Compte-rendu de la conférence de Max Bauchet sur les dispositions à prendre pour sa propre mort digne

par Jan 7, 2013activités, Droits humains, Québec humaniste, Transcriptions de conférences0 commentaires

CLAUDE BRAUN

CLAUDE BRAUN

Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"

Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque"  et est depuis quelques années l'éditeur en chef  de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec  les compliments de l'auteur.

Dans la foulée du dépôt en 2012 de plusieurs rapports importants sur la règlementation Canadienne et Québécoise pour assurer le droit à une mort digne, dans lesquels la question de l’euthanasie et/ou du suicide assisté figurent toujours de manière oblique (Fédération des médecins spécialistes du Québec, Société royale du Canada, Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité du gouvernement du Québec), dont nous avons fait état dans la présente revue, il était temps pour les humanistes d’entendre un des leurs leur parler “cartes sur table” des moyens qu’ils ont à leur disposition aujourd’hui pour s’assurer eux-mêmes d’une mort digne, d’une mort qui corresponde à leurs valeurs, -incluant, sans retenue, la question de l’euthanasie et du suicide assisté. Il faut savoir qu’au Québec l’AQDMD (Association québécoise pour le droit à une mort digne) est très performante et très active pour moderniser le Québec en cette matière. C’est pourquoi un auditoire respectable d’humanistes a écouté avec grand intérêt un des leurs, Max Bauchet, leur présenter au Centre humaniste de Montréal, le 17 janvier 2013, leurs options et le contexte très actuel d’application de ces options, pour une mort digne, compatible avec les valeurs de l’humanisme. Max est très bien placé pour celà. Il fut présent à la réunion fondatrice de l’AQDMD, y fut toujours très actif et très présent, et il a donné, bénévolement, des séances publiques sur les dispositions que l’on peut prendre pour une mort digne.

L’objectif de la conférence fut donc de rendre compte du contexte actuel des soins en fin de vie au Québec et des options qui se présentent aux citoyens individuels pour s’assurer des meilleures conditions de soins en fin de vie et de mort une fois que les soins seront devenus sans intérêt pour la personne. Le contexte était particulièrement excitant car un avocat, Maître Jean-Pierre Ménard, venait la veille de déposer son rapport commandité par le gouvernement du Québec spécifiant comment mettre en œuvre, législativement, une modernisation des soins en fin de vie au Québec.

Max a d’abord exprimé sa joie de constater un grand progrès du cadre législatif envisagé des soins en fin de vie, cadre qui donne beaucoup plus de pouvoir au citoyen ordinaire pour décider de la nature des soins en fin de vie. Le gouvernement entend entre autres protéger le citoyen contre l’acharnement thérapeutique forcé. Un cadre de valorisation des soins palliatifs est aussi précisé. Finalement le rapport propose des démarches futures pour que le Canada et le Québec puissent s’harmoniser pour accorder aux citoyens et même leur garantir certains droits à l’assistance à mourir.

Ensuite, le gros de la conférence de Max a porté sur les démarches pratiques et concrètes que les citoyens peuvent faire pour s’assurer une mort digne. Ceci se décline en trois étapes: a) les « Directives médicales anticipées », b) le « Mandat en cas d’inaptitude », et c) la carte de l’AQDMD pour portefeuille, pour les cas d’accident ou de perte soudaine de conscience. Dans ce cadre, il a aussi expliqué comment on peut augmenter nos chances de faire respecter nos désirs en matière de dons d’organes et d’euthanasie…

Max a donc bien expliqué en quoi il est important de compléter un formulaire rendant explicites nos souhaits concernant le non acharnement thérapeutique. Le testament n’est pas l’endroit approprié, selon Max, pour faire de telles spécifications: il vise à orienter le notaire pour la disposition du patrimoine matériel. Sa finalité fait en sorte qu’il risque de passer inaperçu au moment de l’hospitalisation en cas d’accident ou de crise médicale… Il est donc souhaitable de compléter à cet effet un formulaire long de l’AQDMD spécifiant les divers traitements que l’on ne souhaite pas subir au delà d’un certain niveau de déchéance, de perte d’autonomie, de souffrance. Il est important de ne laisser aucune ambiguïté afin de bien encadrer l’équipe soignante. Il est important de choisir des témoins partageant la même idéologie, qui sont plus jeunes. Et qui n’ont pas d’intérêt quant à la succession, pour servir de témoins-signataires du dit document…

