Conférence de Normand Rousseau « La Bible immorale »
Michel Virard
Président de l'AHQ
Michel Virard est un des fondateurs de l’AHQ en 2005 avec Bernard Cloutier et Normand Baillargeon. Ingénieur et entrepreneur, il a également été administrateur des Sceptiques du Québec. il est depuis les tout débuts l’une des âmes dirigeantes de l’AHQ.
A la différence du cardinal Marc Ouellet (voir article de mai 2010 sur assohum.org) et de bien d’autres membres du clergé, Normand Rousseau s’est donné la peine de lire et d’annoter la Bible en entier et plusieurs fois. Il a obtenu une maîtrise en Sciences religieuses et il a produit trois livres sur ce sujet dont « La Bible immorale » publié en 2006 chez Louise Courteau, éditrice.
Normand Rousseau nous explique son cheminement personnel. Ayant côtoyé pendant treize ans les Frères des écoles chrétiennes, ayant lui-même été un frère de cet ordre, il connaît bien les arguments habituels avancés par le clergé catholique. Cependant c’est seulement à l’université qu’il a eu l’occasion d’approfondir la Bible en commençant par le livre de Josué. Or la conquête de la Terre Promise ne comprend pas moins de trente et un génocides, ce qui a commencé à ébranler sa foi. Il mentionne aussi comme source d’information la traduction moderne de la Bible de l’hébreu au français réalisée par André Chouraki (les Dix commandements de Dieu). Il a vécu au Maroc cinq ans et s’est donné comme devoir d’étudier aussi a fond le Coran et la « Vie de Mahomet » texte où le prophète y est décrit, en fait, comme un brigand attaquant des caravanes. Il a essayé de publier un article décrivant Mahomet comme un criminel, mais il n’a jamais été publié par aucun journal.
C’est à partir de la Bible de Jérusalem qu’il entend démontrer l’immoralité de la Bible. La grille de lecture de N. Rousseau comprend quatre parties :
– les sacrifices humains
– l’esclavage
– l’infériorisation de la femme
– la violence (massacres, meurtres religieux)
Toutefois avant de continuer il convient d’éliminer les objections les plus communes avancées par les théistes pour désamorcer les critiques de la Bible :
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La Bible n’est pas l’enseignement de l’Église catholique!
En effet, c’est le Catéchisme officiel qui contient l’enseignement de cette église. L’ennui c’est que ce même catéchisme affirme l’origine divine de la Bible. L’omniprésence du « Saint-Esprit » et de “ Marie » dans le catéchisme n’est justifiée par aucune intervention de l’un ou de l’autre. Impossible de relier le Saint-Esprit à aucune inspiration moralement supérieure, comme par exemple, inspirer un concile pour arrêter l’Inquisition ou les Croisades. Pour la « Vierge Marie », ses quelques 500 interventions répertoriées ont été à 99% pour se faire construire une église. De plus elle n’apparaît, curieusement, qu’aux seuls catholiques. Que d’occasions ratées de faire des conversions!
Le type de lecture
Il existe différentes lectures de la Bible : littérale, quasi littérale, symbolique. Cependant aucune lecture ne permet d’évacuer l’immoralité du texte, qu’il soit pris littéralement ou symboliquement. Selon le catéchisme officiel, il n’y a qu’une seule lecture, littérale – sauf pour des petits bouts ! L’arrêt du Soleil par Josué a créé un premier malaise lorsque l’on a mieux compris les conséquences de l’idée de Copernic et de Galilée. Mais là aussi N. Rousseau rappelle que c’est le texte de la Bible, tel qu’il a été écrit, qui a été canonisé.
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Historicité ou fiction ?
A partir du 19ème siècle, le récit Biblique cesse d’être considéré comme strictement invérifiable. Des archéologues professionnels commencent à faire l’inventaire de ce que nous pouvons en connaître. De fait, l’archéologie moderne a réduit les prétentions historiques de la Bible à peu de choses et, quand bien même serait-elle entièrement une fiction, cela n’empêche pas l’Église de l’utiliser comme exemple édifiant puisqu’elle a canonisé la « sainte Bible ». Mais pour N. Rousseau, qu’il y ait peu ou prou d’histoire véritable dans la Bible le laisse indifférent : l’immoralité du texte canonisé reste la même, indépendamment de son historicité. Fiction ou pas, l’immoralité de la Bible reste donc condamnable.
