La gestion des vêtements et des signes portés par les employés de l’État relève du DEVOIR de RÉSERVE

par Mai 11, 2019actualités, Laïcité, Québec humaniste0 commentaires

CLAUDE BRAUN

CLAUDE BRAUN

Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"

Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque"  et est depuis quelques années l'éditeur en chef  de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec  les compliments de l'auteur.

Des commentateurs sur la laïcité au Québec oublient qu’il y a un principe qui englobe les signes religieux. Ces derniers ne devraient, à mon avis, même pas figurer dans une loi sur la laïcité. Ce principe est le « devoir de réserve ». Il ne faut pas oublier que personne n’est OBLIGÉ de devenir fonctionnaire de l’État, ou représentant accrédité de l’État. Une fois que l’on décide que l’on veut servir la population en tant que représentant ou membre de l’État, on est l’État et on s’engage dans le mandat citoyen de l’État. À ce titre , on a un devoir de réserve.

Le devoir de réserve est sur une échelle doublement glissante :

1. Plus on a de pouvoir en général, plus on doit avoir de la réserve. Par exemple, les juges du Québec ont un important devoir de réserve qui est officiellement reconnu et imposé légalement.

2. Plus l’interaction spécifique et ponctuelle entre l’employé de l’État et le citoyen est impactant pour le citoyen, plus le devoir de réserve s’applique.

Dans ce cadre, on comprend que l’expression politique doit être assujettie au devoir de réserve, L’expression religieuse aussi, ainsi que toute expression portant gravement atteinte à la mission de l’État.

Le syndicat des policiers de Montréal a inventé un moyen de pression sur l’employeur (gouvernement Couillard) sans perte de salaire et sans grève : rendre le service ridicule par un habillement de clown.

Le principe du « devoir de réserve » est extrêmement intéressant. C’est pourquoi j’ai fait un essai sur ce sujet dans un des derniers QH. Ce principe recouvre toute une série de valeurs comme la précaution, l’imputabilité, la solidarité, l’intérêt public, l’universalité du rôle de serveur du peuple, la nature de l’État, etc. Le principe est beaucoup plus riche, et beaucoup plus intelligent et pertinent qu’une loi interdisant explicitement les seuls signes religieux. Il prévient TOUTE forme de provocation flagrante, pas seulement religieuse. Ainsi, cela règle le cas de TOUS les hurluberlus qui voudraient déstabiliser et détériorer le travail des autres fonctionnaires du gouvernement et représentants de l’État ou intimider le public desservi par eux.

Par exemple, il ne sera pas permis :

1 De laisser pousser ses cheveux pour qu’ils traînent à terre, de sentir mauvais au travail, de s’habiller en clown pour représenter l’État et servir directement le public (le Québec vient d’ailleurs de légiférer pour que les policiers n’aient plus le droit de porter des habits de camouflage ou quelque accoutrement provocateur lorsque sont en fonction, ce avec quoi je suis d’accord).

2 D’exiger des accommodements pour des raisons farfelues.

3 De critiquer à outrance l’employeur sur le lieu de travail. 4 De crier à la victimisation en déstabilisant l’environnement de travail. Cette liste illustre qu’on ne peut pas définir formellement, en quoi un comportement ou une apparence pourrait nuire au bon fonctionnement de l’État.

Cette liste illustre qu’on ne peut pas définir formellement, en quoi un comportement ou une apparence pourrait nuire au bon fonctionnement de l’État.

Ce genre de problème ne peut être géré que par un système souple, à base de faits documentés, de plaintes sérieuses, de procédures de conciliation, de formation professionnelle basées sur de bonnes définitions de tâches, d’aide psychologique, et de règles de congédiement en dernière instance.

Ce qui est important de bien comprendre c’est que le devoir de réserve ne doit jamais limiter la liberté individuelle au- delà d’une menace grave au fonctionnement de l’État ou au service au public. Il faut aussi éviter de contraindre inutilement ou arbitrairement les employés et représentants de l’État. Finalement, il est capital que l’État ne puisse être utilisé par des particuliers ou petits groupes pour mener des vendettas personnelles contre d’autres employés ou représentants de l’État.

Le devoir de réserve ne peut en aucun cas être un absolu ni servir quelque élan tyrannique ou cruel de petits boss de bécosse ni des grands patrons. Par exemple, un hijab (nos grands-mères portaient des foulards par pudeur) modeste et terne ne perturbe pas les prestations des employés ou représentants de l’État, sauf ceux qui doivent porter un costume, habit ou équipements particuliers (policiers, militaires, monteurs de ligne, etc.). Cependant, le couteau sikh n’est en aucun cas acceptable au travail parce qu’aucune arme blanche n’est acceptable. La burqa n’est en aucun cas acceptable au travail parce que le travail des employés et représentants de l’État requiert le visage découvert. Un talisman morbide comme un cadavre sur une croix n’est pas acceptable car cela représente une attitude contraire au mandat de l’État qui, plutôt que de donner de la visibilité au meurtre sadique comme la crucifixion, doit propager le respect de la vie. Une scène de décapitation islamiste ne devrait pas être permise sur le corps d’un employé ou représentant de l’État pour la même raison.

Il est inutile et stupide (ou hypocrite) de faire des listes de ce qui doit être interdit dans le code vestimentaire. Il n’y a rien de plus facile que de contourner de telles listes. Ce qu’il faut règlementer c’est des comportements dont on peut démontrer un EFFET NÉGATIF concret sur les autres travailleurs et/ ou le public DANS LE MILIEU DE TRAVAIL Les seuls codes vestimentaires ou équipementaires explicites qui doivent être stipulés, ce sont les costumes et équipements nécessaires pour accomplir des tâches spécifiques (cocarde d’identification, visage découvert, équipement de travail, costume, etc.).

Pour résumer, une charte de laïcité est nécessaire au Québec. Cependant, le Projet de loi-21 du gouvernement de la CAQ passe complètement en deçà d’une véritable laïcité. Il n’a de mérite que d’affirmer un vague souhait de laïcité, sans plus. La presque totalité du contenu du PL-21 (dans sa mouture actuelle) devrait être repensé en termes d’un règlement général sur les responsabilités et devoirs des employés et représentants de l’État, particulièrement un règlement sur le devoir de réserve. Et nos législateurs devraient commencer à s’éduquer sur ce en quoi consiste une véritable séparation de l’État et des religions. On pourrait commencer par couper le milliard de dollars (environ) que le contribuable québécois est présentement obligé de débourser chaque année pour les avantages fiscaux et salariaux des églises et subventions aux églises et subventions extravagantes aux bâtiments religieux.

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Par quel « joker » voulez-vous être servi(e) aux bureaux de la CSST, la SAAQ, aux postes de la sureté du Québec, en cour provinciale, ou autre officine apeurante du gouvernement  ?

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