Rencontrez notre camarade Roger Léger

par Avr 2, 2014Québec humaniste, Qui sommes-nous?0 commentaires

CLAUDE BRAUN

CLAUDE BRAUN

Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"

Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque"  et est depuis quelques années l'éditeur en chef  de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec  les compliments de l'auteur.

NDLR Cette page poursuit une série limitée de présentations que nous allons faire de certains membres en règle de l’Association humaniste du Québec. Nos critères de sélection sont très subjectifs. Nous pensons à ceux et celles parmi nos membres qui ont une personnalité unique, qui ont vécu une vie intéressante, qui ont une présence marquée dans notre association. Au dernier numéro de Québec humaniste nous vous avons présenté notre camarade de longue date Max Bauchet. Nous vous présentons ici un autre camarade notoire de longue date. Vous risquez de le rencontrer lors des agapes humanistes alors si vous ne le connaissez pas, regardez bien la photo et profitez des occasions d’échanger avec lui.

Né en 1928 au Nouveau-Brunswick, près de Moncton, Roger Léger, détenteur d’un B.A., d’un B.PH et d’une licence en philosophie de l’Université Saint-Paul d’Ottawa, a terminé en 1986 sa carrière dans l’enseignement au Collège militaire royal de Saint-Jean-sur-Richelieu, où il réside toujours.

Durant sa carrière, il a fondé le mouvement Emmaüs de l’Abbé Pierre à Hull (aujourd’hui Gatineau), en 1957, fut président fondateur des Amis du Devoir Ottawa-Hull en 1958, a été l’un des initiateurs du Rassemblement pour l’indépendance Nationale, le RIN, en 1959-1960 avec le groupe de Hull, où l’on retrouvait entre autres personnages son ami Marcel Chaput, puis a été candidat du RIN aux élections de 1966 dans le comté de Hull.

En 1972-1973, il produisait une série télévisée pour Télé-Québec sur l’histoire du Québec en 13 émissions d’une heure, Tam ti delam. Le livre « Classes sociales et pouvoir politique au Québec, perspective historique », publié chez Leméac en 1974, en collaboration avec l’historien Rosario Bilodeau, reprend trois des treize émissions de la série consacrées aux structures sociales et politiques de la société québécoise des origines à 1867. Il a dirigé la revue Idées et pratiques alternatives, qu’il a fondée avec Jacques Lazure et Pierre Vallières (1983- 1986). En 1989, avec la collaboration d’André Joyal, il publiait à sa maison d’édition, les Éditions du Fleuve, une anthologie des articles publiés dans la revue Idées et pratiques alternatives, sous le titre Alternatives d’ici et d’ailleurs.

Parallèlement à ce parcours professionnel, Roger Léger s’est beaucoup engagé politiquement et socialement. Il a publié le Rapport Brundtland de la Commission mondiale des Nations unies sur le Développement Durable, Notre Avenir à tous, en 1988, dont il détient les droits exclusifs pour l’édition française; il le rééditait, en 2005, à sa maison d’édition, les éditions Lambda. Il prépare une cinquième édition qui paraîtra en mars 2014. Il a fondé la Fédération acadienne du Québec en 1987 et éditait plusieurs livres sur l’Acadie durant les années 1987 à 1992.

Il a été le traducteur, avec Guy Thériault, et l’éditeur, en 2009, du livre Une Saga acadienne de Me Warren Perrin, alors président du Conseil pour le développement du français en Louisiane; il a siégé pendant une dizaine d’années au conseil d’administration de l’Alliance française du Vermont (1998-2008). Il préfaçait la réédition des Journaux du Marquis de Montcalm et du Chevalier de Lévis chez Michel Brûlé, en 2007 et 2008. Il collabore actuellement à la publication d’un livre sur l’Acadie mondiale avec Me Warren Perrin de la Louisiane, qui paraîtra à l’été 2014; il travaille également à la réédition de l’œuvre d’un historien acadien oublié, le Frère Antoine Bernard, dont il compte faire paraître Histoire de la Louisiane, le Drame acadien, La Survivance acadienne, 1755-1935, et la Gaspésie au soleil, tous quatre couronnés par l’Académie française.

