Création à Montréal de la Fondation Raif Badawi pour la liberté
CLAUDE BRAUN
Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"
Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque" et est depuis quelques années l'éditeur en chef de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec les compliments de l'auteur.
On peut lire les textes de Raif Badawi dans son livre « 1000 coups de fouet, parce que j’ai osé parler librement » (Édito, 2015) tiré de son blog (voir les extraits p. 10)..
La Fondation Raif Badawi pour la liberté, dont le siège est à Montréal, organisera des ateliers, conférences, séminaires et colloques pour soutenir la recherche fondamentale effectuée par des chercheurs et des professeurs d’université. Elle entretiendra également des liens au niveau international pour coopérer avec des institutions étatiques et des organisations de la société civile afin de communiquer les résultats de recherche au plus grand nombre.
« La mission de la Fondation est le prolongement et l’incarnation des valeurs de Raif qui serait très heureux de constater à quel point son combat est partagé par tant de personnes dans le monde », a déclaré Ensaf Haidar lors de la conférence de presse. «L’idée est de créer une plate-forme ouverte dans le monde arabe à l’intention des journalistes, et particulièrement des blogueurs, afin qu’ils aient accès à des outils pertinents et utiles à leur travail, voire à la simple émergence de ces métiers dans leur pays, a ajouté pour sa part Évelyne Abitbol. Nous souhaitons travailler dans le respect des différences étatiques et des cultures. C’est pourquoi nous avons créé́ un comité aviseur composé d’intellectuels, d’essayistes, d’écrivains et de journalistes provenant des quatre coins de la planète. »
Raif Badawi avait lui même rêvé d’un tel organisme. « Ensaf et moi avons décidé de monter cette fondation pour que son rêve devienne réalité et qu’il ait un peu de baume sur son cœur » a ajouté la cofondatrice. La prise de conscience des droits humains universels – et nous insistons sur le mot universel – ainsi que leur réalisation sont au cœur de notre action. » La Fondation se donne ainsi pour mission de contribuer à l’émergence de sociétés et de pays arabes libres par des échanges intellectuels pacifiques et des interactions culturelles avec le reste du monde.
L’organisme diffusera des informations sur les philosophies, accords et pactes universels dans le domaine des droits humains et de la démocratie et sur les situations propres à chaque pays.
En conférence de presse, Mme Abitbol a également lancé un appel aux partis politiques fédéraux à l’occasion des élections canadiennes. « J’interpelle directement Messieurs Justin Trudeau, Thomas Mulcair, Gilles Duceppe, Mme Elizabeth May et M. Stephen Harper et les invite à prendre position en faveur des droits des blogueurs et des journalistes emprisonnés pour avoir exercé leur métier. Je les invite à s’engager clairement pour la liberté de presse et à proposer des mesures concrètes pour la libération du blogueur Raif Badawi. Que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, se porte à la défense de ses citoyens canadiens emprisonnés et qu’il soutienne les familles immédiates des réfugiés politiques. »
Outre Mmes Haidar et Abitbol, font aussi partie du conseil d’administration Constance Fréchette, formatrice au Centre d’apprentissage interculturel, et Charles-Philippe David, titulaire de la Chaire Raoul Dandurand en études stratégiques et diplomatiques.
On remarque, parmi les membres honoraires, des personnalités aussi diverses que Desmond Tutu, archevêque sud-africain et Prix Nobel de la Paix 1984, Peter Gabriel, musicien et activiste humanitaire, Salman Rushdie, romancier britannique cible d’une fatwa, et Nabila Ben Youssef, humoriste engagée.
