« Travail du sexe » : Zéromacho dénonce une imposture
Appeler « travail » ce que subissent les personnes dans la prostitution, c’est légitimer un système de domination, de violences et d’oppression.
« Travailleuses du sexe » : cette appellation se répand pour désigner les femmes qu’on nommait « prostituées » au siècle dernier. Les caissières sont bien devenues des « hôtesses de caisse », et les femmes de ménage des « techniciennes de surface » : est-ce le même type d’euphémisme ? En parlant de « travailleuses du sexe », beaucoup s’imaginent faire preuve de respect envers ces personnes, sans voir que d’autres ont intérêt à normaliser une situation archaïque d’enfermement des femmes pour accroître leurs propres profits.
Pour signifier « prostituée », les mots imagés ont de tout temps abondé : soit des euphémismes, « fille de joie » ou « dame de petite vertu », soit des injures, « sac à foutre », « traînée » ou « pouffiasse ».
De nos jours, coexistent « pute » (et sa variante « putain »), « prostituée », « personne prostituée », « personne en situation de prostitution » et « travailleuse du sexe » ; le sigle aseptisé TDS déshumanise ces personnes (comme pour les SDF), en même temps qu’il banalise et dispense de tout questionnement.
Certaines choisissent de choquer en se désignant comme des « putes » (en anglais sluts ou whores). Au contraire, l’expression « personne en situation de prostitution », due à des travailleurs sociaux, a pour but d’éviter un marquage identitaire, en insistant sur le caractère temporaire de la situation.
L’expression « sex work » (« travail du sexe ») a été forgée dans les années 1970 aux États-Unis dans le but de normaliser un marché particulièrement lucratif dans un système ultra-libéral. S’accompagnant à l’origine d’une revendication de dignité, « sex work » et « sex worker » s’appliquent uniquement aux personnes prostituées. Un gynécologue n’est pas un « travailleur du sexe » !
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Zéromacho conteste l’assimilation de la prostitution à un travail. Qualifier la prostitution de « travail », c’est occulter la double domination, à la fois capitaliste et machiste, qui s’y exerce. Les proxénètes et trafiquants qui organisent ce marché en tirent des revenus considérables : les prostitueurs (appelés complaisamment « clients », ce qui valide une analyse purement économique de la « transaction ») se voient reconnaître le droit d’imposer un acte sexuel à une personne recrutée parmi les plus vulnérables, le plus souvent arrachée par la misère à son pays, à sa famille, après avoir été conditionnée à subir son sort tout au long d’un passé de violences et de maltraitances machistes.
Quelle cause sert-on en employant l’expression « travail du sexe » ? Si l’exigence de la dignité qu’essaient ainsi de sauvegarder des personnes prostituées peut se comprendre, la vigilance s’impose quant aux manœuvres d’un lobby international qui n’a jamais été aussi puissant.
Confondre « travail » et « prostitution », deux réalités qui ont chacune leur histoire et leurs images, c’est vouloir faire oublier le fondement du système prostitueur : la violence, omniprésente, qui serait « blanchie » par la magie d’un billet.
Employer l’expression « travail du sexe », c’est banaliser et normaliser l’exploitation sexuelle des femmes les plus précaires, ce à quoi a abouti la légalisation des bordels en Allemagne ou aux Pays-Bas. Les femmes dans la prostitution sont, dans leur très grande majorité, sous l’emprise de proxénètes et sous la coupe de réseaux criminels organisant la traite internationale d’êtres humains. Appeler « travail » ce qu’elles subissent, c’est légitimer un système de domination, de violences et d’oppression.
Subir des pénétrations à répétition, endurer insultes, humiliations, agressions (toutes les enquêtes montrent que les clients-prostitueurs sont les premiers à exercer des violences contre les personnes prostituées), vivre en permanence dans la méfiance et la peur, est-ce un travail ? Quel serait ce métier fondé sur des discriminations (âge, couleur de peau, mensurations), ainsi que sur des mots et des gestes qui constituent un harcèlement sexuel permanent ?
Telle est pourtant la logique du processus engagé chez ceux de nos voisins européens qui, en voulant légaliser la prostitution, ont en réalité légalisé le proxénétisme, donc le commerce du sexe des femmes, et ont donné à des tenanciers, promus « managers du sexe », un pouvoir sans précédent. En Allemagne, des agences pour l’emploi ont proposé ce « travail » à des chômeuses.
Au contraire, en France, la loi de 2016, inspirée de la loi suédoise entrée en vigueur en 1999, représente un immense progrès : elle considère les personnes dans la prostitution comme des victimes à aider, et réprime les hommes qui leur achètent un acte sexuel ; en 4 ans, 5 000 prostitueurs ont dû payer une amende ou participer à un stage de sensibilisation, au même titre que des auteurs de violences conjugales.
Rapprocher la prostitution du métier de masseuse, c’est confondre le soin, indispensable à l’ensemble des humains, et l’excitation sexuelle, au bénéfice de certains hommes : une différence, non de degré (plus ou moins pénible), mais de nature. En outre, toutes les activités impliquant un paiement ne sont pas des métiers, par exemple dealer de drogue.
« La prostitution n’est pas une idée, écrit Andrea Dworkin. C’est la bouche, le vagin, le rectum, pénétrés d’habitude par un pénis, parfois par des mains, parfois par des objets, pénétrés par un homme et un autre et encore un autre et encore un autre et encore un autre. Voilà ce que c’est. » (Pouvoir et violence sexiste, trad. Martin Dufresne, Sisyphe, Montréal, 2007)
L’acte de pénétration est en soi violent, quand il est imposé par la contrainte de l’argent. C’est une effraction que subit la personne jusque dans l’ultime refuge qu’est son intimité ; rendue possible par son état de dissociation psychique, cette effraction a des conséquences traumatiques désormais bien documentées.
L’argent n’efface pas la violence. Il n’existe pas de droit à la sexualité qui s’imposerait sans tenir compte d’autrui. De même, le désir d’enfant ne crée pas de droit à l’enfant pour des couples louant l’utérus d’une femme pauvre.
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La prostitution n’est ni du sexe, ni du travail : c’est de la violence. En achetant le silence de la personne à laquelle il l’inflige, le prostitueur lui interdit de la dénoncer.
Partout dans le monde, des syndicats (en France, la CGT notamment) s’opposent à la confusion imposée par le lobby proxénète entre travail et exploitation prostitutionnelle.
Dans un monde de justice et d’égalité, la sexualité sera une rencontre et un dialogue entre deux désirs d’adultes.
La sexualité, reconnue comme un élément important d’identité pour les hommes prostitueurs, l’est tout autant pour les personnes en situation de prostitution. Celles-ci ne défendront leurs droits qu’en refusant d’être expropriées de leur sexualité, de leurs désirs et de leurs plaisirs, et en affirmant leurs compétences dans tous les champs de la société. Autant de démarches qui leur sont impossibles tant qu’elles sont enfermées dans le système prostitueur, et tant que la société les y maintient en acceptant que les violences qu’elles subissent soient qualifiées de « travail ».
Cordialement, Les responsables de Zéromacho
à compléter par la vidéo de Daria Khovanka (ci-dessous)
Avec une qualité pédagogique exceptionnelle, elle explique pourquoi l’expression « travail du sexe » est un contresens dangereux. La prostitution n’est pas un travail, mais un système de contraintes et de violences.
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