Droit de mourir dans la dignité: Lectures à faire et réflexions du point de vue de l’humanisme séculier

par Jan 15, 2012À propos de l'AHQ, Articles de fond, Éthique, Québec humaniste0 commentaires

CLAUDE BRAUN

CLAUDE BRAUN

Administrateur et éditeur en chef du "Québec humaniste"

Claude Braun a été professeur de neurosciences cognitives à l'UQAM de nombreuses années. Retraité depuis peu, Il a publié nombres de documents de recherches sur le sujet. Il a été également éditeur du "Québec laïque"  et est depuis quelques années l'éditeur en chef  de notre revue "Québec humaniste" Il a également publié "Québec Athée" en 2010. Téléchargeable gratuitement en utilisant ce lien avec  les compliments de l'auteur.

Le droit à la mort digne est une des préoccupations majeures des humanistes.

Ce sont les humanistes séculiers qui ont été à l’avant-garde du développement des soins palliatifs de pointe pour les malades en fin de vie. De surcroît, ce sont les humanistes séculiers qui ont été à l’avant- garde des législations et services en fin de vie pour le droit à une mort digne, pouvant inclure l’aide au suicide.

Le point de vue des humanistes est particulièrement précieux car ceux-ci arriment la réflexion éthique en profondeur, les sciences ainsi que la modernité dans son ensemble, le tout sans référence aux dogmes et archaïsmes religieux qui empoisonnement le débat, retardent le déploiement d’une modernité éclairée et promouvaient des souffrances inutiles et interminables et contraintes absolutistes et dogmatiques en fin de vie.

On trouve des législations particulièrement modernes et émancipées en Hollande, Belgique, Suisse et quatre des États américains. Mais les besoins des gens en fin de vie sont loin d’être comblés par ces législations, même les plus éclairées, dans les pays les plus démocratiques, riches et modernes de la planète.

Le débat sur le droit à une mort digne a fait rage au Québec en 2011 avec la mise sur pied de la Commission Spéciale sur le Droit de Mourir dans la Dignité du Gouvernement du Québec. Les travaux de cette Commission sont maintenant terminés et les législateurs québécois se penchent maintenant sur le dossier en vue d’une réforme de la loi. Beaucoup de mémoires y ont été déposés, incluant de membres de l’Association humaniste du Québec (en voir un exemplaire sur le site web de l’AHQ).

La question du droit à une mort digne est d’une complexité inouïe. Beaucoup de points de vue doivent être tenus en ligne de compte par le législateur, ceux des malades eux-mêmes (associations de patients, associations de personnes handicapées, etc.), exécutants juridiques (Barreau, Chambre des notaires), professionnels de la santé (médecins, infirmières, travailleurs sociaux, et autres professionnels), spécialistes de l’éthique, groupes d’intérêt et groupes ethnoculturels avec sensibilités particulières.

Pour les humanistes de notre association, un certain nombre de préoccupations viennent à l’esprit. Au Québec, les organisations et les professionnels salariés dans le secteur des soins de fin de vie sont, dans une proportion très élevée, d’orientation catholique zélée. Ce milieu est non seulement rébarbatif à une réforme laïque et humaniste du cadre juridique des soins en fin de vie, mais il est rébarbatif au droit au non acharnement thérapeutique et à fortiori à l’assistance au suicide. Ensuite, le fait que la question du suicide assisté relève du gouvernement fédéral ne peut surement pas rassurer les humanistes qui en sont à penser à gérer leur propre fin de vie: le gouvernement fédéral actuel ne s’est pas montré réceptif au projet de loi bloquiste (appuyé par le NPD) de mort digne, déposé par l’honorable Francine Lalonde.

Cependant, rien ne peut arrêter le progrès. La population québécoise est majoritairement favorable à une législation encadrant le droit à une mort digne. De même, presque tous les groupes, organisations et individus ayant soumis des mémoires à la Commission Spéciale sur le Droit de Mourir dans la Dignité du Gouvernement du Québec, consultation ayant eu lieu surtout pendant l’année 2011, appuient diverses pistes vers la modernisation, la laïcisation, et la libéralisation du cadre juridique québécois des soins en fin de vie.

Les humanistes qui commencent à penser à gérer leur fin de vie se tourneront avantageusement vers le site internet de l’Association québécoise pour le Droit de Mourir dans la Dignité (voir le texte de sa présidente, Mme Bolduc, qui précède celui-ci).

Bientôt, sans doute, il sera utile de se tourner aussi vers son notaire. Sarto Blouin nous apprenait par exemple, lors de sa conférence récente au Centre humaniste (voir l’encadré de la page précédant ce texte), qu’il y a lieu de clarifier le statut d’un suicide assisté face aux compagnies d’assurance. Le patrimoine n’est présentement pas géré par ces compagnies de la même façon lorsque la cause de décès est un suicide versus une mort naturelle (voir le mémoire de la Chambre des notaires du Québec sur la mort digne: page couverture illustrée ci-après). Comme on gère déjà le transfert de son patrimoine à ses descendants ou successeurs, on comprend que le notaire puisse jouer un rôle dans les dispositions que l’on voudrait faire pour la gestion de sa propre fin de vie. Cela peut inclure, sans aucun doute, une protection particulièrement musclée contre l’emprise des zélés catholiques qui risquent de se mêler de notre cas en fin de vie, cela contre notre volonté expresse.

Les scientifiques, alliés et compagnons de route des humanistes, n’ont pas été de reste dans le débat québécois sur le droit à une mort digne. Par exemple, la Société Royale du Canada, le plus prestigieux regroupement de scientifiques du pays, vient de mettre gratuitement à la disposition du public son rapport sur la question. Les membres vieillissants de notre association en feront la lecture à profit.

Finalement, voici un dernier aspect de la préoccupation humaniste sur la question du droit à une mort digne. Il s’agit d’un sujet très délicat et difficile à aborder. Comment gérer sa propre fin de vie en cas de démence (par exemple de type Alzheimer) ? Voilà un sujet de discussions qui ont eu lieu informellement mais en public lors de rencontres de notre association. Bien sûr les humanistes se préoccupent de la protection des gens qui veulent souffrir le moins possible en fin de vie !

Mais il y a un envers de la médaille. Qui va penser à la souffrance des pourvoyeurs de soins auprès des mourants, la famille, les conjoints ? Particulièrement dans le cas de la maladie d’Alzheimer, même avec toutes les provisions que l’on puisse faire, mandats de disposition pour la fin de vie, certificats de non acharnement thérapeutique, etc., il est fort possible et même probable qu’une telle maladie perdure des années avec un patient ayant perdu sa capacité de juger de quoi que ce soit. Le patient non encore hospitalisé peut devenir un terrible fardeau malgré lui. Oui, on veut bien que les proches fassent un effort d’amour en fin de vie à notre égard. Mais il y a des limites. Alors comment assurer que notre compassion pour nos proches puisse être respectée. Pourra-t-on forcer le « système » à respecter son souhait de ne pas franchir certaines des dernières étapes de la démence ? Aucune législation de quelque pays que ce soit ne prévoit cela. À nous d’y voir.

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