Michel Virard
Président de l'AHQ
Michel Virard est un des fondateurs de l’AHQ en 2005 avec Bernard Cloutier et Normand Baillargeon. Ingénieur et entrepreneur, il a également été administrateur des Sceptiques du Québec. il est depuis les tout débuts l’une des âmes dirigeantes de l’AHQ.
En 2012 j’avais fait une conférence sur les différentes sortes d’immortalité que les humains envisagent. S’il y a un trait commun aux religions, c’est la croyance au surnaturel. Cette conviction qu’il existe un ou des mondes invisibles, imperceptibles depuis notre monde mais bizarrement influents sur notre destinée, est partagée encore aujourd’hui par une large majorité d’humains.
Conséquence imprévue de notre désir de survie, cette croyance au surnaturel a engendré une kyrielle de mythe allant de la survie d’une sorte d’«essence» après la mort à une résurrection en bonne et due forme de notre corps terrestre. Le désir de survivre est si fort qu’il conduit des êtres normalement raisonnables à ignorer l’invraisemblance de ces mythes et même à rationaliser l’absurde si nécessaire et, parfois pire, à persécuter ceux qui ne les suivent pas dans leurs croyances.
Quand ils sont face à la mort, les Humanistes séculiers se privent donc eux-mêmes d’une consolation importante, car la certitude d’une vie après la mort peut certainement adoucir l’approche du trépas, je ne le conteste pas. Toutefois il existe aussi des moyens raisonnables de diminuer cette anxiété et ils ne font nullement appel au surnaturel. On peut penser à la philosophie, par exemple. Mais il y a plus. Je veux parler d’une chose qui nous survit après la mort. Je l’ai appelée «persona» car elle ne correspond pas nécessairement à notre «moi véritable», toujours aussi insondable, mais plutôt à l’image que nous projetons dans l’esprit de ceux que nous côtoyons. J’appelle «persona» cette image composite formée par l’ensemble des impressions que nous avons laissées dans l’encéphale de ceux que nous avons côtoyés depuis notre naissance et qui sont encore vivants. De plus, j’englobe dans cette persona tous ces documents physiques qui ont enregistré une parcelle de notre «moi» à un moment où à un autre.
Il va de soi qu’une partie de cette persona va disparaitre avec les êtres vivants qui vous ont connu, mais il va rester la partie matérielle de la persona laquelle va demeurer pour longtemps. Ainsi, l’ensemble des traces enregistrées numériquement vont demeurer accessibles aussi longtemps que l’humanité maintiendra une civilisation assez technicienne pour conserver ces documents. Avec l’apparition des moyens de stockage numérique, tout document comme lettres, photos, films, se trouve potentiellement à avoir une durée de vie illimitée. L’impossibilité de détruire toutes les copies d’un simple courriel donne une idée de ce changement fondamental dans la survie d’une persona.
De fait l’infosphère qui s’est développée depuis la mise en place d’Internet nous offre aujourd’hui une forme d’immortalité, sinon de nous-mêmes, du moins de nos personas.
L’existence d’une persona «persistante», en lieu et place d’une véritable immortalité de notre corps, a des conséquences sur la façon dont les humains, et pas seulement les Humanistes, envisagent leur mort. Elle les conduit à réfléchir à ce qu’ils veulent laisser comme persona aux générations suivantes et en particulier à leurs propres descendants. L’histoire de leur vie est, en soi, un sujet susceptible de fasciner les descendants, et même bien des gens au-delà de la famille immédiate. Cependant cela réclame une action de leur part car rassembler les documents de leur vie, souvent épars, pour en faire un tout cohérent ne se fera pas tout seul. De plus, s’ils veulent laisser une persona aussi vivante que possible, ils devront enregistrer de vive voix l’histoire de leur vie et, pour cela, il vaut mieux ne pas attendre trop tard.
Il existe maintenant une grande diversité d’organismes et d’entreprises qui ont pour fonction globale la conservation des «histoires de vie», puisque c’est souvent comme cela qu’on les appelle. J’ai répertorié dans le monde francophone plusieurs actions dans ce sens, initiées à partir de contextes fort différents. Par exemple, on trouve une association, «Pour mémoires», qui propose de l’animation d’ateliers d’écriture au sein d’établissements d’hébergement pour personnes âgées.
On trouve aussi des entreprises commerciales de vidéo initialement dédiées aux vidéos de mariage ou encore des événements corporatifs et qui font maintenant de la vidéo des histoires de vie. Voir https://familylinevideo.com/
Au Québec, il existe un Réseau québécois pour la pratique des histoires de vie qui se veut une ressource pour ceux qui oeuvrent dans les productions biographiques.
Pour ma part, j’ai créé immortels.ca un service visant spécifiquement à concevoir des vidéos qui reproduisent une persona, que ce soit pour une personne vivante, avec entrevue filmée, ou pour une personne décédée, à partir des documents disponibles. Pour ceux que cela intéresse, vous pouvez discuter de ce genre de projet ainsi que des techniques utilisées sur la page Facebook de immortels.ca. J’y réponds régulièrement aux questions des lecteurs.
Michel Virard – Juillet 2019
Pour faire face à l’anxiété de disparaître cette phrase simple un jour m’est venue à l’esprit: « d’autre après moi verrons passer les oies ». Il s’agit ici d’abandons du moi et d’appartenance à plus grand que soi; l’humanité. Vu de loin comme ça cela semble facile, nous verrons bien au seuil si cela sera suffisant pour calmer la peur.