Le mythe de Jésus : L’origine du dieu Yahvé, alias Jéhovah, alias Allah

par Jan 16, 2022Québec humaniste0 commentaires

La Raison : Bulletin Rationaliste de Libre Critique, 1980, Volume 1, Numéro 4, pp. 2-8.

La Palestine a tout d’abord été occupée par les Philistins (les actuels Palestiniens), puis elle fut divisée en royaumes de Juda et d’Israël. La religion d’Israël et celle de Juda sont issues de la même structure sociale (tribus, clans) que celle des Philistins. Elles contiennent beaucoup d’éléments communs. Le dieu principal de Juda s’appelait Jéhovah, celui d’Israël, Shaddai. En plus de ces divinités, on adorait Shalem, dieu du bonheur, Astarté, déesse de la fécondité, etc. Jéhovah personnifiait, au début, les forces redoutables des monts désertiques et passait pour le dieu de la tempête et des pluies portées par les nuages. Avec la prépondérance du royaume esclavagiste de Juda sur celui d’Israël et l’avènement du royaume judaïque, Jéhovah fut élevé par les prêtres au rang de « créateur » du monde et protecteur du royaume et du roi. Ce n’est qu’au Ve siècle avant notre ère que le judaïsme devint monothéiste.

Vers l’an 95 avant notre ère, au synode de Jamnia, on a compilé officiellement l’Ancien Testament. Et pour créer les personnages légendaires de ce livre « sacré », les juifs ont copié d’autres cultes plus anciens que le judaïsme. Ainsi Moïse est né en Égypte tout comme Bacchus avant lui. Moïse est exposé au Nil (dans un berceau en osier) comme Bacchus. Bacchus passe la mer Rouge à pied sec, Moïse aussi. Le fleuve Orinthe suspend son cours en faveur de Bacchus, le Jourdain s’arrête en faveur de Josué. Bacchus fait jaillir une fontaine de vin en frappant la terre de son thyrse. Moïse fait jaillir de l’eau d’un rocher en le frappant de sa baguette, etc.

L’origine du christianisme

L’analyse scientifique du problème des origines du christianisme montre que cette religion, comme toutes les autres, est née de certaines conditions politiques, économiques et sociales. Les masses populaires opprimées de l’empire esclavagiste romain avaient, au Ier et au IIe siècle de notre ère, cherché une issue dans les luttes insurrectionnelles. Mais l’échec de tous ces mouvements faisait croire que toute résistance aux maîtres esclavagistes était sans espoir. C’est pourquoi dans les couches populaires (esclaves et artisans) est née et s’est répandue l’attente d’un « sauveur céleste » qui pourrait les libérer de toutes les souffrances de la terre. On avait donc passionnément espéré un « salut miraculeux » qui devait venir du « roi des Juifs », le messie « envoyé de Dieu » qu’annonce la Bible (l’Ancien Testament).

C’est surtout en Palestine que cette attente se manifesta. On a vu apparaître une multitude de prophètes fanatiques qui s’attiraient un grand nombre de partisans et fondaient leurs sectes en prédisant la venue du « sauveur ». Plus tard, certains de ces prophètes ont supposé l’existence terrestre d’un « sauveur » auquel ils donnèrent le nom de Jésus, nom qui vient de Josué et qui a pour signification première « Yahvé sauve ». Ces prophètes qui ne savaient rien du « sauveur » le placèrent malgré tout dans un milieu historique et déclarèrent que le Christ était déjà venu sur terre.

C’est ainsi que sont nés le christianisme et le mythe de Jésus au IIe siècle de notre ère. Sur le thème de la prétendue venue de Jésus furent composés toute une série d’écrits sur sa vie, les uns plus contradictoires que les autres. Et pouvait-il en être autrement puisque personne ne savait rien de Jésus, et pour cause puisqu’il n’a jamais existé. Pour alimenter ces histoires, on a utilisé les légendes de l’Ancien Testament et d’autres mythes et on les a reliés au Christ. On connaît d’autres affabulations de cette sorte, comme celle de Guillaume Tell que beaucoup de personnes considèrent comme ayant existé.

