Les valeurs humanistes ont-elles comme origine les valeurs judéo-chrétiennes ?

par Juin 15, 2011Articles de fond, humanisme, Québec humaniste, Réflexions0 commentaires

Richard Rousseau

Richard Rousseau

Chercheur scientifique spécialisé en physique des rayons X, à la retraite, ayant travaillé plus de 36 ans au laboratoire d’analyse par fluorescence des rayons X (FRX) de la Commission géologique du Canada, à Ottawa. Il y a développé une méthode d’analyse FRX et un logiciel d’application. Il est membre à vie de l’Association humaniste du Québec.

Je viens de terminer la rédaction d’un article sur l’origine des valeurs humanistes d’aujourd’hui. Ce texte, étant trop long, ne sera pas publié dans le bulletin Québec humaniste, mais uniquement sur le site web de l’AHQ [1]. Par contre, je vous présente ici un synopsis de ce texte dans le but d’attirer votre attention, de vous mettre l’eau à la bouche, de vous inciter à aller le lire.

J’ai eu l’idée d’écrire ce texte suite aux propos tenus par deux croyants québécois rencontrés récemment. Le premier prétendait que sa foi reposait sur la personnalité messianique de Jésus et sur son message d’amour. Le second prétendait que la tradition humaniste du Québec avait ses racines dans le patrimoine judéo-chrétien. J’ai voulu vérifier si ces propos étaient fondés ou pas.

À propos de la personnalité de Jésus, j’ai consulté les évangiles pour savoir qui était réellement ce personnage. En collaboration avec M. Normand Rousseau, auteur de La Bible immorale et de La Bible démasquée, nous montrons dans le texte original que Jésus n’était vraiment pas un enfant de chœur et qu’il ne mérite pas tout l’amour et le respect que les croyants lui portent. De nombreuses références évangéliques viennent corroborer nos dires. Qu’il suffise de dire que je n’accepterai jamais qu’un certain Jésus qui approuve la torture (Mt 21, 33), l’esclavage (Mt 8, 10), (Mt 20, 27), (Lc 7, 1), (Jn 12, 26), la guerre (Lc 14, 31), (Mt 10, 34), (Lc 12, 51), la peine de mort (Mt 18, 6), (Mc 9, 42), (Jn 8, 7) vienne me dire quoi faire et quoi penser. Voilà pour la crédibilité « douteuse » du messager.

À propos du message maintenant, le message ultime de Jésus est l’obligation de croire en un Dieu (Mc 16, 16). Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de démontrer que la croyance à toute divinité relève de la fabulation. On n’a aucune preuve que les dieux existent, on n’en a jamais vu. Son message repose donc sur un mensonge qui ne peut mener qu’à la déception. En cas de besoin, la croyance à une aide divine « magique » se fera toujours attendre, ne sera jamais au rendez-vous, car l’imploration divine n’est rien d’autre qu’une chimère, une fiction, une illusion, basée sur une superstition. C’est une distraction qui empêche d’avoir recours à de vraies solutions, comme le développement d’une véritable force intérieure.

Jésus nous demande également d’aimer notre prochain comme nous-mêmes (Mt 22, 39), y compris nos ennemis (Lc 6, 27), afin de devenir fils de ce Père qui est aux cieux (Mt 5, 45). Jésus en fait un ordre : « Aimez-vous les uns les autres. » (Jn 13, 34). C’est beau et noble, mais je ne pense pas que ce sentiment soit humainement possible. Ça me semble utopique. L’amour christique n’est pas un sentiment naturel, mais plutôt un véritable commandement universel qui nous enjoint d’aimer tout être humain. Sauf que l’amour ne se commande pas, et ne saurait être un devoir. En effet, on n’aime jamais par injonction. On aime par désir, ou par plaisir, ou par choix, jamais parce qu’on nous le commande. L’amour tel que le définit Jésus est un « idéal » auquel il est très difficile de souscrire. Il suffit de regarder les deux derniers millénaires d’histoire de guerres interminables, même récentes, d’inquisitions, de meurtres, de croisades, de crimes de tous genres contre l’humanité pour se rendre compte que son message fut un total échec. Jésus luimême n’aime pas son prochain lorsqu’il maudit sa génération et les villes de Bethsaïde, de Corozaïn et de Capharnaum, ne pardonne pas à ses ennemis lorsqu’il insulte les pharisiens (Mt 23, 27-28) et condamne Judas. Il aurait été plus réaliste de dire « Ne fais pas aux autres, ce que tu ne veux pas que les autres te fassent. », ou parler de compassion comme le bouddhisme, ou encore de paix, de partage, de générosité, de solidarité, etc. C’est déjà plus humain.

