Pour une vision bio-psycho-sociale de l’humanisme
Dr. Christian Gélinas*
littérature médicale de sections sur le surnaturel, le divin, ni sur les conséquences d’une vie après la mort. J’ai l’obligation de changer ma pratique si les données probantes ou les consensus d’experts changent à cause des recherches scientifiques. Depuis 2019, j’ai même une obligation déontologique de faire de la formation médicale continue et d’analyser ma pratique pour qu’elle corresponde aux données probantes de la science médicale. Je dois donc garder l’esprit ouvert aux changements et j’ai une obligation d’introspection. Mon code de déontologie m’oblige aussi à respecter les libertés individuelles. Je ne peux rien imposer aux patients, sauf exception. Je dois aussi respecter les croyances religieuses et pseudo-scientifiques de mes patients, sauf exception, tout en ayant le devoir de faire de l’éducation, ce qui est difficile à concilier.
Ma formation m’a appris à voir l’humain à travers une vision globale, une vision holistique que l’on nomme le modèle bio-psycho-social. Je me rappelle qu’un de mes livres de médecine s’intitulait: « Psychiatrie clinique. Une approche bio-psycho-sociale ». C’est d’ailleurs un psychiatre qui a inventé ce concept. Bien que j’aie reçu de l’enseignement sur les problèmes psycho et sociaux des humains, j’ai choisi une branche de la médecine où le côté bio est plus prépondérant. J’ai des confrères qui ont choisi de s’occuper plus du côté psycho, comme les psychiatres, et d’autres de s’occuper plus du côté social comme les médecins en santé publique.
L’écrivain Jean-Paul Sartre était athée et il a écrit cette phrase: « L’enfer, c’est les autres ». Cette phrase célèbre n’est vraie que partiellement. Pour moi, l’enfer c’est la souffrance, surtout les souffrances graves et chroniques. Je côtoie la souffrance humaine, aiguë ou chronique, tous les jours dans mon travail et je puis vous confirmer que la souffrance est d’origine biopsycho-sociale. Les maladies physiques et les traumatismes occasionnent des souffrances physiques (bio). Les maladies mentales et les problèmes de perception de la réalité occasionnent des souffrances morales (psycho). Les conflits avec les autres (violence, intimidation, misogynie, homophobie, pauvreté, pollution, guerre, etc.) occasionnent des problèmes sociaux (sociale). En corrigeant Jean-Paul Sartre, je dirais ceci: « L’enfer, c’est la souffrance. La souffrance est bio-psycho-sociale ».
L’approche bio-psycho-sociale est là pour me rappeler un fait très important: le bio, le psycho et le social sont interreliés. Une simple fracture aura des conséquences sur le psycho (stress, anxiété) puis sur le social du patient (absence du travail, perte de revenu familial). Un problème social pourra causer une dépression ou de l’anxiété (psycho) ce qui aura des répercussions sur la santé physique du patient (bio) à court et long terme. L’association humaniste (ASSOHUM) a un discours axé principalement sur un problème social
important : les religions. Une des raisons d’être de l’ASSOHUM est de favoriser la laïcité et la disparition pacifique des religions parce qu’elles sont basées sur des croyances qui ne sont pas basées sur des données probantes des sciences et parce qu’elles causent des souffrances bio-psycho-sociales, souvent sans s’en rendre compte. Les croyants ne réalisent pas les conséquences de leurs croyances tant qu’ils ne sont pas confrontés aux obstacles de la réalité ou qu’ils n’ont pas à s’occuper des souffrances causées aux autres par leur système de croyances. J’aime présenter l’exemple de Pierre Elliott Trudeau, ministre de la Justice en 1967, qui a fait adopter une loi décriminalisant du même coup le divorce, l’avortement et l’homosexualité. Il a corrigé des lois écrites il y a des décennies par des parlementaires, en accord avec leur système de croyances religieuses, qu’ils avaient imposées à toute la société canadienne. Trudeau a pu ainsi aider à prévenir beaucoup de souffrances bio-psycho-sociales reliées à l’interdiction du divorce, de l’avortement et de l’homosexualité. Il a fait de l’humanisme à ce moment-là.
Comme je l’ai mentionné, ma pratique médicale est très axée sur le bio, c’est-à-dire sur la santé physique des patients. J’ai un rôle surtout curatif, mais mon code de déontologie me demande aussi de promouvoir les saines habitudes de vie tout en respectant le choix de mes patients de ne pas appliquer ce que je leur recommande. Un des aspects les plus importants des saines habitudes de vie est l’exercice physique. Les données probantes de la science démontrent que l’exercice physique pratiqué régulièrement améliore la santé physique des personnes, augmente l’espérance de vie, surtout l’espérance de vie en bonne santé. Elle a aussi des impacts importants sur la santé mentale des individus. Les personnes en bonne santé physique et mentale ont un impact positif sur la société. Il n’y a pas de place dans ces recommandations pour le surnaturel et d’ailleurs l’exercice physique n’est pas mentionné dans les révélations divines des religions, du moins celles que je connais. L’exercice physique n’est pas une activité à ajouter à nos journées chargées, mais doit être une façon de vivre autour de laquelle tourne le reste de notre vie. Il ne s’agit pas ici de promouvoir la participation à des compétitions, mais de promouvoir une vie active physiquement et quotidiennement.
En parcourant le site internet de l’association des humanistes du Québec, j’ai lu les principes directeurs de l’association. J’ai eu un déclic en lisant l’article 7 des principes directeurs de l’ASSOHUM. Cet article mentionne la créativité, l’art, comme élément important du développement humain, ce que j’applaudis, car cela s’inscrit dans la promotion de la santé psycho du modèle bio-psycho-social. Mais il n’y a pas de référence claire à la santé physique dans les principes directeurs de l’association, c’est ce qui a déclenché mon intérêt à écrire cet article. J’ai constaté que le côté bio, la santé physique, n’est pas franchement mentionné sur le site de l’association, bien que sous-entendu. J’écris donc ce texte en espérant que l’ASSOHUM inscrive un jour dans ses principes directeurs une référence au modèle bio-psycho-social parce qu’un des buts de l’humanisme est de lutter contre toutes les sources de souffrances bio, psycho et sociales et qu’elle fasse aussi une référence à la santé physique et aux saines habitudes de vie comme éléments importants au bonheur de tous les humains.
En attendant un prochain article : « BONNE SANTÉ BIO-PSYCHO-SOCIALE »
Références :
-Dr Pierre Lalonde, Dr Georges-F. Pinard et leurs 200 collaborateurs, Psychiatrie clinique, Approche biopsycho-sociale, 4e édition, « Tome I, Introduction à la psychiatrie, déterminants bio-psycho-sociaux, syndromes cliniques et organisation des soins », « Tome II, Spécialités psychiatriques et traitements », 1801 pages (plus annexes), Chenelière Éducation, Montréal, 2016.
-Collège des médecins du Québec. 2017. Code de déontologie des médecins. http://www.cmq.org/page/fr/ code-de-deontologie-des-medecins.aspx
-Société canadienne de physiologie de l’exercice. 2018. Directives canadiennes en matière d’activité physique à l’intention des adultes âgés de 18 à 64 ans et de 65 ans et plus. https://csepguidelines.ca/fr/
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