Un Canadien errant chez les Universalistes Unitariens (UU) de San Francisco

par Sep 15, 2010Articles de fond, Esprit Critique, Éthique, Québec humaniste, Réflexions0 commentaires

Par Yanik Crépeau, Vice-président de l’AHQ

Je suis parti un matin de Juillet. C’était il y a un peu plus de 4 ans, en 2006. Je suis parti pour une belle aventure dans une autre ville, dans un autre pays, presque dans une autre galaxie. J’ai quitté Montréal pour aller occuper un emploi passionnant à San Francisco. J’ai adoré ce boulot, un milieu stimulant, un défi constant pour mes capacités intellectuelles. Mais quelque chose me manquait, un endroit de militantisme comme j’avais connu au Québec. M’impliquer dans un combat pour plus de justice sociale, ce que j’avais fait à l’Union des Forces Progressistes puis à Québec solidaire ma manquait énormément.

Un jour, à l’automne 2008, j’ai reçu un message fort étrange de Michel Virard, alors président de l’Association Humaniste du Québec. Via la liste de diffusion, il relayait l’invitation faite par Hannelore et Léo Poncelet pour une visite dans une église. J’ai dû me pincer un peu pour y croire, comment une telle chose était-elle possible? Le président de l’AHQ, un athée bon teint, qui invite tout le monde à la messe ?? C’est quoi cette charade? Pour tirer cela au clair, je devais aller voir, mais l’Église Unitarienne de Montréal était bien loin de San Francisco. Je n’allais pas juger sans m’informer et réclamer la tête de Virard pour cette incroyable hérésie lèse-humaniste sans au moins savoir de quoi il s’agissait. J’ai donc mis les ressources d’Internet à contribution. Google, YouTube, Yahoo et tous les autres. C’est ainsi que j’appris qu’il existait plusieurs Églises Unitariennes-Universalistes en Amérique du Nord et que la plupart de ses membres étaient agnostiques ou athées. Quant aux autres, ceux qui croyaient en quelque chose, ils se définissaient davantage en mode « quête spirituelle » que comme des je-sais-tout qui jettent l’anathème sur ceux ou celles qui ont le malheur de ne pas être tout à fait d’accord avec eux. Hum… assez intéressant, indeed! Mieux encore, la First Unitarian Universalist Society of San Francisco a un site web et il est possible de télécharger le sermon dominical sur son iPod. Ayant chargé 84 sermons sur mon appareil, je profitais du trajet en tramway pour écouter ces sermons à raison de deux ou trois le matin et deux ou trois en fin d’après-midi lors du trajet de retour vers la maison. Après une semaine d’écoute de ces sermons, ma curiosité était telle que je décidai d’aller jeter un coup d’œil sur place.

Le combat pour la justice sociale est sans aucun doute le trait dominant de cette congrégation. Que ce soit les droits des homosexuels (le pasteur sénior est gay, marié et père de 5 enfants), la critique de la guerre en Irak et en Afghanistan, l’égalité entre les hommes et les femmes, le racisme envers les immigrants, le droit à l’eau potable, l’opposition à la peine de mort, le support des itinérants et des sans-abris, la question de la prévention de la cruauté envers les animaux, cette communauté était en mode « mobilisation » 365 jours par année. Dans leurs prêches, les pasteurs (3 hommes et 2 femmes) faisaient une critique sans merci de l’impérialisme étatsunien, du capitalisme et des injustices que l’on retrouve dans la société. Ces gens-là tiennent un discours plus à gauche qu’Amir Khadir ou Françoise David tout en supportant de nombreux comités qui mobilisent sur ces questions.

À part le cercle païen où les petites filles se déguisent en sorcières (avec le chapeau noir et la cape) pour participer à une cérémonie druidique où on appelait des déesses dans le cercle sacré (les participantes se regroupent en cercle autour d’un chaudron dans lequel on a mis le feu), je n’ai pas vraiment vu de référence à une entité surnaturelle. Au contraire des autres groupes religieux, nous avons fêté dignement le bicentenaire de la naissance de Charles Darwin et d’Abraham Lincoln, tous les deux nés le 9 février 1809. Le premier est le père de la théorie de l’évolution, le second est le président étatsunien qui a aboli l’esclavage.

Si cette Église vénérait des saints, ceux-ci s’appelleraient Preistley (un des codécouvreurs de l’oxygène et pasteur unitarien), Charles Darwin (un unitarien anglais), Benjamin Franklin, John Adams et Thomas Jefferson (unitariens, pères fondateurs de la nation étatsunienne, auteurs de la déclaration d’Indépendance et de la Constitution, les deux derniers ayant été respectivement deuxième et troisième présidents des États-Unis) ou Linus Pauling (prix Nobel de Chimie 1954 et prix Nobel de la Paix en 1963) ou bien des militantes féministes comme Olympia Brown (première femme ordonnée et pasteure universaliste) ou Susan B. Anthony (suffragette célèbre et unitarienne). À la liste des saints unitariens, il faudrait ajouter quelques bienheureux comme Marie Curie (2 prix Nobel), Gandhi ou Martin Luther King et pourquoi pas Simone de Beauvoir, Baruch Spinoza ou Jean-Paul Sarte.

Que ce soit le combat contre l’esclavage, le droit de vote des femmes, la lutte contre la ségrégation raciale et aujourd’hui la lutte pour les droits des homosexuels ou les questions environnementales, les membres de cette dénomination auront été de tous les combats. Les fondateurs de l’ACLU (American Civil Liberty Union) étaient unitariens ou universalistes. Aujourd’hui encore, les militants locaux de l’ACLU sont des UU. Le seul membre du congrès qui ait fait son «coming out» comme athée est membre d’une Église Unitarienne-Universaliste en Californie.

J’ai découvert une Église sans crédo et fondée sur de très solides principes humanistes. Une théologie agnostique mais accueillante pour toute personne, athée, agnostique, libre-penseur, chrétienne, juive, musulmane, bouddhiste, etc.

Au XIXème siècle, alors que les Unitariens et les Universalistes étaient, chacun de leur côté, des dénominations chrétiennes, Thomas Starr King a dit: les Unitariens croient qu’ils sont trop bons pour être damnés, les Universalistes croient que Dieu est trop bon pour damner qui que ce soit. Je garde un souvenir ému de l’accueil que cette communauté a fait à ce canadien errant qui parcourait en pleurant des pays étrangers.

 

 

 

 

 

 

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