Les lois anti-blasphème sont plus que liberticides, elles sont assassines : Le cas Asia Bibi

par Nov 28, 2018actualités, Droits humains, Islam, Québec humaniste, Religions0 commentaires

CLAUDE BRAUN

CLAUDE BRAUN

Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"

Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque"  et est depuis quelques années l'éditeur en chef  de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec  les compliments de l'auteur.

 

Tout absolutisme identitaire/moral est un monstre.

 

L’association humaniste du Québec est active à l’intérieur d’une coalition d’individus et d’organisations pour faire abroger la loi fédérale anti-blasphème au Canada. Le cas d’Asia Bibi, au Pakistan, fait présentement les manchettes dans l’actualité nationale et internationale, et il jette une lumière glaçante sur la très grande importance de ce combat dans le reste du monde.

L’absolutisation de n’importe quelle idéologie est un monstre qui peut longtemps priver un peuple de sa liberté et qui peut enclencher les abus les plus cruels à grande échelle, allant jusqu’aux génocides. Lorsque les gens se croient impartis d’une validation totale et suffisante de par la simple adhésion à une croyance (une idéologie politique, une ethnoculture, une religion), la table est mise pour que les voisins, les foules, les partis politiques et les gouvernements lancent les pires exactions.

L’absolutisme identitaire/moral fait des victimes.

Le cas en date est celui d’une travailleuse agriculturelle du Pakistan, mère de cinq enfants, d’obédience catholique, qui un jour, à la demande de ses camarades de village au champ, leur apporta une tasse d’eau pour les rafraichir. Elle eut l’outrecuidance d’en boire une gorgée ce qui choqua deux femmes, camarades de travail musulmanes, qui exigèrent qu’elle se convertisse, sur-le-champ, pour ainsi dire. Elle refusa. Les deux Cruellas s’empressèrent de déposer une plainte de blasphème aux chef du village, accusation apparemment inventée de toutes pièces. Asia Bibi fut trouvée coupable en cour et passa huit ans en prison en attente de l’exécution de sa peine mandatoire pour le blasphème : au Pakistan c’est la peine de mort.

Asia Bibi

L’archaïsme sanglant et cruel de la religion islamique est très répandu au Pakistan. Il était évident pour les officiers de la cour que le blasphème en question n’avait jamais eu lieu et qu’il s’agissait simplement d’un prétexte pour un règlement de comptes. La cour vient de juger Mme Bibi non coupable (Novembre 2018). Des émeutes à grande échelle ont aussitôt secoué le Pakistan : des milliers de zélés musulmans insistèrent bruyamment dans les rues que la jeune mère soit mise à mort. Les trois juges qui ont été parties prenantes dans la libération d’Asia Bibi sont maintenant assujettis à des fatwas (invitation à les assassiner avec la bénédiction d’Allah), notamment explicitement par un des grands partis politiques du Pakistan, le Tehreek-e-Labbaik (TLP), un parti qui n’a aucune autre plateforme que le fanatisme religieux. L’avocat de Mme Bibi s’est senti obligé de s’exiler. Ce parti, le TLP, a fomenté les manifestations où on scandait que les militaires avaient une obligation de mutiner. Ce parti a organisé la casse qui s’est élevée à plus d’un milliard de dommages.

La cruauté extrême a toujours des conséquences néfastes bien au-delà d’un geste isolé.

Souvenons-nous du massacre de la Polytechnique où Marc Lépine à assassiné des étudiantes à la mitraillette. Il y a eu depuis une pléthore de suicides des proches des victimes…

Le gouverneur du Punjab, Salman Taseer,

Le mari d’Asia Bibi, Ashiq Masih, réclame l’asile pour sa famille aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou au Canada.

et le Ministre fédéral des minorités, Shabaz Bhatti, qui n’exprimèrent rien de plus qu’une réticence concernant la peine capitale pour Asia Bibi, furent assassinés en 2011. Le parti a officiellement appelé à la mutinerie des militaires mais a été assez puissant pour négocier la promesse d’aucunes représailles de la part de l’État. Il semble avoir obtenu bien plus que cela. Le gouvernement, qui est dans un rapport de forces relativement faible face au parti TLP, s’est engagé à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire et à ne pas bloquer une requête en révision du jugement d’acquittement initiée par un religieux islamiste du nom de Qari Salam. Les extrémistes islamistes exigent ceci sans doute pour le motif pur et simple de faire tuer ou eux-mêmes tuer Mme Bibi, sinon d’autres personnes de son entourage. D’ailleurs, le mari d’Asia Bibi demande maintenant l’asile pour sa conjointe, lui-même et leurs cinq enfants à trois pays, les Etats-Unis, la Grande Bretagne, le Canada. Le mari ne baragouine que quelques mots d’anglais et c’est pourtant la France qui est le premier pays à offrir l’asile à toute la famille. Cependant jusqu’à une vingtaine de personnes semblent vouloir faire ajouter leurs noms à cette liste, ayant pris parti pour la famille et craignant pour leurs vies. Un « éminent » religieux musulman a proposé une récompense d’un demi-million de roupies pakistanaises (environ 3 800 euros) à quiconque tuerait Asia Bibi. La barbarie islamiste bénéficie d’une évidente impunité, d’un passe-droit dans ce pays, ce clerc n’ayant jamais été ennuyé pour ce geste odieux. On imagine les poils hérissés ce que serait le Pakistan avec ce parti de fanatiques au pouvoir : un gouvernement taliban démocratiquement élu.

Que faire pour changer la situation ?

Le Pakistan est un immense pays doté d’armes nucléaires. Ce pays est assujetti à un vortex culturel régressif depuis longtemps. Qu’est-ce qui sortira cette population de 208 millions d’habitants de ce barbarisme exacerbé ? Ce sera d’abord et avant tout un travail de fond, patient, bienveillant, des Pakistanais éduqués eux-mêmes, à tous les niveaux de l’activité humaine, dans les arts, l’éducation, la santé, la littérature, les services d’État, les entreprises… Il n’y a aucune solution au mal Pakistanais autre que l’humanisme. D’ailleurs, il est méritoire de bien comprendre que personne n’a jamais été mis à mort sur ordre de la cour pour blasphème au Pakistan. Ce sont les gens peu éduqués qui assassinent les apostats de tout acabit. D’ici là, tout article sur le cas Bibi dans la presse internationale et sur les médias sociaux ne pourra que la protéger d’une capitulation du nouveau gouvernement Khan, qui signerait alors assurément l’arrêt de mort de mme Bibi, de son mari, de ses enfants, des juges et avocats, et de supporters. Des pétitions au gouvernement Khan, demandant le droit d’asile pour Mme Bibi et son entourage sont évidemment de mise. Amnistie international est déjà saisi du dossier de mme Bibi, appuyons cette campagne et signons la pétition d’AI pour sauver la vie de mme Bibi : http://www.thepetitionsite.com/1/save-asia-bibi/. Écrivons à notre premier ministre lui demandant d’intervenir pour sauver la vie de ces personnes innocentes de toute faute, victimes d’une des plus odieuses formes de barbarie, celle qui nie à de simples gens le droit de vivre sauf en affirmant des simagrées sur quelque psychopathe dans le ciel.

Sources : Guardian, Reuter, France-Presse, Le Devoir, Amnistie International, La Presse

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