Compte rendu de lecture: « The God Argument. The case against religion and for humanism» de A.C. Grayling
Loyla Leroux
Membre du conseil d'administration de l'AHQ
Loyola Leroux a enseigné la philosophie pendant 36 années au Cégep de Saint-Jérôme; baccalauréat en philosophie (UQAM)
Ces dernières années, surtout du côté anglo-saxon, ont paru plusieurs ouvrages exposant les mythes d’une (ou des) religion(s). De nombreux auteurs et pas les moindres comme Richard Dawkins, Christopher Hitchens, Dan Dennet et Sam Harris, pour ne nommer que ceuxlà, ont produit des pamphlets parfois vitrioliques (surtout dans le cas de Hitchens) sur l’immoralité et l’absurdité des croyances religieuses. Nous autres francophones ne somment pas en reste. De France Michel Onfray et André Comte Sponville ont écrit sur l’athéisme et plus près de nous au Québec Claude Braun (Québec Athée), Daniel Baril (Les mensonges de l’église Catholique), Normand Rousseau (La Bible démasquée), entres autres, ont chacun à sa manière contribuée au débat. Chacun de ces ouvrages a permis de convaincre un nombre toujours grandissant d’individus de se déclarer ouvertement athées ce qui est déjà une petite victoire en soi. Mais une fois acquis que la religion est, dans le pire des cas on en conviendra, une forme d’esclavage et une source de violences et de divisions entre êtres humains, la question se pose, on la remplace par quoi?
C’est à cette question qu’A.C. Grayling s’efforce de répondre dans son dernier opus « The God Argument – the case against religion and for humanism ». Comme le titre le laisse deviner ce livre se divise en deux parties. Dans la première, Grayling fait le procès de la religion dans une démonstration méthodique en reprenant point par point les principaux arguments mobilisés par ses défenseurs et en les hachant menu avec toute sa rigueur de professeur de philosophie. À ceux qui comme moi ne sont pas rompus à cette discipline, je recommande la lecture du passage où Grayling déconstruit point par point l’argument ontologique. Après cela vous serez en mesure de confondre n’importe quel théologien! L’auteur poursuit dans cette veine durant toute la première partie du livre avec la même rigueur et le même sérieux et ce sans jamais verser dans la provocation ou l’insulte gratuite.
La seconde partie du livre plaira tout particulièrement aux humanistes car A.C. Grayling y développe la thèse selon laquelle l’éthique humaniste nous permet d’abandonner la religion sans remords et surtout sans y perdre au change. Grayling a également, selon moi, le mérite de bien situer la position humaniste par rapport à ce qu’il identifie comme trois débats distincts. Le premier est le débat athéisme-théisme (métaphysique), le second est celui de la laïcité (la place que doit avoir la religion sur la place publique) et finalement le dernier porte sur la source et le contenu de notre moralité (la moralité vient-elle d’une source transcendante ou divine ou de nos réflexions sur notre réalité et nos relations avec les autres?). Grayling n’hésite pas à camper l’humanisme résolument dans cette dernière catégorie comme une alternative supérieure à la morale religieuse et en fait la démonstration éloquente dans les chapitres qui suivent.
« The God Argument » est un livre accessible qui heurtera sans doute peu les croyants. Le ton est respectueux, sans jamais être obséquieux et Grayling n’a pas peur d’appeler un chat un chat. L’auteur offre dans cet ouvrage des références excellentes et modernes sur les questions vitales pour nous humains que sont l’éthique et la moralité. Ce livre est manifestement destiné à monsieur et madame tout le monde, les lecteurs plus aguerris resteront sans doute sur leur faim.
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