Le formulaire long de l’AQDMD peut être télédéchargé directement du site internet de l’Association. Max a aussi bien expliqué que sur ce même formulaire, on peut très bien spécifier que l’on demande l’euthanasie dans certaines circonstances, même si ce geste reste illégal au Canada. En effet, l’euthanasie est pratiquée à tous les jours au Québec sous la forme de sédation forte et miséricordieuse lorsqu’il n’y a pas d’objections de la part de la famille et que les désirs du patient sont connus. Cette pratique n’est d’ailleurs plus un tabou puisque tous les rapports sur les soins en fin de vie, même gouvernementaux, en font état. Max a fait valoir aussi qu’il est bon de spécifier sur ce formulaire que l’on souhaite faire don de ses organes, -ce qui aide aussi à faire comprendre que sa demande d’euthanasie est sérieuse -entre autres bénéfices. On peut aussi y spécifier que l’on demande qu’aucune manifestation religieuse ne fasse partie des soins prodigués en fin de vie, ce qui milite aussi pour faire prendre au sérieux notre souhait d’une assistance à mourir (toujours dans les circonstances que l’on aura spécifiées).

Deuxièmement, il y’a un autre formulaire qui doit être complété, aussi disponible gratuitement sur le site internet de l’AQDMD, le mandat en cas d’inaptitude. Ici, on ne désigne qu’un seul mandataire, mais deux témoins doivent attester. À sa manière colorée, Max a fait comprendre à l’auditoire que la présence d’un pitbull officiellement mandaté saura faire reculer le plus borné et le plus arriéré des médecins traitants. Dans la même veine, Max a expliqué qu’on ne contrôle pas qui, de la famille, se pointera au chevet du mourant pour essayer d’influencer l’équipe soignante (particulièrement le médecin soignant). Il est donc important de faire connaître à l’avance ses désirs à toute la famille immédiate afin que les embrouilles et les guerres d’interprétation puissent être évitées le moment venu. Le choix des mandataires se base sur leur tempérament « affirmé », leur solidarité avec les projets de fin de vie, et aussi leur proximité physique: ils doivent être plus jeunes, et ils doivent habiter à proximité, afin de se présenter physiquement au chevet du malade pour faire respecter ses droits.

Finalement, Max recommande que soit préparée une carte, elle aussi téléchargeable du site internet de l’AQDMD, intitulée « Dispositions en cas d’accident ». En effet, en cas d’accident ou de crise médicale, on fouillera le porte-monnaie de l’accidenté pour trouver sa carte d’assurance maladie, et on pourra y trouver la carte en question qui spécifiera qu’il existe des Directives médicales anticipées, et le nom et numéro de téléphone des deux mandataires.

Finalement, Max s’est autorisé à soulever des points qui sont d’actualité dans des pays comme la Belgique, qui ne relèvent que de l’avenir -quand l’humanité aura sérieusement progressé dans la modernité. En Belgique, il est possible d’obtenir une assistance médicale pour mourir même si la vie n’est aucunement menacée, il n’y a aucune souffrance, et le patient est complètement lucide. Des cas concrets de situations de ce type incluent un patient quadraplégique, un patient amputé des quatre membres, et les deux frères jumeaux, de nationalité belge, sourds et devenus aveugles, qui ont demandé et obtenu un service médical d’euthanasie. Problématique d’avenir: n’y aura-t-il pas lieu à de très rares occasions, à l’avenir, de terminer la vie de nouveau-nés venus au monde avec des afflictions tellement graves qu’aucune qualité de vie ne puisse être envisagée, et que tout l’avenir ne puisse consister qu’en souffrance inutiles… ?

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