Une lueur d’espoir pour l’humanité !… le Botswana
CLAUDE BRAUN
Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"
Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque" et est depuis quelques années l'éditeur en chef de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec les compliments de l'auteur.
Il y a de nombreux engrenages pervers de la surpopulation croissante de l’espèce humaine. D’une certaine façon, s’est parce qu’elle tire trop bien son épingle du jeu que notre espèce domine la planète en se multipliant, l’envahit, occupe nonchalamment la moindre niche, et navigue à vitesse ahurissante vers sa propre quasi-extinction… Elle le fait aux dépens des autres espèces, aux dépens de l’air, de la terre, et de l’eau. Elle détruit tout ce qui a une grande valeur (la nature), en excrétant ce qui est toxique et sans valeur (pollution, chaleur, terre stérile, air irrespirable, eau raréfiée et empoisonnée, faune et flore décimées).
Paradoxalement, les pays les plus pollueurs et les plus dangereux, par personne, pour l’écosystème planétaire, sont les plus riches et ce sont pourtant eux qui ont les taux de reproduction les plus bas. Cependant, ils réussissent à constamment croitre en population par l’immigration massive provenant des pays pauvres et ainsi continuer à croitre économiquement. Tel est leur plan, meurtrier et suicidaire.
Entre temps, la catastrophe écologique locale dans les pays pauvres est particulièrement délétère (désertification, ruine des terres arables, assèchement des rivières, épidémies, guerres, famines, etc.). Tous ces problèmes des pays les plus pauvres de la planète sont aggravés avec virulence par des taux de reproduction délirants, hors contrôle, où les multitudes de bouches ne trouvent pas à se nourrir. On a dit que la logique de la surpopulation est que les gens font des enfants en guise de police d’assurance pour leurs vieux jours : chose qui n’est pas nécessaire dans les pays riches où les citoyens sont protégés par des pensions et des régimes d’assurance vieillesse universels. Je n’en crois rien. La natalité extrême est vécue comme une catastrophe par la plupart des parents dans les pays pauvres. Voilà la vraie réalité. Les gens croupissent sous la marmaille et n’ont pas le savoir-faire ni les moyens pour contrôler leur reproduction. C’est aussi simple que cela. Et leurs gouvernements ne leur donnent ni les connaissances ni les moyens matériels afin d’y arriver. Zombieland !
D’après l’ONU [5] la planète évolue vers une population humaine de huit milliards de personnes en 2023, aussi bien dire demain, ce que la terre ne peut absolument pas soutenir [1, 2]. Certains pays pauvres, comme l’Inde, ont essayé très fort par des moyens non-coercitifs, par le passé, de contrôler leur surpopulation nationale, toujours sans succès. Seule la stratégie collectiviste et équitable mais coercitive de la Chine, la fameuse politique de l’enfant unique par couple, semble avoir fonctionné, pour le bien de ce pays, mais tout autant pour l’ensemble de la planète doit-on dire avec un grand merci ! Mais pour ce qui est de la situation d’ensemble, rien ne semble pouvoir arrêter l’extinction universelle que l’on dénomme l’anthropocène …
Et pourtant, voilà qu’un petit pays africain, inconnu, ultra pauvre, inégalitaire, terrassé par l’épidémie du SIDA, semble avoir réussi à allumer une petite bougie d’espoir. Ce petit pays (1.9 millions d’habitants) n’a gagné son indépendance du colonisateur britannique qu’en 1966 [6]. Et pourtant, le Botswana a ramené son taux reproductif de sept rejetons par femme à moins de trois en 50 ans, sans aucune coercition ! Un véritable miracle, fort apprécié d’ailleurs par les Botswanais eux-mêmes, et plus particulièrement par les Botswanaises [7]. Si le Botswana a pu y arriver, n’importe quel pays peut y arriver. D’où l’extrême importance de porter attention à l’histoire récente de cette petite nation.
D’abord, rendons à César ce qui appartient à César, et celui là c’est le président éclairé de cette république : Mokgweetsi Masisi. Est-ce un hasard qu’il s’agisse d’un ancien enseignant ? Celui là, il a des neurones entre les deux oreilles et il a un cœur dans la poitrine. Son gouvernement se fait régulièrement coter le premier d’Afrique pour la qualité de sa gouvernance, particulièrement en ce qui a trait à son faible niveau de corruption, par l’organisation Transparency International [8]. Le Botswana est classé au 34e rang mondial des pays les mieux gouvernés : il est considéré comme moins corrompu que l’Espagne, la Czekoslovaquie, etc. Avant même l’ère Masisi, le Botswana s’était doté d’une politique consistant à offrir aux citoyennes des services de proximité de planning familial, de régulation des naissances et d’éducation. Par ailleurs, une des raisons pourquoi l’on entend jamais parler du Botswana est que ce pays a réussi à éviter les guerres autant externes qu’internes.
