Réchauffement climatique : beaucoup de manifestations, mais bien peu de solutions efficaces proposées
Michel Belley
Membre de l'Association humaniste du Québec
Michel Belley a déjà siégé au CA de l’AHQ. Il est actuellement le président des sceptiques du Québec.
On assiste présentement à un éveil mondial face au problème du réchauffement climatique, avec des manifestations étudiantes dans la plupart des pays. C’est une manière efficace de favoriser une prise de conscience face à nos émissions de gaz à effets de serre (GES), soit le gaz carbonique (CO2) et le gaz naturel (méthane). Cependant, les solutions proposées, quand il y en a, sont pour la plupart inefficaces.
La situation mondiale
Il faut d’abord reconnaitre que la population mondiale est en croissance, et que les pays en développement s’industrialisent. La consommation mondiale est donc en croissance, et cette croissance ne s’arrêtera pas. Il serait tout à fait irréaliste de demander aux pays en voie de développement d’arrêter leur industrialisation pour aider à régler le problème du réchauffement climatique. De plus, tous les efforts faits par les pays développés peuvent être annulés rapidement par la croissance de la Chine et de l’Inde. Les solutions efficaces au réchauffement doivent pouvoir s’appliquer à tous les pays, sans que cela coûte trop cher.
Par ailleurs, ce sont les sociétés les plus riches qui se préoccupent davantage de l’environnement. Comme le souligne bien Steven Pinker [1] : « À mesure que les sociétés s’enrichissent et que les gens ne pensent plus qu’à mettre de la nourriture sur la table ou un toit au-dessus de leur tête, leurs valeurs progressent dans la hiérarchie des besoins et leurs préoccupations s’étendent dans l’espace et le temps. » De même, selon l’Environmental Performance Index, plus riche est un pays, en moyenne, plus propre sera son environnement. Même Indira Gandhi reconnait que « la pauvreté est le plus grand pollueur. »
L’une des solutions proposées pour diminuer nos émissions de CO2 est de diminuer notre consommation. Par contre, pour que l’effet sur le climat soit efficace, il faudrait diminuer cette consommation d’au moins 50 %, ce qui créerait une récession mondiale et une augmentation de la pauvreté. Ainsi, le problème ne ferait que s’amplifier, avec une augmentation des naissances et une diminution des préoccupations environnementales.
Dans le monde, les combustibles fossiles génèrent 86 % de l’énergie1. C’est 76 % pour le Canada [2] et 51 % pour le Québec [3]. Si on veut vraiment diminuer les émissions de CO2, il faut s’attaquer à la source : il faut remplacer cette énergie fossile, utilisée pour générer de l’électricité, chauffer les bâtiments, se déplacer, etc.
Les sources d’énergie
Quelles sont les alternatives ? 1) L’énergie hydroélectrique, 2) les énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire et 3) l’énergie nucléaire. Au Québec, nous sommes champions de l’hydroélectricité. Elle ne génère pas de CO2, en dehors de l’énergie nécessaire à la construction des centrales. Par contre, les bassins de rétention d’eau génèrent une certaine quantité de méthane, un gaz ayant un effet de serre plus important que le CO2, par décomposition de la matière organique au fond des lacs.
Les énergies éoliennes et solaires sont de plus en plus développées dans le monde. Les problèmes majeurs avec ces sources d’énergie, ce sont leur variabilité en fonction du temps, leur faible rendement, et les très grands espaces nécessaires. Par exemple, une centrale solaire peut facilement couvrir de panneaux des étendues de près de 10 km2, créant ainsi un véritable désert où la vie est absente. Finalement, par temps calme ou nuageux, d’autres sources d’énergie doivent être disponibles, ce qui favorise le recours au charbon ou au gaz naturel. Selon Shellenberger, à cause de ces limitations, le recours aux énergies solaires et éoliennes est tout à fait inefficace pour diminuer notre empreinte carbone [4].
Reste le nucléaire, qui fait peur à bien des gens, à cause de quelques accidents nucléaires graves qui se sont produits au fil des ans (Tchernobyl et Fukushima). Par contre, lorsqu’on analyse les effets de la pollution de l’air et des accidents liés aux différentes sources d’énergie sur la mortalité, on s’aperçoit que, par quantité d’énergie produite, l’énergie nucléaire est, de loin, la plus sécuritaire [4].
Les centrales nucléaires sont aussi celles qui demandent le moins de matériaux et le moins d’espace. De plus, elles ne rejettent pas de polluants dans l’environnement : les produits radioactifs sont entreposés. Par ailleurs, comme avec toute nouvelle technologie, les ingénieurs ont pris des leçons des accidents passés, et des centrales de troisième ou quatrième génération, plus sécuritaires, peuvent être développées.
