Revue de lecture -Le miracle de Spinoza de Frédéric Lenoir

par Juin 8, 2021Livres, Québec humaniste0 commentaires

MICHEL PION

MICHEL PION

Vice-Président et trésorier (président de 2010 à 2013)

Michel Pion est membre de l’AHQ depuis 2006, informaticien de profession il est membre du CA du l’AHQ depuis 2007 et a été l’instigateur principal de la campagne des « Autobus Athées » en 2009 et est à l’origine de la création du bulletin Québec humaniste.

« Ne pas se moquer, ne pas se lamenter, ne pas détester, mais comprendre. » Baruch Spinoza

Né en 1632 à Amsterdam et décédé à La Haye en 1677, Spinoza est considéré à juste titre comme un précurseur des lumières et même de la démocratie moderne. Certains historiens le considèrent comme un cartésien, autrement dit un disciple de Descartes [1]. Quoi qu’il en soit, sa vision d’une philosophie naturaliste et humaniste et sa critique de la religion, qui lui a valu d’être excommunié de sa
communauté juive pour hérésie, tout cela place Spinoza fort en avance des philosophes de son temps.

Toutefois, dans mon cas, mes efforts pour apprendre à apprivoiser Spinoza se sont heurtés à l’aridité de ses textes. Je dois confesser avoir eu beaucoup de difficulté à les apprécier. Peut- être est-ce la faute d’une traduction trop littérale, toujours est-il que l’effort requis avait émoussé mon enthousiasme.

Par un hasard chanceux je suis tombé sur cet ouvrage « Le miracle Spinoza – une philosophie pour éclairer notre vie » de Frédéric Lenoir [2] Dans ce livre, l’auteur, sociologue, écrivain et journaliste, partage avec nous sa découverte, non seulement de la philosophie avant-gardiste de Spinoza, mais aussi des épisodes de sa vie personnelle et de son époque.

Frédéric Lenoir réussit fort bien à nous faire connaitre Spinoza à travers ses pérégrinations suite à son rejet par sa communauté à cause de sa critique du judaïsme et par la suite de sa lecture critique de la Bible et ses écrits subséquents.

Mais le récit n’est pas que biographique, l’auteur nous amène avec lui à la découverte de Spinoza. Lenoir nous entraine dans un voyage à travers l’évolution de sa pensée philosophique et de ses ouvrages. Il s’attarde particulièrement sur « l’éthique » qu’il qualifie « d’un
guide vers la joie parfaite » [3]. Il cite le  philosophe Gilles Deleuze [4] qui a fort bien mis en lumière les trois personnages qui parcourent toutes l’ouvre de  Spinoza : L’esclave, le tyran et le prêtre. « Le premier est l’homme soumis à ses passions tristes, le deuxième est celui qui a besoin d’elles pour asseoir son pouvoir, le troisième s’attriste sur la condition humaine » [5].

Un peu plus loin dans un chapitre intitulé « Le dieu de Spinoza » Lenoir se pose la question : « Qu’entend-il (Spinoza) par Dieu? ». Je suis resté un peu perplexe sur ce chapitre. Il me semble que l’auteur (peut-être un croyant?) cherche à atténuer ce que j’ai toujours perçu comme l’athéisme « poli » de Spinoza en mettant l’accent sur certains passages de « L’éthique ». Selon Lenoir cela
ferait de Spinoza un croyant, mais davantage déiste. Cela reste un débat à faire entre philosophes, ce que je ne suis pas. Je me contenterai de rappeler la devise de Spinoza, inscrite sur son sceau « Caute, méfie- toi » [6]. Il y a par ailleurs dans la postface du livre un échange épistolaire fort intéressant justement sur cette question avec Robert Misrahi [7] philosophe français et spécialiste de Spinoza.

Mais, malgré ce qui précède, je vous recommande fortement la lecture de ce passionnant ouvrage si comme moi vous désirez vraiment partir à la découverte de Spinoza. Ce livre est le véhicule parfait. La lecture en est agréable, comme un roman, et cela demeure une
magnifique introduction à la pensée, la philosophie et la vie d’un philosophe qui reste un précurseur incontournable de notre humanisme moderne.

Lenoir, F. (2017). Le miracle Spinoza – une philosophie pour éclairer notre vie. Paris : Fayard, 224 pages 

Baruch Spinoza
(1632-1677)

Chez Spinoza, il n’y a aucun Dieu, pas de libre arbitre, pas de transcendance humaine, pas de miracles, pas de bien ni de mal en soi, pas de dignité humaine, pas de raison intrinsèque d’aimer les humains plus que n’importe quel autre objet de l’univers. Plusieurs
auteurs ont traité la philosophie de Spinoza d’anti-humanisme.

Si humanisme il y a chez Spinoza, c’est sa croyance à l’auto-préservation comme propriété courante de la vie, et par extension au vivre ensemble démocratique comme forme dominante et efficace d’auto- réservation chez l’humain, et finalement à la bonne vie et la vie bonne, particulièrement JOYEUSE, comme ultime extension souhaitable de cette même pulsion.

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