Création et utilisation des divinités
Richard Rousseau
Chercheur scientifique spécialisé en physique des rayons X, à la retraite, ayant travaillé plus de 36 ans au laboratoire d’analyse par fluorescence des rayons X (FRX) de la Commission géologique du Canada, à Ottawa. Il y a développé une méthode d’analyse FRX et un logiciel d’application. Il est membre à vie de l’Association humaniste du Québec.
Le pourquoi des divinités
Au préalable, voici quelques rappels puisés à même la référence [1]. Pendant 2,5 millions d’années environ,
l’Homo erectus, puis le Neandertal et finalement l’Homo sapiens, l’humain d’aujourd’hui, furent des chasseurs cueilleurs. Ils se nourrissaient de la cueillette de plantes qu’ils n’avaient pas besoin de cultiver et d’animaux sauvages qu’ils n’avaient pas besoin d’élever. Ils vivaient en petit groupe de 150 personnes tout au plus et étaient nomades pour suivre les troupeaux d’animaux. Hommes, femmes et enfants tous participaient à la survie du groupe. Chacun avait son rôle à jouer. Contrairement à ce qu’on pourrait penser,
ils vivaient en harmonie avec la nature et étaient heureux de vivre ce genre de vie. Ils vivaient là où il y avait de la nourriture et abris. Les ressources étaient inépuisables. Si la nourriture se déplaçait, ils se déplaçaient avec elle. Si un abri venait à être détruit, suite à un cataclysme naturel, par exemple le feu, les inondations, les tremblements de terre, etc., ils allaient en construire un nouveau ailleurs. À cette époque, pas de frontières pour limiter leurs déplacements. Sur le plan spirituel, nous ne savons pas ce qu’ils pensaient, mais nous pouvons imaginer qu’ils pouvaient se passer de divinités, n’ayant laissé aucune trace dans les dessins que nous retrouvons sur les murs de grottes. Ils étaient tous athées.
Puis, pendant environ les derniers 12 000 ans, l’humain découvrit comment faire pousser une plante comestible : le blé. Cette découverte changea toute sa vie et fit en même temps son malheur… Pour pouvoir se consacrer à l’agriculture, il devint sédentaire et créa villes et villages. Il se lança également dans l’élevage pour se faire aider dans son nouveau moyen de subsistance et aussi pour compléter son alimentation. Du jour au lendemain, les humains se mirent à semer des graines, à arroser les plantes, à arracher les mauvaises herbes et à conduire les troupeaux vers des pâturages de choix. Un travail qui, dans leur idée, devait leur assurer plus de fruits, de grains et de viande. Ce fut une révolution du mode de vie : la Révolution agricole. Aujourd’hui encore, plus de 90% des calories qui nourrissent l’humanité proviennent de la poignée de plantes que nos ancêtres domestiquèrent : blé, riz, maïs, pommes de terre, millet et orge. Pour l’élevage, ce fut principalement les chèvres, les moutons, les bœufs, les poules, les ânes, les chevaux et les chameaux qui furent domestiqués. Dès lors, les humains se firent une joie d’abandonner la vie éreintante, dangereuse et souvent spartiate des chasseurs-cueilleurs, pour se fixer et goûter à la vie plaisante de fermiers repus. Mais, déception…
Loin d’annoncer une ère nouvelle de vie facile, la Révolution agricole rendit généralement la vie des cultivateurs plus difficile, moins satisfaisante que celle des chasseurs cueilleurs. Ces derniers occupaient leur temps de manière plus stimulante et variée et se trouvaient moins exposés à la famine, à la sécheresse et aux maladies. Certes, la Révolution agricole augmenta la somme totale de vivres à la disposition de l’humanité, mais la nourriture supplémentaire ne se traduisit ni en meilleure alimentation ni en davantage de loisirs. Elle se solda plutôt par des explosions démographiques et l’apparition d’élites choyées. Le fermier moyen travaillait plus dur que le chasseur-cueilleur moyen, mais se nourrissait oins bien. De plus, graduellement s’installe dans les villes la hiérarchie organisée. Aux couches supérieures, les privilèges et le pouvoir, tandis que les couches inférieures souffraient de discrimination et d’oppression.
