Moralité et sciences : L’humanisme militant est plus important que jamais !
CLAUDE BRAUN
Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"
Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque" et est depuis quelques années l'éditeur en chef de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec les compliments de l'auteur.
Introduction
L’humanisme est attaché aux sciences et à l’éthique, c’en est devenu un réflexe intellectuel. Mais l’éthique est une chose bien compliquée et changeante où presque personne ne s’entend. En plus, l’éthique ne peut être abordée strictement sur la base de la raison. Elle varie de culture en culture, et elle évolue à mesure qu’une culture évolue ainsi qu’au courant de chaque vie individuelle. Jonathan Haidt de l’Université de Virginie, Charlottesville, propose que nous ayons un nombre limité de modules moraux distincts. Ceux-ci sont activés en réponse à différents types de problèmes moraux. La taxonomie de Haidt distingue les réponses liées à la blessure/ menace, l’équité, la réciprocité, la hiérarchie, le respect, la pureté/ pollution, les limites intra-groupe/ hors groupe, et l’émerveillement/ transcendance.
De leur côté, les sciences contiennent en elles le potentiel de faire autant le mal que le bien. Les humanistes séculiers prennent presque automatiquement parti, dans les débats éthiques, pour le point de vue des scientifiques, contre le point de vue religieux (avortement, exploitation des cellules souches, assistance pour mourir, contraception, contrôle des naissances, hybridation humaine, etc.). Mais la zone de conflit éthique entre sciences et religions ne représente qu’un aspect mineur de l’éthique. Il y a donc danger pour les humanistes séculiers de se laisser cantonner dans une perspective morale bornée, sinon carrément fétichiste pour ne pas dire haineuse…
Lorsqu’on a un parti pris pour les sciences, on a tendance à oublier de lui imposer TOUS nos standards moraux. On constate aussi que les sciences prennent de plus en plus en charge le discours sur ce qu’est l’éthique. La science pèse de plus en plus dans la balance de la supposée « incommensurabilité entre ce qui est et ce qui doit être », en faveur du premier. De plus, la science introduit dans la marche de l’histoire une situation éthique inédite : une approche à la Montesquieu, de « multiplication des contre-pouvoirs » devient presque impossible à implanter. Il est difficile de réguler le comportement des scientifiques car il est difficile de comprendre ce qu’ils font, … En effet, qui peut vraiment prétendre comprendre la physique des particules élémentaires, le big bang, l’épigénétique, la logique formelle ? Or, les scientifiques sont-ils des anges et la science est-elle angélique ? Ou plutôt, la population a-t-elle raison de se méfier des technosciences, créatrices de notre monde dystopique (surpopulation, pollution et ruine environnementale, réchauffement global, armements nucléaires, agro-industrie, surconsommation), comme de démoniser les scientifiques, sinistres et intouchables grands manitous de l’apocalypse ?
N’y a-t-il pas lieu dès lors, pour les humanistes, de prendre acte de la situation quant à l’éthique et les sciences et de faire entendre leur voix après mure réflexion ? Si nous nous opposons aux épisodes « cruels » en recherche scientifique, et vivons une répugnance à l’égard des comportements immoraux de certains scientifiques, tomberons-nous dans le même piège que ces derniers en versant à notre tour dans l’empressement, la cruauté, etc. ? Assimilerons-nous toute l’entreprise scientifique, en bloc, à une secte de comploteurs ? Et concernant les moins savoureux parmi les scientifiques, les dénoncerons-nous ? Va-t-on les assiéger, les ruiner, les émasculer ? Bref, y a-t-il une guerre à mener ? À l’opposé, devons-nous, humanistes, continuer à nous déclarer amis inconditionnels de la science ? Ou n’y aurait-il pas une autre voie humaniste à défricher, plus nuancée, globale et réaliste, plus fructueuse ?
Les scientifiques vus par les artistes, romanciers et cinéastes
Des études ont été faites sur la représentation des scientifiques dans le roman et dans le cinéma. Le plus souvent, ils sont représentés comme malicieux, vicieux, mal intentionnés. Pensons aux personnages romancés tels Dr Frankenstein, Dr Moreau, Dr Strangelove, ainsi qu’aux dystopies telles Métropolis, 1984, Brave new world, The road, The handmaid’s tale, etc. Même si dans le monde de la science-fiction sérieuse il y a une représentation plutôt favorable des scientifiques, ce type d’oeuvre d’art est beaucoup moins populaire que le style « horreur-fiction » listé plus haut. Ainsi, ce qu’on peut conclure sur ce sujet est que la population craint le pouvoir de la science et se méfie des scientifiques ou aime bien frissonner de peur et d’étonnement devant la capacité des sciences de transformer radicalement et brutalement nos vies. Est-ce à juste titre ?