Brève analyse de textes d’auteurs du 1er siècle

Chez aucun écrivain grec, romain (latin) et juif, dont Philon d’Alexandrie, Pline l’Ancien, Sénèque, Flavius Josèphe, Plutarque, Juvénal, Don Cassius, Suétone, Juste de Tibériade et même Tacite, nous ne retrouvons de textes ni sur Jésus, ni sur les chrétiens. L’écrivain officiel de la secte catholique, Daniel Rops, a admis dans son livre « Jésus en son temps » en page 11 : « À s’en tenir aux documents romains seuls, il n’est pas rigoureusement démontrable que le Christ a bien existé. »

Cependant face au silence des textes antiques sur Jésus, les Pères de l’Église dès le Ve siècle, comme Eusèbe de Césarée, n’ont pas hésité à interpoler certains écrivains comme Tacite, Suétone et Flavius Josèphe en leur faisant dire ce qu’ils ne savaient même pas. L’absence de documents historiques et de monuments chrétiens au 1er siècle est une des preuves les plus inattaquables que le christianisme n’existait pas en ce siècle. Cela est très embarrassant pour les sectes chrétiennes (catholique et protestantes).

Apparition du christianisme (IIe siècle de notre ère)

Le premier témoignage plausible de l’existence du christianisme nous vient de Pline le Jeune qui gouvernait la Bithynie, une des provinces de 1’empire esclavagiste romain vers l’an 113 de notre ère. Nous avons de Pline le Jeune une lettre adressée à 1’empereur Trajan pour lui demander des instructions sur les chrétiens. Mais nous devons être prudents, car la lettre de Pline à Trajan constitue le Xe livre des lettres de Pline, et ce Xe livre n’est apparu qu’en 1502. Or, au IIe siècle, un érudit, Sidoine Apollinaire, a écrit que Pline le Jeune avait fixé à neuf le nombre de livres de son recueil épistolaire. Cela est d’autant plus suspect que les chrétiens fabriquaient des faux, comme la correspondance entre l’écrivain Sénèque et Paul, ainsi que le faux rapport de Ponce Pilate sur Jésus, qui ne fut pas adressé à l’empereur Tibère sous lequel Pilate fut préfet de Judée, mais l’empereur Claude qui régna de 41 à 54 de notre ère. Les faussaires connaissaient donc mal leur histoire. Quant à la lettre d’un prétendu gouverneur de Jérusalem du nom de Lentulus au Sénat et au peuple romain au sujet de Jésus, il est inutile de préciser que ce Lentulus n’a jamais existé. Eusèbe de Césarée, pour sa part, inventa la liste des « premiers papes de Rome ». En fait, faut-il le rappeler, l’évêque de Rome ne devint pape qu’à partir de l’Édit de l’empereur Gratien en 378 de notre ère.

Examen du Nouveau Testament

L’Apocalypse est le premier livre du Nouveau Testament, mais il fut le dernier canonisé à cause de divergences sur son contenu. Il n’a finalement été officiellement accepté qu’au Concile de Carthage en 395, alors que les évangiles ont été acceptés au concile de Laodicée en 364.

Voilà pourquoi 1’Apocalypse est placée la fin du Nouveau Testament. Ce n’est pas parce qu’il signifie la fin (la fin de l’occupation romaine de la Palestine, sans nul doute) comme certains théologiens le prétendent. L’Apocalypse était d’un genre littéraire très à la mode au premier siècle de notre ère, comme le romantisme l’a été en France au 19e siècle. Nous connaissons plusieurs apocalypses, dont le livre d’Hénoch, le livre des Jubilées, l’Assomption de Moïse, 1’Apocalypse de Pierre, 1’Apocalypse de Paul, etc. Le livre de la « Révélation », comme d’ailleurs les autres apocalypses, a été écrit par des Juifs pour les Juifs. Il a été rédigé avant la guerre, en l’an 70 de notre ère. Et il est une exhortation faite aux Juifs de se révolter contre la « grande ville qui exerce la royauté sur les rois de la terre ». II s’agit de la ville de Rome, la capitale de l’empire esclavagiste romain.

