Michel Virard

Michel Virard

Président de l'AHQ

Michel Virard est un des fondateurs de l’AHQ en 2005 avec Bernard Cloutier et Normand Baillargeon. Ingénieur et entrepreneur, il a également été administrateur des Sceptiques du Québec. il est depuis les tout débuts l’une des âmes dirigeantes de l’AHQ. 

Le mois de décembre comprend deux dates chères aux humanistes. Non, pas le 25 décembre ou la Saint-Sylvestre ! Il s’agit du 10 décembre, qui est la Journée internationale des droits humains et la Fête des Lumières humanistes qui se tient à une date très proche du solstice d’hiver, donc un peu avant Noël. Cette dernière, si vous êtes un de nos lecteurs, vous la connaissez déjà.

La Fête des Lumières humanistes fait explicitement référence à cette période qu’Emmanuel Kant avait caractérisée dans sa célèbre réponse à la question: « Qu’est-ce que les Lumières ? » En fait, le terme allemand, Aufklärung, fait plutôt référence à un « éclaircissement », mais ne chipotons pas !

« Les Lumières sont ce qui fait sortir l’homme de l’immaturité qu’il doit s’imputer à lui-même. L’immaturité consiste dans l’incapacité où il est de se servir de son intelligence sans être dirigé par autrui. Il doit s’imputer à lui-même cette immaturité, quand elle n’a pas pour cause le manque d’intelligence, mais l’absence de la résolution et du courage nécessaires pour user de son esprit sans être guidé par un autre. «Sapere aude», aie le courage de te servir de ta propre intelligence ! Voilà donc la devise des Lumières. »

Malheureusement, ceux qui font usage de leur propre entendement, tels les libres-penseurs, ne sont pas toujours bienvenus au sein de leur propre société. C’est pour cela que l’IHEU (International Humanist & Ethical Union) à laquelle nous sommes affiliés, a lancé son dernier rapport, de façon très appropriée, le 10 décembre 2014. Cette Journée des Droits de l’homme, créée par les Nations-Unies, existe depuis 1950. Mais l’IHEU ne produit un rapport annuel sur l’état de la liberté de pensée dans le monde que depuis 2012. Le rapport de 2012 avait 72 pages, celui de 2013, 244 pages, celui de 2014, 542 pages. On peut ainsi assister, comme au ralenti, à l’éclosion de quelque chose de nouveau. Une prise de conscience qui n’existait pas vraiment auparavant. Pourquoi maintenant et pas avant ? Plusieurs phénomènes s’entrecroisent et se rejoignent finalement dans ce rapport qui liste de façon de plus en plus précise l’état des discriminations et persécutions subies par les personnes qui refusent de croire aux dogmes des religions dominantes.

Ce qui frappe en parcourant le rapport 2014, c’est l’étendue du désastre. En soi, ce sera pour certains une révélation : « Quoi, les athées sont persécutés ? » Grande découverte ! Les non-croyants sont discriminés essentiellement dans tous les pays de notre planète. Même dans le très petit nombre de pays qui ont des constitutions officiellement laïques, même dans ceux qui prétendent prêcher la neutralité de l’État.

Ce Monde qu’on voudrait « moderne », comprend aussi des sphères complètement contrôlées par des systèmes de pensée totalement opposés aux Lumières de Kant. Dans ces régions, on ne parle plus de discrimination, mais bien de persécution en particulier lorsqu’une apostasie, avouée, déclenche automatiquement un verdict de culpabilité et une sentence de mort, exécutable au besoin par la foule des fanatiques.

Entre ces deux extrêmes, on trouve souvent un fatras de lois anciennes, anti-blasphèmes, plus ou moins utilisées selon l’humeur du temps et du lieu, et surtout une foule d’arrangements locaux ou nationaux, qui octroient des privilèges exorbitants aux religions dominantes, aux frais de tous les contribuables, athées compris. On trouve aussi, preuve d’une imagination débordante, des exemptions de toutes sortes, allant de l’exemption du service militaire aux exemptions de multiples taxes (et même de droits de douane !) aux emplois réservés à ceux de la « bonne » religion.

Ce que nous découvrons peu à peu avec chaque nouvelle édition du rapport IHEU c’est l’invraisemblable pénétration du religieux dans toutes les sphères d’activité du citoyen : économique, politique, sociale, militaire, vie privée, éducation, … et j’en oublie, c’est certain. Or, au moins en Occident, cette mainmise du religieux sur la vie de tous, croyants et non-croyants, est habilement cachée du débat public. Il faut des incidents exceptionnellement graves pour que la nature anormale de ces privilèges, exemptions, passe-droits, fassent, très temporairement, surface dans les médias. Ce fut le cas des évêques couvrant des prêtres pédophiles. Pour ces évêques, l’idée qu’un prêtre n’est passible que des tribunaux ecclésiastiques allait de soi, mais cette idée, scandaleuse en elle-même, n’a pas toujours fait réagir les autorités civiles, pourtant au courant. Le bénéfice du doute a toujours été, et est encore, au profit des religions et de leurs représentants, rarement des athées.

C’est donc avec gratitude que nous accueillons l’initiative de l’IHEU. Son rapport est un outil indispensable au nécessaire changement de perception que nous, les humanistes du Québec, appelons de tous nos vœux.

Réf. le rapport IHEU complet est en ligne gratuitement à http://assohum.org/Media/FOT/FOT2014Full2014%20.pdf Les pages sur le Canada sont de 201 à 205.

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