Comment réagit l’être humain lorsqu’il souffre, lorsqu’il saute d’épreuve en épreuve, lorsqu’il ne voit pas de solutions à son interminable liste de malheurs : il invente des divinités pour lui venir en aide. Peu importe que ces divinités soient invisibles, impalpables, silencieuses, qu’elles ne se manifestent jamais, bref dont l’existence soit plus que douteuse, l’humain se dit : « j’en ai de besoin, je n’ai pas d’autres solutions, je n’ai rien à perdre, alors je les implore. Un point c’est tout ! » Cette habitude provient d’un lointain souvenir de son enfance, fortement imprégnée dans son subconscient, qui consistait à demander l’aide de ses parents, des géants tout puissants à ses yeux d’enfant, lorsqu’il subissait une douleur quelconque. Ainsi, la Révolution agricole fut la cause de la plus grande escroquerie de l’histoire : l’invention des divinités !
Au début, tout pouvait servir de divinités : « les animaux, les fleuves, les montagnes, les forêts, les arbres… et les astres, surtout le soleil, source de vie. Ce fut le règne de l’animisme et du totémisme. Puis, l’humain se tourne vers lui-même pour créer des divinités à son image. L’Égypte nous donne un bon exemple de la transition du totémisme au polythéisme anthropomorphique. Également, la Grèce et l’Empire romain délaissent le totémisme pour créer leurs dieux à l’image humaine. » [1]
Devant ce besoin insatiable de l’humain de divinités pour se protéger du mal et de la souffrance, ce ne fut pas long que des charlatans,
nommés prophètes, s’associant à la classe dirigeante, exploitèrent cette faiblesse humaine. Ils inventèrent un concept très astucieux pour accumuler pouvoir et fortune : la venue d’un Messie sauveur de l’humanité. Avec ce Messie, les forces divines promettaient d’apporter des récoltes abondantes et des troupeaux féconds. Le Paradis, quoi… Et le petit peuple ignorant, naïf et démuni y croyait faute de mieux. Pour donner davantage de crédibilité à leur histoire de Messie, les prophètes inventèrent un beau conte de fées, à
savoir : la date de naissance, soit celle du solstice d’hiver où la durée du jour commence à rallonger, les rois, l’étoile la plus lumineuse du ciel en décembre, Sirius, guidant leurs pas, les disciples, les miracles, la trahison, la crucifixion, la mort et la résurrection, pour ne citer que les points essentiels. Quand on fait le tour des divinités les plus éminentes dans l’histoire des religions, on s’aperçoit que certaines ont de nombreux points communs avec la vie de Jésus.
Continuons la liste de divinités ayant des similitudes avec Jésus. Il y a le dieu Attis en Grèce et Mithra en Perse mille deux cents ans avant Jésus-Christ, Krishna en Inde neuf siècles avant Jésus-Christ et Dionysos en Grèce cinq cents ans avant Jésus-Christ. Il y a aussi les dieux d’autres pays qui vivent des histoires similaires comme l’Hindoustan, les Bermudes, le Tibet, le Népal, la Thaïlande, le Japon, le Mexique, la Chine et l’Italie. Chaque fois, c’est la même histoire qui se répète avec d’infimes altérations : des prophètes annoncentCitons par exemple l’histoire du dieu Horus d’Égypte, que l’on retrouve dans les hiéroglyphes égyptiens, trois mille ans avant Jésus-Christ. Horus, une divinité à tête de faucon, naquit d’une vierge le 25 décembre. Sa naissance fut annoncée par une étoile au levant. Il reçut l’hommage de trois rois. Il commença à enseigner à l’âge de douze ans, fut baptisé à trente, eut douze compagnons ou disciples avec qui il voyagea et fit des miracles. Il fut trahi par Typhon, il fut crucifié et enterré et ressuscita le troisième jour. Ça ne vous rappelle rien ?