À Saint-Jean-sur-Richelieu, il présidait à la fondation de la Maison des Jeunes, Le Dôme, en 1982, et lançait la Coopérative de solidarité artistique et culturelle Arto, en 2002. Il mettait sur pied, en janvier 1999, l’Alliance du Haut-Richelieu, organisme voué à la promotion de la fusion des cinq municipalités de l’agglomération de St-Jean-sur-Richelieu, qui s’est concrétisée en 2002.

Depuis près de vingt ans il travaille à une version française d’une grande œuvre chinoise, le Tao te King ou le Daodejing comme on l’appelle aujourd’hui. L’étude de Lao-Tseu et de la pensée chinoise a été un moment de son évolution intellectuelle. Il se sentait mal à l’aise dans les traditions judéo-chrétienne et grécoromaine dans lesquelles il avait été formé ; il rejetait la conception biblique (pace Charles Taylor !) du monde dominé par un dieu personnel, faite d’anges et d’archanges et de paradis terrestre et d’enfer céleste ; il étouffait dans une certaine philosophie sclérosée qu’on lui avait enseignée à l’université, et était plutôt en accord, ou mieux encore, totalement donné à la vision du monde que nous donnent les sciences. La lecture de ces quelques 81 petits poèmes philosophiques de Lao-Tseu lui avait procuré une vision de l’univers qui lui semblait plus en accord avec la science moderne que ne l’était ou pourrait l’être la théologie chrétienne – c’est du moins aussi l’avis de Bertrand Russell – ou que sont les rêveries de Platon – rêveries que Jean Grondin reprend dans son dernier livre publié en 2013. Ou même celles de Spinoza, discourant sur Dieu avec une assurance souveraine.

Le Dao de Lao-tseu lui paraissait moins « extravagant » que le dieu de la Bible ou le dieu trin des Chrétiens. Il trouvait que le Dao de Lao-tseu avait quelque ressemblance avec le Dieu de Spinoza ou d’Einstein, de Claude Lévi-Strauss ou de Carl Sagan. Et l’Ineffable de Lao-tseu, à son grand plaisir, « n’était point fâché contre ses créatures », pour paraphraser Voltaire parlant du Dieu de la Bible. Il ne les condamne pas aux feux éternels, comme le fait le doux Jésus des Évangiles. « La voie du Ciel profite à tout ce qui existe, écrivait Lao-tseu, et ne nuit à personne, la voie du sage est d’œuvrer sans rivaliser avec personne. » (c. 81) C’est sur cette pensée que se termine le Dao de jing.

Son athéisme s’est développé assez tôt, et il se souvient du moment où il est devenu définitif. Son éveil s’est fait par étapes, et définitivement un soir de l’automne de 1953, avenue Élizabeth, près des remparts, à Québec. Cette soirée avait été l’aboutissement de son processus d’apprentissage en philosophie et la résolution des problèmes surgis en lui lors de ses cours en Thomisme orthodoxe de cette noble institution qu’était le Séminaire Saint-Paul d’Ottawa, aujourd’hui l’Université du même nom. Cet éveil, cet événement est arrivé sans crier gare, a duré près de trois heures, entre 19 et 22 heures, un soir d’un novembre pluvieux, et a mis fin à une période trouble de sa vie.

Il se souvient encore de l’intensité de ces heures à arpenter sa chambre d’étudiant, passant en revue les arguments des philosophes sur la question de Dieu, (il le prenait personnel comme on dit) de Platon à Thomas d’Aquin, au très rationaliste Descartes, au terrible Leibniz, à Kant, Maine de Biran, Bergson, Gilson ou Maritain, les rejetant tous juvénilement et avec déchirement les uns après les autres. Dieu était devenu dorénavant pour lui un concept inconsistant, contradictoire, impossible et inutile. Peut-on sérieusement affirmer l’existence d’un Être infiniment bon, tout puissant et infiniment sage? C’est avoir perdu l’esprit, croit-il, avoir abandonné toute raison, que de l’affirmer. Les hommes préfèreront toujours croire ce qu’ils souhaitent être vrai, pensait Francis Bacon.

« Je mourrai étonné, dit-il, avec le sourire du Bouddha ou de Voltaire. Mais avec quelques regrets. À la fin de sa vie, on ne peut que dire, avec Omar Khayyâm : « Nés comme de l’eau, nous passâmes comme du vent. »

Il a ses 85 ans assez verts et compte bien mourir centenaire.

 

 

 

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