de son rapport à l’autre, la raison pour laquelle il regarde l’autre d’une certaine manière.
L’humaniste ne peut que regarder autrui, comme vivre et mourir un jour. Dépourvu d’emprise sur sa naissance, il en a cependant sur sa mort et celle d’autrui par le regard qu’il pose sur son congénère. Chaque jour nous éloigne de A et nous rapproche de Z. Le seul but que l’humaniste peut donner à son parcours est d’abord de trouver ses réponses au pourquoi, puis d’aider les autres à trouver leurs réponses.
L’éducation est un des moyens de parvenir à cette découverte. La connaissance des langues, des cultures, des sciences, des littératures, de l’histoire et de toutes les philosophies forme la pierre angulaire du jugement personnel, dirait Voltaire. Il y a aussi la recherche même des réponses, et leur discussion en groupe pour mieux les cerner et largement les diffuser.
Les principes de l’humanisme forment « le bréviaire de l’homme d’action » (Garamond) dont le rôle est crucial dans l’épanouissement de la libre pensée humaniste : l’homme étant « divers et ondoyant » (Montaigne), l’humanisme le rend parfois heureux lorsqu’il trouve son sens dans le florilège des sciences. L’histoire lui montre qu’avant même leurs peintures rupestres, les êtres préhistoriques se posaient les mêmes questions qu’aujourd’hui et y répondaient conformément à leur conception du monde (Éliade); la philosophie des Lumières éclaire la Raison (Kant); les sciences comprennent peu l’intellect, dont la complexité dépasse encore la connaissance actuelle du cerveau humain (Eccles); la psychanalyse révèle que les réponses aux questions fondamentales se terrent dans l’inconscient de l’individu (Freud), mais leur connaissance n’apporte pas toujours un sens à sa vie; la bioéthique, enfin, rend l’être heureux plus sage par son rapport paisible à l’autre dans l’entraide, la bienveillance, la gratuité totale des gestes fraternels posés à l’endroit d’autrui, sans discrimination, en toute tolérance et en souriant – surtout en temps de pandémie.
Des revues comme La Libre Pensée, La Raison, l’Idée libre, La Pensée et les Hommes, tous ces lieux où se jaugent les idées les plus diverses sur les sujets les plus variés pourvu qu’ils relèvent de l’humanisme, sont cruciaux pour l’existence de la société. Au XVIIIe siècle, 5 % des gens savaient lire. Trois siècles plus tard, les connaissances scientifiques ne rejoignent toujours qu’une infime parcelle de la population : une grande partie est encore incapable de comprendre les théories physiques, chimiques, astronomiques, psychologiques, médicales, philosophiques, etc. L’élite savante bénéficie de ses universités, mais le peuple a besoin de revues de vulgarisation et de forums qui mettent à sa portée les découvertes récentes et soulignent les questions qui en découlent. Québec humaniste trouve ainsi le sens de sa vie dans son utilité sociale.
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