La Fondation compte également sur le soutien d’un comité conseil international présidé par Elham Manea, écrivaine humaniste de l’Université de Zurich, et composé de 23 personnalités dont Olaf Kellerhoff, de la Fondation Friedrich Naumann, Karima Bennoune, professeure de droit international à l’Université de Californie et rapporteure au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Hillel Neur, directeur exécutif de Human Watch, Waleed Al Husseini, blogueur palestinien en exil à Paris, Arwa Othman, ex-ministre de la culture et militant des droits humains au Yémen, Ann Harrison, directrice de programme à PEN International, Alain Saulnier, journaliste et directeur du magazine québécois Trente, et Daniel Baril, journaliste et membre du conseil d’administration de l’Association humaniste du Québec.
On peut trouver plus d’information sur l’histoire de Raif Badawi, les objectifs de la Fondation et la liste complète des conseillers sur le site www.fondationraifbadawi.org/fr/.
« La laïcité est la solution »
Voici quelques extraits du livre de Raif Badawi, « 1000 coups de fouet parce que j’ai osé parler librement » (Édito, 2015). Ce sont ces textes qui lui ont valu la condamnation que l’on sait.
« J’entre dans les toilettes : j’y trouve quelques feuilles de papier souillées, des excréments partout. La situation est effroyable. Des murs sales, des portes défoncées, rouillées. […] Et tandis que j’examine avec attention les centaines de graffitis inscrits sur les murs poisseux des toilettes communes de la cellule, mon regard tombe sur la phrase « La laïcité est la solution ». […] Stupéfait, je me frotte les yeux […]. J’ai été aussi émerveillé qu’heureux de découvrir cette belle maxime insolite. Car de la lire là, au milieu de centaines de mots orduriers qui souillaient ces murs crasseux, prouvait qu’il y avait au moins une personne qui me comprenait, et qui comprenait ce pour quoi j’avais été incarcéré. » (p. 15)
Ceux qui s’opposent [au libéralisme] sont les islamistes et une poignée de membres de l’extrême droite réactionnaire européenne qui se réclame du Moyen Âge, détractrice de la Révolution française et loyale à l’Église et au féodalisme. Dans l’idéal libéral, la religion est un simple choix individuel et personnel; un État libéral est un État sans religion, ce qui ne veut pas dire qu’il est athée, mais qu’au contraire il garantit à toutes les religions le droit d’exister […]. » (p. 34)
« Il y a, parmi les bizarreries du comportement de l’être humain, sa propension à se forger lui-même les fers qui le blessent, et à inventer des légendes qu’il tient pour sacrées, des mensonges auxquels il finit par croire […]. » (p. 44)
« [Ma grand-mère] me parlait des rituels des fêtes, auxquelles les femmes participaient directement, en prenant part à ce que l’on appelait la khutwa, une danse du folklore populaire, dans une ambiance civilisée à laquelle personne ne s’opposait en cette époque pas si lointaine. Les femmes travaillaient avec les hommes dans les champs, et exerçaient à leurs côtés la plupart des métiers et professions, dans les souks et ailleurs, sans se préoccuper de cette phobie de la mixité que nous avons inventé il y a une trentaine d’années. » (p. 39)
Il est donc désormais de notre devoir de ne plus écouter les extrémistes qui réclament l’interdiction de la mixité […] et d’offrir la libre concurrence et l’égalité des chances aux citoyens des deux sexes d’un même pays. Cela nous permettra de rejeter les sempiternelles accusations d’extrémisme et de terrorisme religieux qui nous affectent à tout moment. »
« Je ne suis pas pour l’occupation d’un pays arabe par Israël, mais, en revanche, je ne veux pas remplacer Israël par une nation islamique qui s’installerait sur ses ruines, et dont le seul souci serait de promouvoir une culture de la mort et de l’ignorance parmi ses fidèles. […] Regardons les pays fondés sur la pensée religieuse […]; qu’offrentils en termes d’humanité et d’humanisme ? Rien, c’est certain, sinon la peur de Dieu et l’incapacité à affronter la vie; rien d’autre. […] Les principales fonctions des États religieux sont de tuer la raison, de lutter contre les enseignements de l’histoire et la logique, et d’abêtir les gens : il est impératif de s’élever contre une telle mentalité […]. » (49)
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