Bien sûr, cette solution n’est pas parfaite, mais c’est, de loin, la meilleure que nous ayons. Elle est applicable au niveau mondial, et cela pourrait permettre une diminution très appréciable des gaz à effet de serre. De plus, les recherches effectuées présentement sur la filière nucléaire au thorium promettront de réduire énormément les quantités de déchets radioactifs ainsi que leur temps d’entreposage [4].
Le cas exceptionel du Québec
Finalement, on doit souligner l’exception du Québec, qui produit une bonne part de son énergie avec l’hydroélectricité. Au Québec, le transport compte pour 43 % du bilan de GES [6]. Ceci inclut le transport des marchandises (28 % de ce 43 %), celui des personnes par automobile et camions légers (42 % de ce 43 %), et le transport aérien des voyageurs (15 % de ce 43 %) [6]. Le transport routier des personnes représente donc 18 % des émissions de CO2.
L’utilisation de voitures électriques au Québec pourrait permettre de diminuer cet impact, ce qui n’est pas le cas dans le reste du monde, où l’électricité est générée à partir de combustibles fossiles. Cependant, comme les voitures sont utilisées pendant plus de 10 ans (230 000 km en moyenne en 2004) [7], le remplacement du parc automobile demandera beaucoup de temps. Si on n’achetait, à partir d’aujourd’hui, que des voitures électriques au Québec, la diminution des GES n’atteindrait qu’environ 1 % par année. Pour le transport des marchandises, responsable de 12 % des émissions, le développement de véhicules électriques ou hybrides pourrait aussi éventuellement permettre une certaine amélioration.
Le gaz naturel et les industries
Au Québec, le chauffage des bâtiments est responsable de 11 % des émissions de GES [5]. Comme ces dernières se font par combustion de gaz naturel, de bois et d’huile à chauffage, remplacer ces modes de chauffage par des fournaises et des chauffe-eau électriques permettrait d’obtenir assez rapidement une diminution substantielle de nos émissions de CO2. C’est ça qu’on pourrait attaquer en premier lieu !
Finalement, l’industrie produit 30 % des GES au Québec, dont la moitié provient de procédés industriels et l’autre moitié de la combustion [5]. Curieusement, on en parle peu, et pourtant, c’est la deuxième source la plus importante de GES, après le transport. Néanmoins, c’est dans ce secteur que les diminutions de GES ont été les plus importantes au Québec (26% de 1990 à 2016) [5].
La taxe sur le carbone
Finalement, pour favoriser les changements, rien ne vaut une taxe carbone incrémentielle, mais elle doit être suffisamment élevée pour que les gens et les industries abandonnent les gros véhicules énergivores, le chauffage au gaz naturel et au bois, les procédés industriels producteurs de GES, etc. De plus, cette taxe doit être utilisée pour le développement d’énergies plus propres, en priorité pour la construction de centrales hydroélectriques et nucléaires. Ce n’est qu’une fois qu’on a de l’électricité produite sans émission de CO2 que l’électrification des transports, du chauffage des bâtiments et de certains procédés industriels énergivores pourra être le plus efficace pour diminuer les émissions de GES.
Références
- Steven Pinker, Enlightenment now; the case for reason, science, humanism and progress, 2018
- Ressources naturelles Canada,
https://www.rncan.gc.ca/energie-emissions-gaz-effet-serre-ges/20074
- État de l’énergie au Québec, http://energie.hec.ca/wp-content/uploads/2018/12/EEQ2019_WEB.pdf
- Michael Shellenberger, Why Renewables Can’t Save the Planet, TedXDanubia, 4 Jan 2019
- Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2016 et leur évolution depuis 1990 http://www.environnement.gouv.qc.ca/changements/ges/2016/inventaire1990-2016.pdf
- Ressources naturelles Canada, http://oee.rncan.gc.ca/organisme/statistiques/bnce/apd/showTable.cfm?type=CP§or=tran&juris=qc&rn=8&page=0
7. La Facture, 2004, https://ici.radio-canada.ca/actualite/v2/lafacture/niveau2_4676.shtml
Eunice Newton Foote (1819-1888)
Découvreuse du risque planétaire de réchauffement à effet de serre par le CO2
Enice Newton Foote, née au Connecticut et ensuite établie dans l’État de New York, fut la troisième membre féminine de la American Academy for the Advancement of Science. Elle fut féministe militante, chercheure en physique expérimentale, et entrepreneure. En expérimentant sur l’effet du soleil sur divers gaz, elle découvrit l’effet de serre propre au gaz carbonique et affirma dans un compte rendu publié que l’introduction massive de carbone dans l’atmosphère engendrerait un réchauffement alarmant de la planète. Sa recherche fut présentée oralement à la AAAS par un collègue masculin et son avertissement prémonitoire fut ignoré.
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