Le pire cas de figure : Joseph Mengele
Le cas du médecin nazi Joseph Mengele est très souvent évoqué comme exemple le plus dramatique de la science comme malveillance. Il faut dire en partant que Mengele n’était pas un scientifique, seulement un « wannabe ». Il ne publiait pas dans des périodiques scientifiques où des pairs neutres, indépendants, anonymes et bénévoles auraient reconnu la pertinence et la qualité de ses travaux. Néanmoins, ce psychopathe voulut faire toutes sortes de « découvertes » médicales en assujettissant les prisonniers juifs de camps de concentration à des expérimentations d’une cruauté innommable comportant la torture et l’assassinat qu’il réalisait de sa main propre. Les questions qu’il formulait découlaient des opportunités qui se présentaient à lui parmi les prisonniers et étaient intellectuellement superficielles, inopportunes. Ceux qui ont connu et observé Mengele ont fait état du plaisir qu’il prenait à faire mal aux gens. C’était sans l’ombre d’un doute un véritable sadique…
Héréditarisme versus environnementalisme
Il est intéressant de noter que Mengele s’inspirait d’hypothèses radicalement héréditaristes. Il s’en est donc pris avec virulence aux jumeaux, entre autres, qui eurent la malchance de se trouver dans ses camps de concentration. Mais on a pu être presque aussi cruel et immoral à la poursuite d’hypothèses contraires. Le sexologue John Money de la prestigieuse université américaine Columbia croyait que l’orientation et l’identité sexuelles étaient purement affaires de culture et environnement. Il était béhavioriste radical. Il convainquit de nombreux parents à autoriser des opérations de changement de sexe imposées à de nombreux jeunes enfants, à leur insu, pour des raisons farfelues. Ce n’est qu’après des décennies qu’on réalisa que les choses ne se passaient pas bien pour ces victimes et qu’on mit un terme à cette pratique. Des cobayes s’étaient suicidés, d’autres ont fini par apprendre ce qu’on leur avait fait et demandèrent de se faire « réassigner » et la majorité regretta amèrement ce qu’on leur avait fait. De même, le psychanalyste et imposteur Bruno Bettelheim croyait que si un enfant n’avait pas de tendances affiliatives, il ne pouvait y avoir aucune autre explication qu’un comportement frigorifique de la mère. Des milliers de parents furent ainsi accablés des vies durant, stigmatisés, culpabilisés, moralement ruinés, à cause d’une explication prétentieuse et idiote d’un autre pseudo-scientifique (il a déclaré de faux diplômes et n’a jamais pris la peine de recueillir et analyser des données probantes).
Sacrifier des populations pour le « plus grand » bien
Le cas Mengele peut être considéré comme une des nombreuses tumeurs métastasiques de la ruine morale de l’Allemagne par le nazisme plutôt que comme un cas exemplaire de l’entreprise scientifique comme force globalement malveillante. Mais d’autres « dossiers » sont plus troublants ,car ils illustrent que de larges pans de l’entreprise scientifique, même universitaire, peuvent manifester de graves déficiences morales.
En 1932 à l’hôpital John A. Andrews, sous l’égide de l’Université de Tuskegee en Alabama, plus de 600 hommes, à majorité syphilitique, travailleurs agricoles, noirs, analphabètes, furent enrôlés dans une recherche sous de faux prétextes. On leur offrait quelques menus avantages tels repas chauds et fausse promesse de soins médicaux. Mais on s’évertua à ne pas les informer de leur état médical de telle sorte qu’ils infectèrent leurs conjointes et amantes à très grande échelle. Même après l’établissement de la pénicilline comme traitement pour la syphilis, on les en priva tous. Certains cas furent même infectés par les médecins. On pensait que le bénéfice humanitaire de connaître les effets physiopathologiques à long terme dépassait les inconvénients pour les patients de l’investigation. En particulier, on voulait savoir comment le cerveau se faisait détruire par le virus sur le long terme. Le gouvernement fédéral américain fit enfin fermer ce projet après 40 interminables années d’ignominie.
Lorsque l’éthique marque un point, ne pas la respecter, la contourner
Aussitôt, un projet semblable fut entrepris secrètement au Guatemala avec certains médecins du projet Tuskegee en fers de lance, impénitents malgré la semonce. Hillary Clinton fit des excuses au peuple guatémaltèque en tant que secrétaire d’État, en 2010, lorsque l’abus fut porté à l’attention du monde entier par des « whistleblowers ». Cette pratique de la recherche médicale secrète, manipulatrice, malhonnête, cruelle et barbare est toujours très courante dans le monde de la recherche pharmaceutique. Selon un rapport du National Institutes of Health database, ClinicalTrials.gov, au moins 60,000 tests cliniques de médicaments ont été réalisés depuis l’an 2000 dans 177 pays. Un cas parmi les plus célèbres de cette pratique comporte le décès de 49 nourrissons à New Delhi à l’occasion de tests d’un médicament à visée antihypertensive. L’Inde offre aux Occidentaux une gigantesque industrie de testage thérapeutique. Son avantage commercial est de pouvoir naviguer sous beaucoup moins de contraintes règlementaires et de pouvoir accéder à peu de frais à des « participants » désespérés et vulnérables.
