Le christianisme et la femme
La Raison: Bulletin Rationaliste de Libre Critique, 1979, Volume 1, Numéro 5, pp. 1-11.
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L’Ancien Testament
Dans la légende des origines humaines qu’il rapporte, l’Ancien Testament attribue à la « première femme » le premier péché. L’Ecclésiastique déclare (XXV, 33) : « C’est par la femme que le péché a commencé. C’est à cause d’elle que nous mourrons tous. » C’est prétendument à cause de ce « péché », d’après la Bible, que Yahvé voue les femmes à la misère. Par exemple lors de la mise au monde d’un garçon, la mère sera impure durant sept jours, alors que pour une fille elle le sera pendant soixante-six jours (Levit. XII, 1-5). Dans la Bible, les filles comptent si peu qu’on ne les mentionne pas dans les descendances. Dans la Genèse (III, 16), Jéhovah place la femme sous la dépendance du mâle. Ce bon dieu s’adresse ainsi à Ève : « Je multiplierai tes souffrances, et spécialement celles de ta grossesse; tu enfanteras dans la douleur; ton désir se portera vers ton mari et il dominera sur toi. »
Les auteurs misogynes de la Bible relèguent la femme au rang du bétail. Ainsi le fiancé achète son épouse (Genèse XXIV, 53 et XXXIV, 12) et elle devient dès lors sa propriété : « Tu ne convoiteras pas la femme du prochain, ni son esclave, ni son bœuf, ni son âne, ni rien qui lui appartienne. » (Exode XX, 17 et Deutéronome V, 21). Depuis Lamech (un personnage mythique), les Hébreux pouvaient d’après la Bible répudier leurs femmes sous le moindre prétexte. Par exemple un plat trop cuit ou trop salé. On en arriva même à lapider la femme adultère ou la jeune épousée trouvée non vierge (Deut. XXII, 20- 21). Pour justifier ces absurdités, les auteurs de la Bible rabaissent intellectuellement la femme : « Elle est folle et bruyante. Elle ne sait rien. Elle est remplie de sottises. » (Proverbes IX, 13). Ce passage de l’Ancien Testament est tellement grossier et embarrassant qu’à présent dans bon nombre de traductions de la Bible on ne le trouve plus. Certains traducteurs ont dû utiliser toute leur imagination pour masquer ce verset. Pour sa partie Talmud, un autre livre sacré des Hébreux, déclare qu’i1 « vaudrait mieux briser les Tables de Loi que de les expliquer aux femmes. » Sur le plan moral, l’Ecclésiaste (VII, 26) prétend que la femme « est plus amère que la mort. » Et l’Ecclésiastique (XLII1 14) déclare : « Un homme méchant vaut mieux qu’une femme bonne. »
La doctrine biblique face à la femme se résume à son humiliation pour que les hommes puissent en disposer et en abuser. Yahvé lui-même en donne l’exemple par le harem qu’il organisa avec les trente-deux vierges madianites qu’il se faisait réserver à lui seul sur un total de trente-deux milles pucelles prisonnières (Nombres XXXI, 1-40). Yahvé est tellement cruel à l’endroit de la femme qu’il ordonne aux Hébreux par l’intermédiaire de Moïse de violer les femmes de ses ennemis : « Tuez tout mâle parmi les petits enfants et qui n’ont point connu la couche des hommes et tuez toute femme qui a connu un homme en couchant avec lui, mais laissez en vie pour vous toutes les filles qui n’ont point connu la couche des hommes (Nombre XXXI, 17-18). Il faudrait lire tout ce chapitre des Nombres pour voir comment ce dieu est misogyne, cruel, n’hésitant pas à faire massacrer même les enfants et les animaux. Et on nous parle encore du bon dieu.
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Le Nouveau Testament
Commençons par les nobles paroles de saint (?) Paul sur la femme : « Que les femmes soient soumises à leur mari comme au Seigneur, car le mari est le chef de la femme comme le Christ est le chef de l’Église, qui est son corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l’Église est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l’être à leur mari en toutes choses. » (Éphésiens, V, 22-24). Ou : « Je veux que vous sachiez cependant que le Christ est le chef de tout homme, que l’homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef du Christ. Tout homme qui prie ou qui prophétise la tête découverte déshonore son chef. Toute femme au contraire qui prophétise ou qui prie la tête non voilée déshonore son chef. C’est comme si elle était rasée. Car si une femme n’est pas voilée, qu’elle se coupe les cheveux. Or, s’il est honteux pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou d’être rasée, qu’elle se voile. L’homme ne doit pas se couvrir la tête puisqu’il est l’image et la gloire-de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. En effet l’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme a été créée à cause de l’homme. C’est pourquoi la femme, à cause des anges, doit avoir sur la tête une marque de l’autorité dont elle dépend » (1 Corinthiens, 11, 3-7).