Friedrich Engels a mentionné dans son article « Le livre de l’Apocalypse » les divers passages qui symbolisent Rome. Voici ce que cet auteur déclare au sujet du chapitre XVII du livre de· la « Révélation » : « Un ange y déclare à Jean : La bête que tu as vue a existé et elle n’est plus. Les sept têtes sont sept montagnes sur lesquelles la femme est assise. Elles sont aussi sept rois. Cinq sont tombés, il en reste un, et l’autre n’est pas encore venu. Quand il sera venu, il ne doit rester que peu de temps. Et la Bête qui était et n’est plus, elle a existé et elle était le huitième, et elle est au nombre des sept. Et la femme que tu as vue, c’est la grande ville qui règne sur la terre. »

Ce passage nous fournit deux indications claires : 1) La dame écarlate est Rome, la grande cité qui règne sur les rois du monde; 2) À l’époque où le livre est écrit règne le sixième empereur romain, et après lui viendra un autre qui règnera peu de temps, ensuite aura lieu le retour de l’empereur qui a déjà régné, un des sept, qui a été blessé, mais qui est guéri, et dont un nombre mystérieux renferme le nom, Irénée savait encore qu’il s’agissait de Néron… Si nous commençons par Auguste, il faut compter ensuite Tibère, Caligula, Claude et Néron qui était le cinquième. Le sixième, celui qui reste, c’est Galba dont l’accession au trône fut, particulièrement en Gaulle, 1e signal d’un soulèvement des légions dirigées par Othon, successeur de Galba. Notre livre doit donc avoir été écrit sous le règne de Galba, c’est-à-dire entre le 9 juin 68 et le 15 janvier 69. Il prédit le retour de Néron comme imminent.

Et au sujet du nombre mystérieux 69 que l’Apocalypse mentionne, voici ce qu’en dit Engels : « Les rabbins adonnés à la spéculation y voyaient une méthode d’interprétation mystique, la kabbale. On exprimait des mots mystérieux par le nombre résultant de la valeur numérique des lettres qu’ils contenaient. Ils appelèrent « science » la nouvelle Ghematrah. C’est précisément cette « science » qu’utilise ici notre Jean. Nous avons démontré : 1. Que le nombre contient le nom de Néron, 2. que la solution est valable. Elle est valable aussi bien pour la version 666 que pour la version ancienne qui donne 616. Prenons les lettres hébraïques et leurs valeurs :

Nun n 50

resch r 200

vau (pour) o 6

nun n 50

koph k- (q) 100

samesh s 60 resch r 200 Néron

Késar, l’empereur Néron, en grec Néron Kaisar. Si donc au lieu d’employer l’orthographe grecque, nous transposons le latin Néro Caesar en caractères hébreux, le nun à la fin de Néron disparait et avec lui la valeur 50. Nous aboutissons ainsi à l’autre ancienne leçon : 616, et la démonstration est aussi parfaite qu’on peut le souhaiter. Ainsi le contenu de ce livre mystérieux est parfaitement clair pour nous. Jean prédit le retour de Néron pour l’année 70, conclut Engels.

Quant aux 144,000 personnes que la secte des Témoins de Jéhovah considère comme faisant partie du gouvernement de Dieu, ce nombre vient tout simplement des 12,000 personnes de chacune des 12 tribus d’Israël qui, après l’Apocalypse (XIV, 4) sont ceux qui ne se sont pas souillés avec les femmes, car ils sont vierges. Alors aucune femme et aucun homme ayant une expérience sexuelle ne fait partie des 144,000 privilégiés de Jéhovah. Donc, avis aux Témoins de Jéhovah… D’autre part, le nom Harmaguedon dont parle l’Apocalypse signifie en hébreu « la montagne de Negiddo », c’est là le nom d’une ville demeurée tristement célèbre chez les Hébreux depuis la défaite qu’y a subie le roi Josias. Pour les auteurs de 1’Apocalypse, la seconde bataille de Harmaguedon constituera la revanche de la première. C’est aussi simple que cela, et tout ce que la secte des Témoins de Jéhovah dit sur le nom de Harmaguedon n’est que de la fabulation.