Exploiter les démunis et vulnérables pour la science
On a d’abord commencé à se préoccuper de protéger la population en général des pays avancés, et ensuite des pays moins avancés, contre la recherche scientifique abusive. On mit toutefois plus de temps à protéger des populations captives, moins bien vues ou vulnérables. Par exemple, en 1944 on infecta 432 prisonniers à la malaria au Illinois State Penitentiary à Statesville (E.U.) pour déterminer si un traitement expérimental était efficace. Les consentements, s’était-on évertué à dire, avaient été obtenus… Il a fallu du temps avant que les droits de la personne soient plus concrètement universalisés afin que les populations plus démunies soient réellement protégées contre les empressements et cruautés des chercheurs scientifiques. Et bien entendu, il reste encore beaucoup de progrès à faire.
Faire souffrir les animaux pour assouvir notre curiosité ou pour se procurer de menus conforts
Il est parfois possible d’éviter certaines contraintes déontologiques institutionnelles en exploitant des animaux à la place des humains. Mais encore là, on choisissait toujours l’animal le plus proche de l’humain par commodité alors que celui-là, le chimpanzée, a une intelligence, une sensibilité et une faculté morale beaucoup trop développées pour justifier des recherches dont la plupart ne promettent en rien un gain de bien-être pour les animaux et les humains. Les règles déontologiques encadrant l’utilisation des animaux sont donc devenues graduellement beaucoup plus contraignantes. On continue, à ce jour à exploiter à très grande échelle les animaux pour la recherche médicale, et même pour des recherches ne visant en rien le soulagement des souffrances des animaux ou des humains. En revanche, il est capital de comprendre que c’est la recherche fondamentale qui produit les applications, infiniment plus que la recherche appliquée, et qu’il est possible d’exploiter les animaux tout en leur fournissant une qualité de vie « respectable ». Malheureusement, nous sommes toujours loin du compte. Il apparaît tout de même scandaleux à beaucoup de gens, par exemple, que l’utilisation d’animaux soit encore extrêmement répandue dans le testage de la toxicité de produits cosmétiques. Aux Etats-Unis, une organisation nommée « People for the ethical treatment of animals » (PETA) mène une lutte humaniste dans ce dossier en publiant et gardant à jour une liste de produits cosmétiques n’ayant pas exploité les animaux. Il faut faire plus.
Utiliser l’entreprise scientifique pour essayer d’éradiquer l’homosexualité
Pendant les années 70 et 80 le régime apartheid Sud-africain s’adonna a un simulacre de « recherche scientifique » sur les homosexuels. Avec l’aide des prêtres et de psychiatres on identifia sournoisement et contre leur gré des milliers de gais et lesbiennes parmi les conscrits militaires qu’on a assujetti de force à toutes sortes de techniques cruelles de « reconversion » dont plusieurs étaient « originales ». La thérapie aversive est un terme dont l’allure « sémantiquement neutralisée » cache la barbarie. Elle consiste tout simplement à PUNIR les gens. Les techniques couramment utilisées dans les années 60 à 70 furent l’électrochoc et molécules donnant la nausée. Une des innovations scientifiques les plus bizarres et révoltantes de la démarche Sud-africaine fut de forcer les homosexuels, dans certains cas, à subir une opération de changement de sexe, contre leur gré, une manoeuvre « expérimentale » pour dire le moins. Certains témoins estiment que plus de 900 personnes furent de tels cobayes. Le Dr. Aubrey Levin qui dirigeait ce projet fut par la suite embauché comme professeur au département de psychiatrie de l’École de médecine de l’université de Calagary. Levin devint membre du College of Physicians and Surgeons of Alberta. Présentement, l’homosexualité n’est plus reconnue comme une maladie mentale par l’Association américaine de psychiatrie et 32 des 50 États américains autorisent le mariage gai, tous maintenant validés aussi au niveau fédéral.
Préparer la guerre offensive avec les sciences
Les émotions et motivations négatives telles racisme, homophobie, xénophobie sont de mauvaises conseillères en matière de recherche scientifique. À la rubrique de la xénophobie, on la méprend souvent pour son jumeau siamois, plus présentable, le patriotisme. C’est ainsi qu’il est souvent arrivé que d’immenses réseaux institutionnels de recherche scientifique aient pu être mobilisés pour l’effort de guerre, pour sacrifier les quelques-uns, afin supposément, de « défendre » la nation contre la menace extérieure. Pire, la fine pointe de la recherche militaire au niveau scientifique consiste presque inmanquablement à développer un avantage offensif d’une nation. De ce côté du rideau de fer, par exemple, de sinistres psychiatres ont testé sur des patients sans défense, à leur insu, et à leur grave détriment, de nouveaux instruments de guerre et de torture. La CIA a recruté pendant les années 50 le psychiatre Donald Ewen Cameron pour tester l’efficacité du LSD comme sérum de vérité et comme laveur de cerveau (projet MKULTRA). L’intention était claire. C’était de torturer l’ennemi. Pour ce faire, Cameron a exploité et torturé, à leur insu et dans le plus grand secret, des patients psychiatriques de Montréal. Ce sadique fut le premier secrétaire général de la World Psychiatric Association et il fut président des prestigieuses associations nationales américaine et canadienne de psychiatrie. Le plus ironique item à son CV est d’avoir participé à titre officiel au tribunal de Nuremberg, tribunal qui mit au point des règles de la déontologie en recherche justement inspirées par les horreurs commises par Mengele. Ces règles déontologiques incluaient le droit de consentement, le droit d’être informé des buts de la recherche, le droit au retrait à tout moment sans pénalité, droits que Cameron s’empressa ensuite de bafouer auprès d’infortunés patients psychotiques qui avaient besoin d’LSD comme d’un trou dans la tête. À moins que je ne me trompe, Cameron n’a jamais vraiment été embêté pour ses déviances morales.