Son économie n’a jamais été ruinée par le maraudage et a pu constamment se développer, malgré qu’il n’ait aucun accès portuaire et aucune richesse particulièrement prisée par les multinationales. Peut-être est-ce d’ailleurs sa plus grande bénédiction… celui d’éviter ce que certains économistes dénomment le « resourcecurse ». [9]
Le gouvernement du Botswana a su capitaliser sur cette bonne « fortune » pour livrer aussi à sa population des soins de santé reproductrice de qualité et de proximité ayant eu pour effet de réduire la mortalité infantile. On a cessé à tout le moins de faire des marmots en série en se disant qu’avec un peu de chance l’un d’entre eux pourrait survivre jusqu’à l’âge adulte… Selon certains chercheurs, l’épidémie du SIDA a eu un impact certain sur la fertilité des Botswanais : ce pays endure un des plus hauts taux d’infection au SIDA du monde entier. Cependant le facteur le plus percussif dans la campagne nationale botswanaise de lutte récente à la surpopulation semble avoir été un petit gadget, un implant contraceptif, l’implant janelle, qu’on insère dans le bras des femmes qui en font la demande. Efficacité : 100%. À noter que toute femme qui changerait d’idée et qui voudrait procréer peut simplement se faire retirer l’implant, sur demande, et gratuitement. L’avortement est légal et est disponible sur demande au Botswana.
Il y a d’autres clés du succès du Botswana. Le pays a investi dans l’éducation autant des filles que des garçons, par exemple en instaurant un système de bourses qui n’est pas pas un graissage de pattes des copains au pouvoir. Le gouvernement a encouragé explicitement et concrètement l’insertion des femmes dans le marché du travail tout en décourageant explicitement et concrètement le travail quasi esclavagiste des enfants. Peut-être vaut-il de noter aussi qu’au Botswana, le contrôle de la natalité est conçu comme un seul parmi de nombreux services que l’État cherche à offrir aux femmes. Par ailleurs il est remarquable que ce ne sont pas des fonctionnaires de l’État ni l’appareil médical géré par des médecins, qui organisent les services directs à la population en santé reproductrice. C’est à une organisation non gouvernementale que tout ce travail de terrain a été confié, bien que financé par l’État. Cette ONG, la Botswana Family Welfare Association (Bofwa), est l’œuvre de la population elle-même, particulièrement les femmes, et des jeunes de surcroit. Vive le Botswana ! On se croirait au Danemark !
Il y a cependant une ombre au tableau. Il s’agit des Steven Harper et des Donald Trump de ce monde. Ce dernier, comme le précédant avait fait, a instauré ce qui est connu comme le “global gag rule”, une politique qui empêche tous fonds fédéraux d’être associés à quelque groupe que ce soit qui offre, permet ou parle d’avortement. Cette politique récente du gouvernement américain a causé la fermeture de plusieurs points de services BOFWA au Botswana. L’ONU et l’Union Européenne se sont formellement objectés à cette politique, tellement radicale qu’elle empêche même les fillettes engrossées et infectées au SIDA par viol d’obtenir des soins médicaux et des avortements. L’Église catholique s’en frotte assurément ses sales mains. Il faut se demander comment l’administration Trump voit l’avenir. Après avoir favorisé la genèse de hordes de désespérés émanant d’Afrique et des pays pauvres d’Asie et d’Amérique latine, et une fois ces hordes aux rives et frontières de l’Amérique, vont-ils les faucher à la machette et à la mitrailleuse comme dans la télésérie Walking Dead.
Références
- World Scientists’ Warning to Humanity (1992). Union of concerned scientists. Rapport signé par plus de 1,700 scientifiques dont la plupart des prix Nobel.
- World Scientists’ Warning to Humanity (2017). Union of concerned scientists. Rapport signé par plus de 20,000 scientifiques dont la plupart des prix Nobel.
- Madeline Weld, Ph.D, Presidente du Population Institute Canada depuis 1995 est une retraitée de Santé Canada. Elle est directrice des publications de l’Association humaniste du Canada. Elle est rédactrice de la revue Humanist Canada. Elle est bien connue pour ses positions en faveur du contrôle de la population mondiale, incluant son lobbying pour une politique de balance zéro de l’immigration/émigration pour le Canada.
- Barrette, C. Soyez féconds, multipliez, emplissez la Terre… Genèse, 1-28, Québec humaniste Vol 10 nu 2 pp 16-19.
- Rapport 2018 du UN population division. World population prospects. Methodology of the United Nations. Population estimates and projections.
- Compagnon, D. et Mokopakgosi, B.T. (dir.), (2001). Le Botswana contemporain, Karthala, Paris ; IFRA, Nairobi, 428 p.(ISBN 978-2-84586-149-7)
- Corruption perceptions index. Transparency international. https://www.transparency.org/news/feature/corruption_perceptions_index_2017
- Davis, N. (2018). How to grapple with soaring world population? An answer from Botswana. The Guardian, édition quotidienne du 10 Octobre.
- Sachs J.D. & Warner, A.M. 1995. «Natural Resource Abundance and Economic Growth,» NBER Working Papers5398, National Bureau of Economic Research, Inc.
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