Enfin, 1’Apocalypse nous montre que le Christ a d’abord été considéré comme un être purement céleste : « L’Agneau immolé dès la fondation du monde » (XIII, 8). C’est là un passage qui porte un coup dur aux théologiens qui prétendent que Jésus est un homme fait dieu. En effet, il s’agit plutôt d’un dieu humanisé. L’Apocalypse ne mentionne rien sur la vie de Jésus, sinon qu’il est un être céleste. Ce texte annonce la venue prochaine du « Sauveur ». Cette absence d’éléments sur la « vie » de Jésus est une preuve irréfutable du fait que le christianisme n’existait pas au 1er siècle et que cet écrit était destiné aux juifs en lutte contre l’empire esclavagiste romain. Ce n’est donc pas un document chrétien. Voilà pourquoi il a eu des difficultés à être intégré dans le canon chrétien officiellement accepté par le ConciIe de Laodicée en 364.

Les épitres (lettres)

Les épitres n’exposent pas encore le récit évangélique de la « vie » de Jésus. De l’avis d’Engels : « Tout au moins dans leur rédaction actuelle, les Épitres sont postérieures à l’Apocalypse d’au moins 60 ans. » Et les recherches historiques ont grandement confirmé les affirmations d’Engels puisqu’elles démontrent que les Épitres ont été rédigées à partir de l’an 120.

C’est par une apparition que Paul « a connu » Jésus. Ce Paul est, selon les historiens, l’auteur de quatre de ces épitres : I et II Corinthiens, aux Galates et aux Romains. L’absence dans les épitres des paroles « prononcées » par Jésus est une preuve supplémentaire d’une composition postérieure des évangiles.

Les Évangiles

Les évangiles n’ont été rédigés qu’à la deuxième moitié du IIe siècle. En effet, comme l’admettent les exégètes catholiques modernes, Justin (mort en 160), le premier apologiste chrétien ne les connaissait pas. Justin connaissait ce qu’il appelle « les Mémoires des Apôtres ». De plus, les évangiles font allusion à la bataille de « Bar Kocheba » qui a eu lieu entre 132 et 136. Cette révolte a été provoquée par la décision de 1’empereur romain Adrien d’édifier sur l’ancien emplacement du temple de Jérusalem (détruit en 70) une statue païenne. Or, les évangiles parlent de cet acte de l’empereur Adrien que les juifs appelaient « l’abomination de la désolation » (Marc, XIII, 4).

D’où vient le nom des auteurs des évangiles ?

Le manichéen Fautus, un érudit du IIIe siècle, a écrit « Tout le monde sait que les évangiles n’ont été écrits ni par Jésus Christ, ni par les apôtres, mais longtemps après eux par des inconnus qui, jugeant bien qu’on ne les croirait pas sur des choses qu’ils n’avaient pas vues, mirent à la tête de leurs écrits des noms d’apôtres ou d’hommes apostoliques et contemporains. »

Plus tard, un des Pères de la secte catholique (née au IVe siècle de notre ère), Jean Chrysostome, écrit ouvertement : « Les noms d’auteurs n’ont été donnés aux évangiles qu’à la fin de l’Ile siècle. On leur a donné le nom de prétendus disciples de Jésus pour faire croire plus facilement à ces faux vécus. » Les aveux viennent de connaisseurs et en disent long. Tout le monde savait ces choses au IIIe et IVe siècle. Depuis lors ce savoir s’est bien effrité… Avec Fautus et Saint-Chrysostome appelons ces évangiles : pseudo-Marc, pseudo-Luc, pseudo-Mathieu et faux Jean.

Canonisation des évangiles

Quatre parmi les nombreux évangiles circulant à l’époque ont été canonisés au Concile de Laodicée de 324 et font ainsi partie officiellement de ce que l’on appelle le Nouveau- Testament. Ces quatre évangiles sont ceux des quatre sectes chrétiennes les plus puissantes qui avaient convoqué ce concile. Elles rejetèrent les évangiles des sectes rivales moins importantes comme les marcionites, les basilidiens, les valentiniens, les ébionites, etc., qui se référaient aux évangiles de Thomas, de Pierre et de Nicodème, etc.

 

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