On remarque aussi que la CIA est venue faire sa sale besogne sur un peuple d’une autre nation, d’une autre langue… Un autre projet CIA du même type, au nom de code de Project ARTICHOKE eut lieu simultanément. Celui-là était encore plus sinistre et plus secret. On s’y intéressait carrément à l’assassinat par drogue…
En 1954 le gouvernement américain a réalisé une « recherche scientifique » sur la population des Iles Marshall. Il a exposé la population complète à des radiations nucléaires. Il a réfuté l’hypothèse nulle : les femmes faisaient beaucoup plus de fausses couches, la croissance de la population fut compromise et il y eut une montée statistiquement significative de l’incidence de cancers de la thyroïde… À domicile, le gouvernement américain était plus « sélectif ». Il a exposé ponctuellement des milliers d’objecteurs de conscience, des patients psychiatriques, etc, à des radiations. On voulait savoir s’il valait mieux enfoncer des barres radioactives dans les narines, les placer dans la nourriture, dans l’eau, etc. On dénomme cette méthode scientifique « l’étude de cas » ou « démonstration d’existence ».
Le livre Rogue State note qu’entre 1949 et 1969, l’armée américaine a dispersé des organismes de bio-guerre sur plus de 239 zones peuplées afin d’étudier des modèles de vectorisation. Par exemple, en 1955 des bactéries de la coqueluche ont été aspergées autour de la région de Tampa Bay, avec comme conséquence une augmentation de cas de coqueluche de 339 à 1 080 (dont 12 décès) en un an. Un autre exemple est l’exposition délibérée et secrète de navires de guerre américains aux gazes neurotoxiques VX et Sarin durant le Project Shipboard Hazard.
Avant qu’on m’accuse d’anti-américanisme primaire, sachez que l’Union Soviétique n’était pas de reste pour « défendre » ses citoyens contre la menace capitaliste américaine. La police secrète soviétique a expérimenté sur les détenus des goulags en les tuant avec des poisons tels ricine, digitoxine et gaz moutarde. Le but était de déterminer si un poison présenterait la caractéristique « intéressante » de ne pas être détectable par les médecins autopsistes.
Comprendre ce qui se passe entre les deux oreilles en malmenant les gens
Dans un autre ordre d’immoralité, prenons conscience des « indélicatesses » des psychologues d’autrefois. L’exemple le plus cité est le chercheur américain Stanley Milgram qui a convaincu des participants normaux d’électrocuter des personnes (en réalité des acteurs) sans défense qui les suppliaient d’arrêter en hurlant de douleur. Milgram voulait démontrer qu’il y a un monstre dans beaucoup d’entre nous. Il l’a bien démontré, incluant en ce qui le concerne lui-même. De nombreuses autres expérimentations de ce type furent conduites sur des humains non informés des buts des chercheurs. Par exemple, la chercheure américaine Carolyn Wood Sherif a formé deux groupes d’enfants dans un camp d’été, l’un qu’elle laissa en paix et un autre qu’elle encouragea vigoureusement à brutaliser et maltraiter l’autre groupe. Les enfants ne savaient pas qu’il s’agissait d’une recherche. Au fait, les enfants se sont rebellés contre elle et ont entrepris par eux-mêmes de faire la paix, une véritable mutinerie humaniste. Mais le désir de publier peut-être plus fort que tout et Sherif publia la recherche en mettant l’emphase sur sa « découverte « de stratégies de résolution de conflits. Le chercheur américain Wendell Johnson voulut tester son idée selon laquelle le bégaiement serait causé par le stress psychologique. Il entreprit donc de gravement maltraiter psychologiquement 11 enfants. Ceux-ci ne devinrent jamais bègues, mais ils devinrent craintifs, dépressifs et eurent de terribles problèmes d’estime de soi qui perdurèrent bien au-delà du cadre de l’expérimentation. Le père du béhaviorisme lui-même, le psychologue John B. Watson, s’en prit à un garçon et lui présenta un rat, un lapin et quelques autres objets douillets et blancs. En même temps, il présentait un horrible bruit très intense. Son but était de démontrer qu’une phobie peut être induite par l’expérience, qu’elle n’est pas d’origine endogène. Watson n’avait pas prévu qu’il eut été préférable à tout le moins d’avoir en mains une thérapie pour débarrasser le pauvre enfant de la phobie en question. Son « sujet », le petit Albert (11 ans), développa effectivement une phobie. Celle-ci s’étendit à un grand nombre d’objets blancs dont les couvertes, les barbes…
Faire de la désinformation pour l’amour de l’argent
Les motifs des scientifiques véreux varient. Mais très souvent les scientifiques véreux sont « à l’argent » d’une façon ou d’une autre. Comprenons que la technoscience s’est de plus en plus amalgamée à l’entreprise privée et au commerce, à un point tel que la recherche scientifique en milieu universitaire financée par des fonds publics représente aujourd’hui une portion mineure de l’entreprise scientifique. La cupidité des scientifiques, même dans les conditions de travail les plus « pures » peut consister simplement en désir de gravir les échelons de carrière pour de simples avantages (salaire, bénéfices marginaux, flatteries) ou pour empocher de gros paiements ou pour militer pour une société favorisant les riches aux dépens des pauvres. Une forme particulièrement courante est sans doute le scientifique qui, pour simplement garder son emploi et nourrir sa famille, ferme les yeux sur l’exploitation abusive qu’on fera des résultats de ses recherches, la trouille habituelle des petites gens quoi. Une autre forme courante de « faiblesse morale » chez les scientifiques est l’empressement, l’excès de confiance dans ses hypothèses, la conduite cavalière de la recherche scientifique, la ramenardise, l’exagération de l’importance des résultats, etc., le petit traintrain des têtes enflées quoi. On peut retracer ce genre de comportement aussi loin que Ptolémée qui, pense-t-on, aurait « gommé » quelques chiffres encombrants pour persister avec sa théorie géocentrique.