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Le contexte historique
Pour dédouaner la Bible les exégètes vont invoquer le « contexte historique ». En effet, à l’époque de la rédaction des différents textes bibliques, on peut affirmer qu’à peu près toutes les civilisations acceptaient et pratiquaient l’esclavage sous une forme où une autre. Mais alors, demande N. Rousseau. « Où est la révélation ? »
Des quatre parties de son ouvrage, N. Rousseau va surtout nous parler de l’esclavage dans la Bible, qu’il paraphrase par un retentissant « Et sur ces esclaves je bâtirai mon église ! »
C’est à Noé, désigné par Yahvé pour régénérer la totalité de l’espèce humaine, que revient le déshonneur d’avoir immédiatement « remis en service » l’esclavage par sa condamnation à la servitude de son fils Cham (dont seront issus les Cananéens) et cela pour une peccadille. Cette partie de la Bible sera d’ailleurs utilisée par les esclavagistes chrétiens pour justifier l’esclavage des Noirs et qui prétendront, sans justification (la Bible n’est pas raciste) que Cham est l’ancêtre des Noirs.
Moïse libère son peuple de l’esclavage … mais s’empresse de mettre les autres en esclavage avec un régime différent pour les juifs et les gentils (non juifs) : l’esclave juif doit être libéré durant la septième année, sauf si c’est une fille vendue par son père! L’esclave gentil l’est pour toujours. Le 10ème commandement rappelle aussi que « Tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin, ni ses serviteurs ni son bétail. » ce qui nous assure que les “ serviteurs » sont des “ biens » meubles qu’on peut « voler » et non des employés libres.
Le Nouveau Testament ne met pas fin à l’esclavage. Jésus s’occupe de l’esclavage du péché mais pas du péché d’esclavage qu’il semble considérer comme allant de soi. Saint Pierre et surtout saint Paul entérinent complètement l’esclavage qui, d’un rapport détestable entre humains se trouve à être promu par ses soins au niveau d’un rapport sacré entre Dieu et ses créatures! Tous les Pères de l’Église étaient esclavagistes sauf Grégoire de Nice. Saint Augustin en rajoutera : « s’il y a des esclaves c’est à cause du péché originel ». Il faut savoir qu’il a existé des auteurs païens importants, avant et après Jésus-Christ pour défendre les esclaves. Aristote, quatre cent ans avant J.C. enjoint de bien traiter ses esclaves. De même, plus tard, Cicéron et Juvénal.
Les exégètes juifs et catholiques vont souvent défendre la Bible en affirmant que l’esclavage hébreu était « doux » et faisait partie de la « pédagogie divine ». De plus l’esclavage serait un concept moderne sans réellement d’équivalent dans l’Antiquité. Même si cela est vrai, il n’en demeure pas moins que le discours dominant de la Bible reste esclavagiste. N. Rousseau souligne l’ironie de la prestation de serment de Barak Obama, premier président Noir, qui a dû jurer sur une bible esclavagiste.
De fait, l’abolition de l’esclavage dans un empire colonial a été promulguée officiellement, pour la première fois de l’histoire, par les révolutionnaires français (Note du rédacteur : 4 février 1794 – toutefois La Bible immorale (suite) … le Danemark avait proclamé l’abolition dès 1792)
Rousseau s’insurge contre le passe-droit dont bénéficient les textes sacrés, dont la Bible, et qui constituent pour lui de la littérature haineuse. Pour bien nous convaincre il cite le Psaume 137, dernier vers : « Heureux ceux qui saisiront tes enfants pour les écraser contre le rocher » (vengeance contre Babylone). Autrement dit la Bible érige l’infanticide en vertu sacrée!
Vous pouvez visionner la conférence sur YouTube (plus bas)
La période de questions a vu l’intervention de plusieurs connaisseurs en matière de textes sacrés (dont Denis Hamel, un sceptique bien connu de plusieurs de nos lecteurs). Le podcast complet de la conférence, y compris la période de question peut-être écouté ici.
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