Je ne vois donc pas de raisons sérieuses de justifier sa foi par la personnalité de Jésus ou par son message. À mon avis, c’est faire fausse route. Les convictions de chacun devraient reposer sur des valeurs plus crédibles moralement. Mais lesquelles ? C’est ce que vous découvrirez dans le texte original.

En ce qui concerne les propos du deuxième croyant québécois qui prétendait que la tradition humaniste du Québec avait ses racines dans le patrimoine judéo-chrétien, il est facile de faire une telle affirmation, mais à mon avis, c’est faux. Les véritables valeurs humanistes sont d’origine humaine avant tout. Pour confirmer cette déclaration, je vais expliquer ici l’origine de quelques valeurs humanistes chères à l’humain, et en particulier aux Québécois. Nous verrons qu’elles n’ont pas leurs racines dans les religions, mais qu’elles ont plutôt été acquises de chaudes luttes malgré les religions.

Le véritable humanisme demande le respect de toute personne, y compris les femmes et les enfants. Or, les trois grandes religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme et l’islam ne respectent pas la femme. Elle est considérée au mieux comme une servante de l’homme, mais la plupart du temps elle est persécutée, bafouée, maltraitée, infériorisée, etc., bonne qu’à faire une seule et unique chose: des enfants!

Pour les enfants, c’est la même chose. Les différentes religions imposent d’apprendre par cœur, soit la Torah, le catéchisme ou le Coran. On enseigne à de jeunes enfants des idées religieuses très abstraites qu’ils sont incapables de comprendre à cause de leur jeune âge. C’est un véritable lavage de cerveau. Est-ce les respecter ? Je ne pense pas.

Le respect des autres est l’une des plus importantes valeurs humanistes. Or s’il y a des institutions peu respectueuses, ce sont bien les trois monothéismes. Ces religions ne se sont jamais respectées les unes les autres et n’ont jamais respecté les autres religions polythéistes et encore moins l’athéisme et elles réclament qu’on les respecte? Je ne respecterai jamais une religion qui lapide les femmes, coupe la main des voleurs et je ne respecterai jamais une religion qui interdit le condom, qui refuse la prêtrise aux femmes et le mariage des homosexuels ou qui protège ses prêtres pédophiles. Le respect, ça se mérite et, à mon avis, aucune religion ne le mérite, tout en reconnaissant l’apport humanitaire des religions.

Par contre, comme athée, je respecte sans réserve les prêtres, religieux et religieuses qui vouent leur vie au soulagement des maux qui affligent les êtres humains, mais je trouve inutile de faire accompagner ce dévouement admirable de dogmes absurdes; j´ai en sainte horreur les fables, les censures, les mensonges, les fabrications de faux, les inquisitions et les excommunications; et je n´ai que faire d´un dieu qui nous menace des feux de l´enfer tout en disant nous aimer

À propos de la tolérance, après avoir pratiqué les plus criminelles intolérances (Inquisition, chasse aux sorcières, etc.), voilà que l’Église exigerait qu’on soit tolérant face à ses crimes ? Après avoir obligé les Québécoises à avoir de grosses familles au risque de leur santé et de leur vie, il faudrait montrer de la tolérance? Après avoir maintenu le peuple québécois dans l’ignorance (en refusant un ministère de l’éducation) et la pauvreté (l’argent, c’était bon pour les Anglais), il faudrait montrer de la tolérance? Il n’est pas question de tolérer l’infériorisation de la femme par l’Église, ni son mépris des homosexuels, ni sa prétention à être la seule vraie religion et j’en passe.

Le véritable humanisme exige la non-violence. À toutes les époques, et partout sur la planète, les religions ont été responsables de beaucoup de violence physique et psychologique. Il suffit de mentionner les croisades, l’Inquisition, les chasses aux sorcières, les guerres saintes, les guerres de religion, les conversions massives et forcées lors des deux vagues de colonialisme chrétien, l’antisémitisme, la misogynie, les pogromes, les autodafés, les excommunications, les mises à l’index, surtout la sacro-sainte peur de l’enfer, peut-être le plus grand crime du christianisme, etc. Je suis bien forcé de conclure que les religions ont généré plus de haine, de sang, de morts, de brutalité que de paix et de fraternité.