Au chapitre des fraudeurs pour la gloire (et probablement aussi l’argent) on retrouve les cas particulièrement obscènes de Lyssenko sur l’épigénétique en Russie, Wakefield sur l’autisme et Burt sur l’héritabilité de l’intelligence en Angleterre, l’Américain DongPyou Han sur le SIDA, l’Américain McConnell sur l’engramme des planaires, le Coréen Woo Suk Hwang et la Japonaise Haruko Obokata sur les cellules souches clonées, et bien d’autres cas ignominieux.
Finalement, la faute morale des scientifiques la plus répandue n’est jamais publicisée et n’est jamais mentionnée. C’est la paresse. La majorité des professeurs d’université ne fait aucun effort pour contribuer à l’avancement des connaissances… Au-delà de ces indécences au jour le jour, déficiences morales des moutons noirs et chétives personnalités comme il y en a dans chaque famille, il y a tout de même des fautes morales bien plus graves de certains scientifiques où la malveillance active ne peut faire aucun doute : s’adonner à l’imprudence écologique mondiale extrême, cacher des faits gravement dangereux pour la planète, soutenir des propos tendancieux et biaisés (« doubt mongering ») sur les grands enjeux critiques pour la santé publique, voir même pour la survie de l’humanité… tout ça pour des gains monétaires.
En 1984, Robert Jastrow, Frederick Seitz et William Nierenberg ont contribué à la fondation de l’Institut C. George Marshall, d’abord pour défendre le Strategic defense initiative (SDI) de Ronald Reagan contre le boycottage organisé par d’autres scientifiques. À partir de 1984 à 1989, l’Institut exigeait un accès égal au temps d’antenne dans les médias lorsque les physiciens et les ingénieurs ordinaires critiquaient la SDI. Ces scientifiques de service, grassement payés pour ça, s’affairaient alors à justifier la production accrue de matériel militaire en formulant des estimés alarmistes des menaces auxquelles la nation faisait face. Un de ces scientifiques, Frederick Seitz, a aussi travaillé comme consultant pour RJ Reynolds Tobacco Company. Sa principale stratégie en leur nom était de défendre leurs produits par le doute, en soutenant que la science était incertaine et qu’il était donc toujours prématuré pour le gouvernement américain d’agir pour lutter contre le tabagisme.
En 2005, le New York Times a rapporté que le scientifique Philip Cooney, ancien lobbyiste de combustibles fossiles, « chef d’équipe climatique » à l’American Petroleum Institute et chef du président George W. Bush du personnel du Conseil sur la qualité de l’environnement, avait édité à plusieurs reprises des rapports climatiques du gouvernement d’une manière qui minimise les liens entre ces émissions et le réchauffement climatique.
Entre 1989 et 2002, la Global Climate Coalition (CCG), un groupe composé principalement d’entreprises des États-Unis, a utilisé du lobbying et des relations publiques consistant en tactiques agressives pour s’opposer à des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le Protocole de Kyoto. La coalition a été financée par les grandes entreprises et les associations professionnelles de l’industrie du pétrole, du charbon et des salons automobiles. Le New York Times a rapporté que « même si la coalition a travaillé pour influencer l’opinion [vers le scepticisme], ses propres experts scientifiques et techniques conseillaient que la science soutenant le rôle des gaz à effet de serre dans le réchauffement climatique ne peut pas être réfutée. » En l’an 2000, le membership corporatif a diminué entre autres parce que l’organisation était devenue la cible d’une campagne nationale de résistance dirigée par John et Phil Radford Passacantando avec l’organisation intitulée « Ozone Action ».
Selon le New York Times, la Ford Motor Company fut la première entreprise à quitter la coalition. Après cela, entre décembre 1999 et début mars 2000, le CCG a été abandonné par Daimler-Chrysler, Texaco, la Southern Company et General Motors. L’organisation ferma en 2002, ou dans ses propres mots, fut « désactivée ».
