Vivre en mourant
Jonathan Elie-Fortier
étudiant en Psychologie, UQAM
Compte rendu de lecture du livre Mortality de Christopher Hitchens publié en 2012, traduit en français sous le nom « Vivre en mourant » (2013).
Dans ce court livre écrit à l’hôpital et regroupant sept essais parus dans le magazine Vanity Fair, auxquels sa femme a ajouté quelques fragments d’écriture non complétés après son décès en décembre 2011, Christopher Hitchens (1949- 2011) aura su faire réfléchir sur notre condition humaine jusqu’à la fin. Humaniste défendeur des idées du Siècle des lumières, anti-théiste, polémiste, athée, intellectuel acclamé, il avait à lui seul plus de contenu et de style que bien des cultures humaines.
Dans ce témoignage humain, il partage des réflexions et des moments qui seront ses derniers tandis qu’il lutte contre un cancer de l’œsophage en phase terminale. Alors qu’il aime l’image d’un combat contre cette maladie, il précise et nous assure qu’au moment où il se tient en ligne avec ses codétenus d’infortune, où des gens pleins de tendresse apportent de gros sacs transparents de poisons médicaux, et alors que ces sacs déversent leur venin dans l’organisme, l’image d’un fier guerrier séditieux est la dernière qui vient à la conscience. Diagnostiqué pendant la tournée promotionnelle pour son livre Hitch-22 en 2010, c’est avec une tenace lucidité qu’il aborde cette dernière étape de la vie consciente qu’est la mort en nous décrivant cette brusque transition du « pays de la santé » vers les « terres de la maladie ».
Au matin de sa biopsie, il sait que c’est le dernier jour de son ancienne vie. Ne pouvant plus se prétendre jeune et en santé, la réalité de sa situation le tient aux aguets des bonnes et des mauvaises nouvelles. Il digresse vers les stades de déni du modèle d’Élisabeth Kübler-Ross (1975). Rappelons-les ici: 1-Déni 2-Colère 3-Négociation 4-Dépression 5-Acceptation. Il affirme ne pas avoir suivi ces stades, étant bien conscient de son train de vie intense et aimant la lumière émise par le fait de brûler la chandelle par les deux bouts. Face à son rapport de diagnostic, le mot « métastase » retient son attention et marque la fin de sa brève campagne de déni.
Une des sensations insolites associée au fait d’être atteint d’une maladie mortelle, remarque-t-il, est l’étrange double engagement de préparer sa mort en même temps que d’être très intéressé par sa survie. Cette dichotomie « avocat le matin – docteur l’après-midi » s’installe, et demande de vivre dans deux cadres bien distincts. Rapidement remis de la perte graduelle de ses cheveux, la perte de sa voix s’avère plus pénible. Quarante livres de moins plus tard, il s’écoute parler et remarque son ancienne bonne santé dans quelques vidéos en ligne. Un coup très dur qui le conduira à nommer cet état ‘d’existence’: « vivre en mourant » . C’est face à tout cela, et avec le sentiment d’être complètement dénaturé, qu’il souligne que « dans la guerre contre Thanatos, si on doit nommer cela une guerre, la perte d’Éros est un énorme sacrifice initial ».
Peut-être par manque d’originalité d’une telle nouvelle, car grand buveur et fumeur, succomber à quelque chose d’aussi évident et prévisible qu’un cancer de l’œsophage réussit même à l’ennuyer. Accablé par le sentiment de gaspillage, il fait le bilan de ses plans pour les décennies à venir. C’est avec difficulté qu’il s’imagine absent au mariage de ses enfants et inexistant dans leurs moments ardus. Avec le sentiment qu’il mérite de profiter des années à venir, il ne peut s’empêcher de se demander « pourquoi moi ? », question à laquelle il répond « pourquoi pas ? ».
Intense dans son écriture et dans sa vie, il le restera dans ses réflexions où il croise humour et intellect comme lui seul sait le faire : « Si je me convertis, c’est parce que c’est mieux qu’un croyant meurt plutôt qu’un athée. ». Abordant le thème de la religion et répétant à maintes reprises qu’il mourra athée, il prend soin de mentionner que si l’on vint à entendre autre chose (qu’il se serait repenti avant sa mort), il s’agirait de pure invention ou d’une bonne dose de médicament débilitant. Il vilipendera plusieurs arguments tautologiques ainsi que l’acte de prière pour la contradiction qu’il est. En effet, l’individu effectuant des demandes par la prière afin d’améliorer le monde ou pour des faveurs personnelles se rendrait coupable d’un grave blasphème car après tout, aucun humain ne peut être en position d’aviser le divin. À moitié enterré dans la contradiction gît ainsi l’idée que le concept de prière et par extension, de religion, a été flasquement créé par quelques humains.
Il aborde enfin les motivations pseudo-scientifiques et religieuses avec lesquelles certains ont favorisé l’adoption de lois freinant le financement de la recherche sur les cellules souches aux États-Unis, paralysant activement les avancés de la recherche fondamentale sur plusieurs maladies graves dont le cancer. Si nous sommes intéressés à rejoindre le « combat » contre cette maladie, l’invitation est ici lancée à tenir tête à cette idiotie létale.
Christopher Hitchens se retrouve ainsi sympathisant de Voltaire, lequel sur son lit de mort se fit demander d’urgence de renoncer au diable et répondit que maintenant plus que jamais : « ce n’est pas le moment de se faire des ennemis ».
Références :
Hitchens, C. (2010)Hitch 22: A memoir. New York, United States of America. Twelve – HBG USA. Hitchens, C. (2012) Mortality. Toronto, Canada: Signal
– McClelland & Stewart. Kübler-Ross, E. (1975). Death: The final stage of growth. Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall.
L’hypocrisie religieuse de nos politiciens
Steven Harper veut interdire le port du niqab lors de la cérémonie de naturalisation canadienne des immigrants. Par contre le serment d’allégeance à la reine d’Angleterre, cheffe statutaire de l’Église anglicane (équivalent de pape pour les catholiques), reste de mise.
[les mécréants] doivent être torturés en premier. Des grillons vont les piquer comme des scorpions jusqu’à ce qu’ils veuillent mourir, mais ils se verront refuser le soulagement de la mort (Nouveau Testament. 9: 3-6). Sept anges verseront sept coupes de la colère de Dieu, fléaux de plaies douloureuses, mers et rivières de sang, brûlures du soleil, ténèbres et morsures de langue (Nouveau Testament, 16: 2-10).
,,, et farouchement, Philippe Couillard insiste pour que le crucifix (cadavre d’un assassiné) trône au-dessus de l’Assemblée Nationale québécoise tout en prétendant régler le problème des propos haineux par son projet de loi 59. On croit rêver…
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