La communion, bestialité
La Raison : Bulletin Rationaliste de Libre Critique, 1979, Volume 2, Numéro 1, pp. 2-4.
Qui veut faire l’ange fait la bête. La chose est classique. Je vais parler de communion. Projeter un éclairage objectif sur leur mythe est toujours intolérable pour les chrétiens. Et pourtant, nous sommes tous des humains, les chrétiens comme les autres, et c’est à l’intérieur de cette condition humaine que se comprend, s’accepte ou se refuse ce qui est proposé à l’humanité. Il n’y a pas de doute que la communion, celle du prêtre et celle des fidèles, est le point culminant de cette cérémonie religieuse par excellence qu’est la messe. Les paroles : « Prenez et mangez, ceci est mon corps » « Prenez et buvez, ceci est mon sang. » Les actes : l’ingurgitation du pain et du vin. L’Église maintient et a toujours maintenu, au cours des siècles, qu’il s’agit vraiment du corps et du sang du dieu. Or, les mots voulant dire ce qu’ils veulent dire et les actes étant ce qu’ils sont, nous voici en présence d’une manifestation sans équivoque de cannibalisme, ni plus ni moins et rien d’autre. Une cérémonie qui étonne. Comment en est-on arrivé à valoriser si fort un tel rituel anthropophagique ? En principe, on devrait réserver à son dieu les témoignages les plus clairs de soumission, de respect, d’hommage et hypocritement d’amour puisqu’on n’aurait pas le choix.
Alors que vient faire le cannibalisme là-dedans ? Que dirait un maître d’un esclave qui pousserait la soumission et le dévouement jusqu’à vouloir le dévorer ? Lorsque je désire rendre hommage à quelqu’un, lui exprimer ma reconnaissance, lui manifester mon amour, je ne songe pas à l’ingurgiter. Le cannibalisme est-il la plus fine fleur que la civilisation humaine puisse produire ? Est-ce un comportement humain désirable ? Si oui, qu’attendons-nous alors pour nous dévorer les uns les autres ? Tant de prétention intellectuelle, tant de mépris de tout ce qu’est la vie humaine (si belle pourtant et la seule que nous ayons), tant de haine du corps ; pour en arriver à ça ?
On reste surpris devant tant de sauvagerie. La bête sauvage, plus féroce que les humains, se profile derrière l’angélisme chrétien. Le christianisme est loin de préconiser des comportements humains exemplaires, ici comme ailleurs. Je suis prêt à discuter pour ou contre le cannibalisme. Mais ce cannibalisme hypocrite, qui refuse de porter son nom, me répugne. Si j’étais croyant, je trouverais d’autres formes de relations avec mon dieu. Entre autres, la sexualité si horriblement mutilée et martyrisée par les chrétiens depuis toujours… On se demande, par ailleurs, comment les missionnaires expliquent la chose, la communion, aux vrais cannibales, qui, eux, devraient s’y reconnaître et n’avaient pas honte, eux, de pratiquer ce qu’ils prêchaient. On me dira finalement que Jésus est à l’origine de cette cérémonie. Je répondrai tout d’abord qu’il est facile de faire dire aux défunts ce qu’on veut leur faire dire (Marx et Mao, entre autres, en savaient quelque chose) et que l’accent mis sur telle ou telle chose qu’un défunt a pu dire ou faire de son vivant (un être humain dit et fait bien des choses dans sa vie) révèle plus la personnalité ou les obsessions des vivants que celles du défunt. De toute manière, Jésus, s’il a existé, souffrait d’aliénation mentale. Cet homme se disait dieu. Il n’y a pas de drame à ça, les hôpitaux psychiatriques en sont pleins. Les malades mentaux ont leur vie propre et leur propre conception des choses qui n’est pas en soi à mépriser. De là à baser toute une civilisation là-dessus, il y a une marge cependant.
Consultez le nouvelle archive de la revue La Raison: Bulletin de la Libre Pensée (1979-1984, les 28 numéros) sur le site internet de l’Association humaniste du Québec à l’adresse suivante : https://assohum.org/archives- de-la-revue-la-raison/
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