La Royal Society a mené une enquête qui a révélé qu’Exxon Mobil affirmait dans une lettre avoir donné 2,9 millions US $ à des groupes américains, dont des scientifiques, pour désinformer sur les changements climatiques. La lettre, qui a été divulguée à la presse, a suscité des critiques, notamment de Timothy Ball, ancien professeur de géographie à l’Université de Winnipeg, et d’autres qui ont soutenu que la Royal Society a tenté de « politiser le financement privé de la science et de censurer le débat scientifique » sic.
Le quotidien The Guardian a rapporté en 2007 qu’après que le Georgia Industry Environmental Coalition (GIEC) eut publié son rapport affirmant le réchauffement anthropique, l’American Enterprise Institute (AEI) a offert à des scientifiques britanniques, américains et d’autres scientifiques individuels 10,000 US $ chacun, plus les frais de voyage, pour qu’ils publient des articles critiques de l’évaluation. L’institut, qui a reçu plus de 1,6 million US $ d’Exxon et dont le vice-président des fiduciaires était l’ancien chef d’Exxon, Lee Raymond, a envoyé des lettres un peu partout et particulièrement aux médias critiquant un panel de l’ONU sur les changements climatiques. Plus de 20 employés AEI ont travaillé comme consultants pour l’administration de George W. Bush.
Au début de 2013, le Guardian a révélé que deux fiducies, le DonorsTrust et le Donors Capital Fund opérant à partir d’une maison dans la banlieue de Washington DC, ont financé 102 think tanks et groupes d’activistes à hauteur de 118 M US $ entre 2002 et 2010. Les donateurs du Parti républicain américain à ces fiducies sont dits représenter un large éventail d’opinions de la droite américaine qui ont trouvé un terrain d’entente contre la lutte au réchauffement anthropique. Des scientifiques ont bénéficié des largesses de ces organisations pour services rendus…
Plus tard, en 2013, le quotidien The Guardian a rapporté que le State Policy Network (SPN), une coalition de groupes de réflexion américains, s’est engagé dans le lobbying secret à la faveur les grandes entreprises et les donateurs de droite. SPN s’est systématiquement opposée à tout renforcement de la régulation du climat. Elle a défendu aussi d’autres causes, y compris la réduction des impôts, des réductions en matière de protection du travail, la limitation des droits des électeurs, le lobbying de l’industrie du tabac. Les bailleurs de fonds de la SPN pour 2010 comprennent AT&T et Microsoft, Time Warner Cable, Verizon, les frères Koch, la famille Walton de WalMart, et Facebook. Dans cet assaut contre la démocratie et contre le bien-être de la population mondiale, plusieurs scientifiques, bien avertis pourtant, entendirent le chant clinquant des sirènes…
S’approprier le monde pour le revendre à prix cher
Il existe quelque chose de sinistre dans la tendance des grandes nations à allier les gouvernements, les entreprises commerciales et l’édifice technoscientifique pour prendre possession du monde et le revendre aux gens au prix fort. Je n’aborderai qu’un exemple, celui des brevets sur les gènes. Les entreprises commerciales cherchent à réserver pour elles-mêmes des technologies développées en partie par elles qui permettent de comprendre et exploiter la nature. Une fois le brevet obtenu, les gouvernements répriment l’utilisation libre (sans redevances) de ces technologies, de repérage de gènes mutants (défectueux) par exemple. Des gens incapables de payer les frais demandés meurent. L’indécence de cette pratique saute aux yeux, d’autant plus que très souvent, une part très importante de la recherche sous-jacente aux technologies en question provient de fonds publics.
Des âmes pures parmi les scientifiques
Bien entendu, il y a de nombreux scientifiques qui se sont inscrits en faux contre les immoralités de l’entreprise scientifique elle-même. Ceci représente, à mon avis, une large majorité d’entre eux. Rappelons que les scientifiques de carrière ont des dossiers criminels beaucoup moins chargés que les politiciens professionnels et que les commerçants… Il y a d’abord ces doux humanistes qui ont œuvré pour l’implantation de normes et contraintes éthiques en recherche scientifique. Et il y a encore mieux, les « whistleblowers » qui, au risque de perdre leur propre bien-être, ont attaqué les nexi les plus virulents…
Voyons d’abord les premiers. Certains triomphes marquants de l’humanisme en recherche scientifique sont assez faciles à relever. Le procès de Nuremburg a donné lieu à un célèbre ensemble de normes éthiques en recherche qui furent très influentes à l’échelle de la planète. En 1946 le Dr Leo Alexander avait présenté à l’avocat de la poursuite pour crimes de guerre six points définissant la recherche médicale légitime. Le verdict du procès a adopté ces points et a ajouté un supplément de quatre points additionnels. Les dix points constituaient le «Code de Nuremberg». Ce Code de Nuremberg et la « Déclaration de Helsinki » sont devenus la base législative de codes déontologiques de nombreux pays et États. Concernant le recrutement, non plus de « sujets » mais de « participants », le code de Nuremberg comprend des principes tels que l’obligation d’obtenir un consentement éclairé et sans contrainte, de donner une information complète quant à l’expérimentation scientifique et de bienfaisance envers les participants des expériences.
