Daniel Baril

Daniel Baril

Daniel Baril a été journaliste à l’hebdomadaire Forum de l’Université de Montréal pendant près de 23 ans. Il est actuellement président du Mouvement laïque québécois (par intermittence pendant deux décennies) et a été également membre du conseil d’administration de l’Association humaniste du Québec. Il est le cofondateur du groupe Les Intellectuels pour la laïcité et co-rédacteur de la Déclaration pour un Québec
laïque et pluraliste. 

« Écrire, ça libère » : lettre à Mme France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone

J’avais jusqu’à tout récemment une forte sympathie envers Amnistie internationale dont le travail d’opposition aux dictatures de la planète me paraissait absolument nécessaire et j’ai participé à plusieurs campagnes de lettres en faveur de la libération de prisonniers politiques ou d’opinion.

Quelle déception de vous voir intervenir du côté de ceux qui combattent la Loi sur la laïcité de l’État au Québec! Manquez-vous à ce point de dictatures à combattre et de prisonniers d’opinion à faire libérer? Vos récentes interventions médiatiques pour justifier votre position ont fait déborder le vase et m’amènent à joindre ma voix aux dizaines de Québécois outrés par votre intervention dans ce dossier.

La superficialité de vos propos dans votre lettre du 20 novembre au Devoir reflète une analyse d’une courte vue renversante. Pleine de faussetés, cette lettre diffuse une vision mensongère de la loi 21, dont cette perle : le « véritable objet de cette loi » serait selon vous « de proscrire le voile islamique ». Vous vous gardez bien de nommer l’islamisme politique, responsable des pires dictatures de l’époque actuelle, derrière une soi-disant volonté de porter son étendard jusque dans nos écoles. Vous semblez en outre penser que le combat pour la laïcité de l’État a débuté avec cette loi alors qu’on peut le faire remonter à la rébellion des Patriotes. J’étais de cette lutte dès la fin des années 70, bien avant l’arrivée du premier hidjab.

Sous prétexte de défendre les libertés individuelles et parce que le débat fait rage sur cette question partout en Occident, vous soutenez que défendre la laïcité de l’État face aux idéologies liberticides et d’arrière-garde « n’est pas la voie à suivre ». Que faudrait-il donc faire? Plier l’échine? Ce n’est pas l’Amnistie internationale que j’ai connue.

Votre entrevue accordée à Qub Radio le 24 novembre aurait pu vous donner l’occasion de vous reprendre mais vous n’avez que confirmé votre superficialité d’analyse. Sans compter que votre campagne contre le racisme systémique vous couvre de ridicule en soutenant que les « personnes racisées » sont absentes des médias québécois.

Comble de l’absurde, vous soutenez avec raison la lutte internationale de Mme Ensaf Haidar pour faire libérer son mari Raïf Badawi emprisonné injustement et torturé par la dictature saoudienne. Voilà la véritable mission d’Amnistie internationale et j’ai moi-même participé à vos vigiles pour inciter le gouvernement du Canada à intervenir en faveur de cette libération. Je vous soumets que Mme Haidar milite ici du côté de ceux qui défendent la loi 21 et qu’elle a témoigné en ce sens en Cour supérieure aux côtés du Mouvement laïque québécois.

En tant que victime de l’intégrisme religieux, Mme Haidar s’oppose au port de signes religieux à l’école parce qu’elle voit dans cet interdit une disposition essentielle pour préserver la laïcité de l’école publique, cette laïcité étant pour elle une façon de protéger la liberté de conscience de ses enfants et l’égalité des sexes, deux valeurs pour lesquelles elle se bat avec un courage remarquable et exemplaire. De quel côté êtes-vous réellement? Trouvez l’erreur et soyez conséquente.

Comme le dit votre slogan, « écrire ça libère ».

Daniel Baril

Militant laïque

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