CINÉCLUB HUMANISTE Vas, vis et deviens Compte rendu de visonnement
CLAUDE BRAUN
Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"
Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque" et est depuis quelques années l'éditeur en chef de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec les compliments de l'auteur.
Le 3 juin 2010 l’AHQ a présenté à ses membres et amis une projection sur grand écran du film Vas, vis et deviens, du réalisateur français d’origine roumaine Radu Mihaileanu. Le film porte globalement sur l’opération de sauvetage du peuple Falashah, communauté noire et juive originaire d’Égypte, ayant migré en Éthiopie.
En 1984, cette peuplade, qui avait vécu 2000 ans séparée des autres communautés juives (caucasiennes), se retrouve aux prises avec une famine majeure et gravite au Soudan dans un camp de réfugiés. Secrètement, Israël et les États Unis organisent une opération de sauvetage du seul sous-groupe juif de ce camp, dans lequel se trouvent beaucoup plus d’animistes, chrétiens et autres. Rendus en Israël, les réfugiés subissent la méfiance des autorités, surtout religieuses, et doivent supporter de nombreux tests de leur « religion ».
Parmi ces réfugiés se trouve un garçon, noir, de neuf ans, que la communauté Falasha avait adopté, le jour même de l’opération de sauvetage, à la demande de sa mère chrétienne, afin qu’il « aille, vive et devienne », tandis que pour elle, il n’y avait aucun espoir. On fera adopter au garçon une brève généalogie juive, faux prénoms juifs pour sa famille et pour lui-même. Il s’appellera dorénavant Solomon, prénom qui sera réduit à Shlomo par les autorités Israéliennes dès son arrivée en Israël. Le reste du film porte sur les vécus de ce garçon en Israël. Se croyant rejeté par sa mère, aliéné culturellement de ses camarades falashas, doublement endeuillé de la perte de sa mère biologique et de sa récente mère adoptive (qui meurt peu après son arrivée en Israël), le petit Shlomo fait des frasques violentes et doit changer d’école.
La providence veut qu’un couple d’immigrants juifs séculiers d’origine française adopte le garçon, l’inscrivent à une bonne école, entièrement caucasienne, l’aiment et le protègent. Le frère adoptif est jaloux, mais la petite sœur est compatissante. Shlomo devient un excellent étudiant et complète même des études en médecine, avec l’idée en tête de faire de la médecine humanitaire et de retrouver un jour sa mère biologique qui est restée derrière dans l’enfer africain.
Shlomo adopte graduellement la culture juive, apprend la Torah et l’hébreu. Il épousera une caucasienne dont le père est xénophobe. Il sera constamment déchiré par le remords, le manque, l’aliénation culturelle, mais il y a suffisamment de résilience dans son environnement pour qu’il puisse finir par retrouver son équilibre.
Le film est d’une poésie visuelle et textuelle inouïe, à en verser de nombreuses larmes. On pense à la visite du papi au kibboutz où travaille Shlomo lorsqu’il explique à son petit-fils comment les juifs devront partager leurs terres tant convoitées: un poème d’une incroyable beauté. Une autre scène mémorable est celle d’une joute rhétorique sur la Torah à laquelle participe Shlomo pour impressionner la jeune fille qu’il convoite et qui deviendra son épouse. La question à débattre est un piège: quelle fut la couleur de la peau de premier homme ? Shlomo cite la Torah à l’effet que Yahvé a créé l’humain avec de la glaise. Le premier homme ne devait donc être ni blanc ni noir. Le reste de son discours est un poème humaniste que je ne saurais reproduire ici sans en trahir la beauté. La finale est puissante. Shlomo pratique la médecine humanitaire dans un camp de réfugiés en Afrique. Quelque quinze ans après avoir perdu toute trace de sa mère biologique, il la reconnait. Ce cri de la mère… inoubliable.
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