Le rapport Belmont fut créé par la National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical and Behavioral Research (USA). Son titre complet est le rapport Belmont : Principes et lignes directrices pour la protection des sujets humains de la recherche, Rapport de la Commission nationale pour la protection des sujets humains de recherche biomédicale et comportementale éthiques (1978). Le rapport Belmont résume les principes et les lignes directrices en éthique pour la recherche avec des sujets humains. Trois principes fondamentaux ont été identifiés : le respect des personnes, la bienfaisance et la justice. Trois principaux domaines d’application sont également indiqués. Ils sont le consentement éclairé, l’évaluation des risques et des avantages, et la sélection non biaisée des participants.
Scientists for Global Responsibility (SGR) est une organisation basée au Royaume-Uni qui a été formée en 1992 de la fusion des Scientists Against Nuclear Arms (SANA), Electronics and Computing for Peace (ECP) et Psychologists for Peace (PfP). Ces organisations avaient été initialement mises en place pour la campagne pour réduire l’utilisation généralisée de la science et de la technologie à des fins militaires. En particulier, ils ont cherché l’élimination des armes de destruction massive. Cependant, avec l’éclatement de l’Union Soviétique et la fin de la guerre froide, avec la prise de conscience de la menace du changement climatique, diverses organisations ont décidé de fusionner et élargir leur champ d’intérêt et d’action. Ils ont évolué vers une préoccupation générale concernant l’utilisation abusive de la science et de la technologie pouvant menacer la vie humaine et l’environnement en général. Plus particulièrement, elles ont abordé les thèmes des émissions à effet de serre, la barbarie associée aux guerres, les effets pernicieux de l’agro-industrie, les problèmes de la surpêche en haute mer, la prolifération des armes nucléaires, le risque d’accidents nucléaires, etc. À peu près au même moment, la British Society for Social Responsibility in Science (BSSRS) s’est dissoute et plusieurs de leurs membres ont également rejoint SGR. En 2005, les Architects and Engineers for Social Responsibility (AESR) – une autre organisation basée au Royaume-Uni qui a travaillé sur bon nombre des mêmes questions – a rejoint la famille SGR. AESR avait été formé en 1991 par la fusion des architectes pour la paix (AFP) et Ingénieurs pour la responsabilité sociale (RSE), ce dernier ayant été créé lorsque les ingénieurs pour le désarmement nucléaire a décidé d’élargir son mandat.
L’idée d’un serment d’Hippocrate pour les scientifiques a été suggérée par Joseph Rotblat dans son discours d’acceptation du prix Nobel de la Paix en 1995. L’éthique et responsabilité morale en sciences était une cause à laquelle Rotblat adhérait passionnément. Il fut le seul scientifique à avoir démissionné du projet Manhattan visant à développer la bombe-H américaine. Rotblat fit campagne pour un serment d’Hippocrate pour les scientifiques pendant de nombreuses années jusqu’à sa mort en 2005. Encore aujourd’hui, on accorde partout au monde les plus hauts diplômes, dans plusieurs secteurs scientifiques, sans que le diplômé n’ait jamais eu à prendre quelque engagement moral que ce soit. Pourtant, de telles études réussies sont porteuses et garantes de la transmission de capacités de faire un mal inouï. À tout le moins peut-on affirmer que les institutions de haut savoir scientifique tardent à implanter la formation éthique, ou au moins la réflexion morale, comme cursus obligatoire. On laisse cela aux soins des ordres professionnels, mais cette façon de faire laisse dans les limbes tous ces très nombreux diplômés qui pourront faire de la recherche scientifique privée en solitaires ou dans l’industrie et le commerce sans encadrement par quelque ordre professionnel que ce soit.
En 2007, le conseiller scientifique principal du gouvernement britannique, David King, a formulé un « code éthique universel » pour les chercheurs à travers le monde. Le gouvernement britannique a déjà adopté ce code.
Les sept principes du code, destiné à guider les actions des scientifiques, sont les suivants :
- Agir avec compétence et diligence dans tout travail scientifique. Maintenir ses compétences à jour et faciliter leur développement chez les autres.
- Prendre des mesures pour prévenir les pratiques de corruption et de faute professionnelle. Déclarer tout conflit d’intérêts.
- Être attentif à la façon dont la recherche affecte et provient du travail d’autres personnes, et respecter les droits et la réputation d’autrui.
- S’assurer que son travail est légal et justifié.
- Réduire au minimum et justifier tout effet indésirable que son travail peut avoir sur les gens, les animaux et l’environnement naturel.
- Chercher à discuter des questions que la science soulève pour la société. Écouter les aspirations et les préoccupations des autres.
- Ne pas induire sciemment en erreur, ou permettre à d’autres d’être induits en erreur, sur des questions scientifiques. Présenter et examiner les preuves scientifiques, théories ou interprétations honnêtes et précises.