Bien des fois les responsables religieux évoquent la présence des diaconesses pour dire que les femmes occupaient une très bonne situation dans l’Église chrétienne primitive. Hélas, la réalité est toute autre. Les diaconesses n’avaient aucun pouvoir magique. Leurs fonctions n’étaient pas du tout comparables à celles des diacres. Les diaconesses n’étaient que les femmes préposées au service du temple, au service des diacres qui en abusaient sexuellement durant les Agapes comme le rapportent des Pères de l’Église comme Tertulien, Cyprien, Saint-Jérôme, etc. Elles remplissaient des offices comparables à ceux des religieuses sacristines aujourd’hui… Comme toutes les autres femmes, les diaconesses n’avaient pas le droit de parole dans les églises : « Comme dans toutes les églises des saints, que les femmes se taisent dans les assemblées; elles n’ont pas le droit de parler. » (Corinthiens XIV, 34-35). Pire encore, en l’an 170 de notre ère, l’évêque Soter compare les diaconesses à la peste et il leur interdit d’approcher l’autel. Au XIe siècle, on ne trouve plus les diaconesses. De nos jours, face à la lutte des femmes, on souhaite dans certains milieux de la secte catholique le retour des diaconesses. Saint ( ?) Paul était non seulement un misogyne mais aussi un obsédé sexuel. Voici à ce sujet quelques passages de ses lettres : « Depuis notre arrivée en Macédoine, notre chair n’eut aucun repos » (Corinthiens VII 5). La chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit. Ils sont opposés l’un à l’autre, de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez » (Galates V, 17), « Je parle à la manière des hommes à cause de la faiblesse de votre chair » (Romains VI, 19).
Dans les évangiles, si le Christ s’entretient avec la Samaritaine (Jean VI, 7) et pardonne à la femme adultère (Jean VIII, 3), il reste très dur à l’égard de la femme et même à l’égard de sa mère : « femme, dit Jésus à sa mère, qu’y-a-t-il de commun entre vous et moi ? » (Jean II, 4). Un fils qui emploie une telle expression à l’endroit de sa mère n’est qu’un grossier personnage. Mais, prétend-on, c’est Jésus qui l’a dit, on doit l’accepter : la foi, c’est le comble de l’absurde. On trouve, dans les évangiles, d’autres formules méprisantes à l’égard de la femme : « il y avait environ cinq mille hommes sans compter les femmes et les enfants. » (Matthieu XIV, 21).
Quand la Bible veut humilier quelqu’un, elle l’appelle le « fils de la femme » (Job, XV, 14). C’est pour cela que Jésus est appelé « fils de l’homme » dans les évangiles (Luc VI, 5; Marc VIII, 31 et X, 33, etc.).
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Les pères de l’Église
Après l’apôtre Paul, nombreux furent les pères de l’Église qui jetèrent l’anathème sur la femme. Saint (?) Ambroise déclare : « La honte est attachée à la condition d’une femme mariée, puisqu’elle ne saurait acquérir la qualité de mère que par la perte de sa virginité. » (cité par l’abbé Guillon, Bibliochoix, vol. IX, p. 200).
Tertullien écrit : « femme, tu devrais toujours te cacher dans le deuil, en guenilles, offrant aux regards des yeux pleins de larmes de repentir pour faire oublier que tu as perdu le genre humain. Femme, tu es la porte de l’enfer. » Saint (?)
Jérôme dit à son sujet : « Tête de crime, arme du diable. Quand vous voyez une femme, croyez que vous avez devant vous non un être humain, pas même une bête féroce, mais un diable en personne. »
Saint (?) Jean de Damas, pour sa part, prétend que : « La femme est une méchante bourrique, un affreux ténia qui a son siège dans le coeur de l’homme; fille du mensonge, sentinelle avancée de l’enfer qui a chassé Adam du Paradis. »
Saint (?) Jean Chrysostome dit : « Souveraine peste que la femme, dard aigu du démon. De toutes les bêtes féroces, c’est la femme qui est la plus dangereuse ».