En ce qui concerne les valeurs humanistes modernes, le christianisme en particulier n’a jamais supporté la démocratie, la liberté, l’égalité, la fraternité, l’universalisme, n’a jamais déclaré que l’esclavage était une infamie avant 1839, a toujours encouragé l’infériorisation de la femme, n’a jamais fait la promotion de l’égalité hommes femmes, n’a jamais combattu la peine de mort, la torture, n’a jamais condamné les guerres offensives, n’a jamais respecté les enfants en leur enseignant des concepts religieux trop abstraits pour leur jeune âge. L’humanisme même, ce sont les philosophes des Lumières qui l’ont inventé, pas un concile.

L’Église catholique n’est pas étrangère à l’obscurantisme qui a longtemps pesé sur le Québec. Elle a été au fil des siècles un frein à son évolution et a retardé son entrée dans la modernité en faisant systématiquement obstacle aux idées libérales et progressistes. M. Claude Braun en fait la démonstration éclatante dans son livre Québec athée (2011). Heureusement, la société québécoise est parvenue à neutraliser les forces conservatrices religieuses qui la condamnaient à l’immobilisme. Il montre que si un certain nombre de Québécois éclairés et incroyants n’avaient pas osé résister à cette Église omnipotente « nous vivrions encore aujourd’hui dans une société féodale arriérée, totalitaire, intolérante, obscurantiste et pauvre ». L’anticléricalisme a été une saine réaction à l’oppression religieuse et une lutte pour la liberté de pensée. Il est né du désir de bâtir un Québec moderne, libéral, ouvert, tolérant et plus humain.

Depuis le début des années 60 en particulier, le Québec a connu une Révolution tranquille grâce au gouvernement de Jean Lesage. Cette révolution a apporté de grands changements, entre autres, dans le domaine de l’éducation. Les enseignants(es) religieux(ses) ont été remplacés(es) par des enseignants(es) laïcs(ques), les écoles ghettos de gars et de filles ont été remplacées par des écoles mixtes, l’enseignement du catéchisme à de jeunes enfants a été supprimé; les parents peuvent choisir pour leurs enfants entre les cours de religion ou de morale. Les religieuses dans les hôpitaux ont été remplacées par des infirmières, etc. Cette période a également permis l’émancipation des femmes, pour le plus grand bien de notre société. Il y a peu d’endroits au monde où les femmes sont aussi émancipées qu’au Québec. Le Québec s’est aussi doté d’un service d’assurance maladie envié par tous. Également, les églises se sont vidées, le nombre de prêtres a diminué, l’indifférence face à la pratique religieuse s’est graduellement installée au Québec. Bref, l’oppression de la religion catholique a fortement diminué. Le Québec s’est laïcisé. Ces quatre composantes : l’éducation, l’émancipation des femmes, l’assurance maladie, et la laïcité ont fortement contribué à faire du Québec la société moderne et prospère d’aujourd’hui où il fait bon vivre. Toutes ces réformes ne sont pas le fruit de la religion, au contraire elles ont été rendues possibles malgré l’Église.

De nos jours, l’Église se contente plutôt de canoniser le Frère André, de préparer la future canonisation du pape Jean-Paul II, de combattre l’avortement, d’interdire l’utilisation des moyens contraceptifs pour enrayer le Sida ; se contente de réciter une messe en plein air pour le peuple haïtien à la suite d’un tremblement de terre ayant détruit le pays et fait plus de 233 000 morts, d’une tornade dévastatrice et d’une épidémie de choléra. Je pense qu’une aide humanitaire en matériel, nourriture et médicaments aurait été plus appropriée. Pourquoi l’Église ne le fit-elle pas ? Faut-il encourager toutes ces pratiques archaïques et rétrogrades ? Est-ce ça le véritable humanisme ? Je ne pense pas.

On peut conclure que les valeurs humanistes ou valeurs modernes, contrairement à ce que plusieurs croyants prétendent, ne tirent pas leur origine des évangiles ou de la Bible, livres qui nous révèlent le fanatisme religieux d’une certaine époque, mais elles sont le fruit de la pensée humaine, de la réflexion de l’homme sur lui-même et non pas une soi-disant révélation divine tombée du ciel.

Je vais donc présenter l’humanisme comme l’aboutissement ultime d’une longue évolution, mais cet aboutissement n’est pas dû aux religions, mais bel et bien MALGRÉ les religions.

  1. http://assohum.org/2011/07/les-valeurs-humanistes-ontelles-comme-origine-les-valeurs-judeo-chretiennes/

 

 

 

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