L’actualité en matière de règles déontologiques pour scientifiques
À tout ce qui précède, il est important d’ajouter que de nouvelles exigences morales sont à l’horizon dans le monde scientifique. De plus en plus de périodiques scientifiques et de bailleurs de fonds exigent maintenant que les auteurs déclarent leurs sources de financement ainsi que la contribution scientifique de chaque auteur. On ne demande pas de spécifier les sources de tout salaire ou de tout autre revenu (ce qui laisse une grande marge de manœuvre à la corruption) car, semble-t-il, cette invasion de la vie privée dépasserait les bornes… Il n’y a pas non plus de registre public de ceux qui ne respectent pas les termes de leurs engagements déontologiques en recherche. Le chercheur ne pourra typiquement être puni que via une vendetta de ses collègues qui sont aussi ses compétiteurs. En psychologie, il est maintenant exigé par les comités de certification déontologique que le participant comprenne l’enjeu de la recherche, c’est-à-dire que toute forme de déception est maintenant interdite –ce qui est TRÈS contraignant dans certains secteurs de recherche. L’anonymat des participants est tellement protégé aujourd’hui qu’il est devenu extrêmement difficile de faire de la recherche sur les dossiers médicaux des patients, par exemple. Le chercheur n’y a tout simplement aucun accès direct. Heureusement, les pays scandinaves ont une approche beaucoup plus collectiviste à cet égard, évitant la dérive de l’absolutisation des droits individuels. Le plagiat est devenu une telle préoccupation dans le milieu universitaire qu’un professeur ou étudiant peut être semoncé pour avoir plagié ne serait-ce qu’une phrase de ses propres publications. Autant il est facile de plagier en cette ère d’ordinateurs et d’internet, autant il est aussi très facile de démasquer les plagiats. Certains organismes publics comme le National Institute of Mental Health (NIMH) exigent que les recherches scientifiques financées par elles soient mises à la disposition immédiatement et gratuitement du grand public via internet, incluant toute publication par périodique, mais dans l’ensemble la publication scientifique reste largement inaccessible au grand public. Certains commentateurs et quelques institutions affirment qu’il faut rapidement généraliser la publication immédiatement, universellement et gratuitement accessible sur internet tandis que certaines universités (c.f., Université de Liège) vont même jusqu’à exiger de leurs professeurs qu’ils publient sur internet libre la version prétypographiée de leur article ou chapitre. Malgré les incessantes tentatives des entrepreneurs d’exploiter le capital humain universitaire financé par l’État, par exemple en faisant payer les auteurs pour publier, voire même pour distribuer, le monde des universitaires résiste vigoureusement, par exemple en créant en grand nombre de revues scientifiques entièrement bénévoles sur la plateforme internet financée maigrement par les institutions publiques ou privées telles les universités, en plaçant leurs articles sur des sites internet divers, en prépubliant sur internet, etc.
Des héros scientifiques qui risquèrent beaucoup pour les autres
Mahatma Gandhi et Nelson Mandela eurent pu vivre en paix si seulement ils avaient accepté de taire leurs revendications morales. Il y a des personnages de cet acabit parmi les scientifiques. Ils sont peu connus du grand public. Faisons l’hommage de quelques-uns d’entre eux. Jeffrey S.Wigand a travaillé comme chercheur pour une multinationale du tabac. Il est devenu nationalement connu comme un dénonciateur le 4 février 1996, quand il est apparu sur le programme de nouvelles de CBS 60 Minutes et a déclaré que Brown & Williamson avaient intentionnellement manipulé son mélange de tabac pour augmenter la quantité de nicotine dans la fumée de cigarette. J’ai fait son éloge dans un numéro précédant de Québec humaniste.
David Graham fut médecin et employé de la Food and Drug Administration (FDA/É.-U.). Lors d’une audition au Sénat américain sur la FDA et les conflits d’intérêts Graham affirma que les pharmas laissent le pays « pratiquement sans défense » contre les problèmes de médicaments dangereux. Spécifiquement, il s’agissait du retrait de Merck et Co de leur médicament anti-douleur Vioxx en septembre 2004 pour cause d’environ 27 000 accidents vasculaires cérébraux, crises cardiaques et décès.
Bruce Boler, un biologiste de l’EPA, a démissionné en 2003 pour protester contre l’acceptation par l’EPA d’une étude d’un développeur qui a conclu que les zones humides dégagent plus de polluants qu’ils n’en absorbent. L’étude suggérait que les terrains de golf et d’autres développements seraient mieux pour l’environnement.
L’entreprise scientifique Alliée ou ennemie de l’humanisme ?
Ce qui précède pourrait amplement suffire à inspirer une âme suspicieuse ou phobique à détester ou craindre l’entreprise scientifique et s’y opposer ou la fuir de front. Mais tout autant, ce qui précède pourrait suffir à inspirer une âme optimiste à embrasser les sciences tout en les absorbant et pratiquant avec autant de rigueur morale et de prudence que possible. Une position qui apparaît maintenant intenable, du moins je l’espère, est de se positionner comme défenseur inconditionnel de l’entreprise scientifique et de toute personne scientifique. CE QUI EST englobe, d’une certaine façon, CE QUI DOIT ÊTRE. Nous avons tous réellement des sentiments éthiques qui, pour la plupart, ne sont pas rationnels. Cela EST !
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