Saint (?) Cyprien écrit: « J’aimerais mieux entendre le sifflement du basilic que le chant d’une femme. »
Plus tard, l’une des têtes pensantes de la secte catholique du moyen-âge, Bossuet, nous dit : « Les femmes n’ont qu’à se souvenir de leur origine et sans trop vanter leur délicatesse, songer après tout qu’elles viennent d’un os surnuméraire. »
Désabusée par la science, Rome admit plus tard que cette côte est symbolique. Mais le fidèle est tout de même tenu de croire que la première femme fut formée du premier homme (Décret de la Congrégation biblique, 30 juin 1909). L’Église moyenâgeuse organisa la chasse aux prétendues sorcières. Le pape Innocent VIII (qui n’était pas si innocent) fit imprimer le livre Malleus Maleficarum qui indiquait aux Inquisiteurs comment chasser les sorcières. Des milliers de femmes furent violées et massacrées par les responsables religieux pendant la chasse aux prétendues sorcières. Les sectes protestantes avaient aussi leurs inquisiteurs. Luther fit massacrer des centaines de femmes pendant la révolte des paysans allemands.
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Les conciles
Le Ier concile de Tolède décréta en l’an 400, à son XIIIe canon : « si la veuve d’un évêque ou d’un prêtre ou d’un diacre prend un mari, que nul clerc, nulle religieuse ne s’associe avec elle à la même table. Que jamais elle ne soit admise à communier et qu’on ne lui accorde le sacrement qu’à l’heure de la mort. »
Le concile de Macon, en 585, au canon XVIe agita la question de savoir si la femme appartient à l’espèce humaine. D’ailleurs, ce n’est qu’au Concile de Trente, en 1565, qu’on accepte de donner une âme à la femme. L’évangile apocryphe de Thomas, datant comme les autres évangiles du IIe siècle, déclare qu’aucune femme ne peut aller au ciel, à moins qu’elle ne se transforme en homme.
Jusqu’au XVIe siècle tout le monde, même les papes, a admis qu’une femme avait été pape (la papesse Jeanne) au IXe siècle après la mort du pape Léon IV. À partir du XVIe siècle, les misogynes jésuites ont réussi à accréditer la thèse voulante qu’il s’agisse là d’une légende. Mais d’éminents historiens, qui ne sont pas tombés dans le piège des princes de la secte catholique, avancent des preuves des plus inattaquables du règne de Jeanne à la tête de l’Église catholique (Voir l’excellent livre d’un ancien prêtre, H. Perrodo-Le Moyne : Un pape nommé Jeanne).
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De nos jours
De nos jours encore le canon 1262 de la secte catholique interdit aux femmes d’entrer tête nue dans les églises et le pape considère toujours la voilette comme un symbole de modestie et de soumission. Il l’impose à toute femme qui visite le Vatican.
En 1923, plusieurs prélats d’Avila ont demandé à Rome que Thérèse d’Avila soit déclarée « docteur de l’Église ».Le Vatican leur a répondu que ce n’était pas possible parce qu’elle était une femme. Suite à de nombreuses pressions, en 1970, Paul VI lui accorda ce titre, mais il en profita pour rappeler que « les femmes doivent se taire dans l’Église ». Au cours des années 60, le secrétaire d’État du Vatican a refusé son agrément à la désignation d’une femme comme conseiller d’ambassade pour 1’Allemagne fédérale. De temps en temps « L’Osservatore Romano », journal officiel du Vatican, réitère la position de la secte catholique contre la prêtrise des femmes. Les quelques femmes admises au Concile Vatican II devaient se taire et écouter. La désignation officielle d’auditrices définissait parfaitement leur rôle.
L’hypocrisie de l’Église à l’endroit de la femme s’est concrétisée par un « événement » qui a eu lieu au Congo (l’actuel Zaïre) durant les années soixante. À cette époque, le Vatican, malgré son interdiction de l’avortement, fit avorter une vingtaine de religieuses en les faisant venir en cachette d’Afrique en Europe. Plus tard, malgré tout le verbiage de la presse bienpensante sur cette affaire, des journalistes impartiaux ont écrit que ce sont les curés colons qui ont violé les religieuses et non les Congolais comme l’a prétendu l’Église. La vie de certains missionnaires dans les pays sous-développés n’est que débauche. On n’a qu’à séjourner quelques jours dans ces pays pour le constater. Quand ce n’est pas le pillage des richesses de ces pays qui intéresse les impérialistes en soutane, ils en profitent sur d’autres points. On est loin là- bas des grands centres mondiaux, on peut se permettre de tout faire. Heureusement que les peuples de ces pays se soulèvent contre les impérialistes et la réaction locale.