la venue d’un sauveur, qui finalement ne vient jamais, il meurt et ressuscitera pour revenir plus tard. Seulement dans l’histoire d’Israël et surtout à l’époque de Jésus, il y aurait eu une centaine de messies temporels. Alors vous croyez que les juifs pratiquants ont le monopole de cette mythologie rocambolesque ? Mais non, voyons ! Avec tous ces personnages se prenant pour des dieux, l’histoire de
Jésus n’est qu’une autre histoire similaire de plus, très populaires pendant le millénaire avant et après J.-C, simplement plagiée de l’histoire d’une autre divinité.
La vie, cette œuvre d’art
Sur la page couverture du livre de Normand Rousseau, il y a un humain crucifié sur une croix. [1] C’est un symbole abominable de souffrance, de méchanceté, de cruauté et de mort. Quelle horreur ! Plutôt, sortons de ce passé archaïque, dépassé, cruel, sans queue ni tête, pour se tourner résolument vers la vie, l’amour de nos proches et de nos enfants, vers l’avenir, l’humanisme, l’athéisme, la laïcité,
tellement plus sains pour le corps et l’esprit. Il faut remplacer la spiritualité proposée jusqu’à ce jour par les religions, celle basée uniquement sur le divin, le mystique, le surnaturel, par une spiritualité basée uniquement sur l’extraordinaire potentiel spirituel de
l’être humain, et ce, sans l’aide, sans l’appui moral d’aucune divinité, afin que chaque personne puisse arriver à savourer le maximum de bonheur lors de son court passage sur cette planète Terre [3]. Les divinités sont trop inhumaines, il faut les abandonner. Pour réaliser ce projet ambitieux, il faut plus que des vœux pieux. Pour qu’une solution soit viable, il me semble que le mieux-être de tous devrait être assuré par un ensemble de valeurs humaines sûres, bien concrètes qui n’impliquent aucune croyance à des divinités imaginaires. Cette solution s’appelle l’humanisme. Concernant ce sujet, voir la définition admirable que l’Association humaniste du Québec en donne à la référence [4].
Où étaient les atomes de notre corps avant notre naissance ? Où seront les atomes de notre corps après notre mort ? Ultimement, poussière d’étoiles nous sommes et poussière d’étoiles nous redeviendrons. Alors, entre ces deux moments, la naissance et la mort, profitons de la vie, cette vie si belle, mais en même temps, cette œuvre d’art si fragile et si éphémère. De notre vivant, savourons-la comme l’écrit si bien Denis Meunier dans ce très beau poème :
« Aussitôt un souffle, un regard, aussitôt une vie, une œuvre d’art. Elle se peint de nos espoirs, et se rature de nos déboires. Elle se sculpte dans nos rêves, et existe par notre histoire. Dans le carnet de nos vies, elle se dessine, elle s’écrit… Sur le canevas, entre les feuilles d’or et les ciselures fines, il y a tous ces combats solitaires et ces Everest intimes. Ces instants de paix, mais aussi ces quotidiens qui tuent. Pastels légers, pages lourdes et déchirées… Par l’embrasure de ton sourire, j’entrevois toute la beauté du monde. Précieuse est ton œuvre, car de larmes et de joies elle se crée, seconde par seconde. » [5]
Références
1. Yuval Noah Harari, Sapiens, Une brève histoire de l’humanité, Albin Michel, 2015.
[2] Encyclopédie Internet Wikipédia, Horus, https://fr.wikipedia. org/wiki/Horus
[3] Richard Rousseau, Athéisme et humanisme, quel bonheur!, publié sur le site web de l’AHQ à l’adresse suivante : http://assohum.org/2014/06/atheisme-et-humanisme-quel-bonheur/
[4] Association humaniste du Québec, Nos principes, http://assohum.org/qui-sommes-nous-2/
[5] Denis Meunier, Musée national des beaux-arts du Québec, pavillon Pierre Lassonde.
0 commentaires