Le Vatican interdit les contraceptifs, mais contrôle la société « Instituto Farmacologico Serona », en Italie, qui en fabrique. Le judéo-christianisme n’est pas la seule religion misogyne, elles le sont toutes plus ou moins. La misogynie des religions vient d’un fond commun : le subconscient du mâle et les conditions économiques, politiques et sociales. Loin de servir l’émancipation des femmes, le christianisme est un frein et souvent même provoque des reculs de cette émancipation. Par exemple, le canon 968 qui enlève aux femmes le droit à la prêtrise est un recul puisque dans des religions plus anciennes on retrouve des femmes à ce poste. Certains apologistes prétendent que la secte catholique a réhabilité la femme en la personne de la mythique Marie. Mais Marie, simple « créature », est surclassée par les divinités féminines telles que Isis, Cybèle, Vénus, Junon etc. Le culte de Marie a plutôt nui aux femmes par son caractère ambigu, car elle est à la fois vierge et mère, ce qu’aucune femme ne fut jamais. Nous savons que ce n’est pas le culte de Marie qui a réhabilité la femme, mais bien plutôt la lutte des femmes qui a inspiré à l’Église catholique le culte de Marie. Le clergé s’est sans doute instruit en génétique, mais il pense toujours, sans trop le dire, que la finalité de la femme est l’enfant : « Elle sera sauvée en devenant mère. » (1 Timothé II, 15). Peut-être que tous les clercs ne pensent pas de cette façon, mais on enseigne encore dans les séminaires que les plaisirs de l’amour n’ont qu’une fin : perpétuer la race humaine (Précis de théologie ascétique et mystique, par Tanqueray, p 691, éd. Desclée). Que d’absurdités enseignées dans les séminaires; le chanoine Lionel Groulx (admirateur d’Hitler et de Mussolini) l’avait déjà remarqué…
En 1968, l’encyclique « Humanae Vitae » condamnait l’usage de la pilule, du diaphragme et du stérilet. Seule la méthode très aléatoire du très catholique docteur Ogino échappe aux foudres du pape Paul VI. Et dire qu’au CEGEP de Saint- Jérôme on enseigne longuement aux futures infirmières cette méthode (on n’est pas sorti du bois). En 1973, le même pape s’engagea contre le divorce aux côtés de tout ce que l’Italie compte de conservateurs, de réactionnaires et de néo-fascistes. En 1976, la Congrégation pour la doctrine de la foi jetait l’anathème sur l’union libre. En 1977, le Saint- Office persistait à refuser aux femmes le droit au sacerdoce, et Jean-Paul II a réitéré tout cela dans sa campagne de promotion des derniers mois. L’actuel mégalomane du Vatican, en plus de condamner les contraceptifs, demande aussi aux religieuses de ne porter que les habits religieux. Rome, en interdisant les contraceptifs et l’avortement, traite les femmes en mineures et même en objet en niant nos droits sur nos propres corps.
Comment peut-on être femme et catholique ? À un degré moindre, la question se pose du reste de la même façon pour l’homme. Qui peut encore croire à l’humanisation de la morale traditionnelle, paternaliste, chauvine, mâle par essence, et à l’évolution de dogmes immuables par définition ? Depuis près de deux mille ans le christianisme se réfugie derrière « l’ordre moral » et la « loi naturelle » pour jeter l’opprobre sur la femme. Et qu’on vienne nous dire que le christianisme a émancipé la femme…! Femmes, levons-nous contre l’obscurantisme social et religieux !
NDLR Notre camarade Daniel Baril, diplômé des Sciences religieuses de l’UQAM, fait valoir qu’il croit, comme l’explique bien Wikipédia, que l’histoire de la papesse Jeanne est un mythe. J’ajoute que c’est bien dommage. Une papesse eût été un des moments les moins antipathiques de l’histoire de l’Église catholique. CB
Consultez le nouvelle archive de la revue La Raison: Bulletin de la Libre Pensée (1979-1984, les 28 numéros) sur le site internet de l’Association humaniste du Québec à l’adresse suivante : https://assohum.org/archives- de-la-revue-la-raison/
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