PAS DE RELIGION S.V.P.
par Mohammed Wajihuddin (The Times of India, le 27 décembre 2009)
Mumbai: Dans un appartement clair et spacieux près d’un petit boisé à Versova, un poupon de 3 semaines dort dans son petit berceau. Aditi Shedde, la radieuse nouvelle maman, pétille ; elle volette d’une pièce à l’autre, demandant à la bonne d’enfant de changer la doudou du bébé et de le couvrir d’une serviette aseptisée. On garde le nourrisson à l’écart quand on lave les luxueux planchers de marbre et qu’on époussette les sofas plusieurs fois par jour.
Qu’y a-t-il de si différent chez ce nouveau-né qui se fait dorloter dans sa somptueuse maison ? Éh bien, il n’a pas de religion. Sa mère hindoue et son père musulman ont décidé de lui laisser le choix quand il grandira. En soi-même, ceci n’a rien de bien étonnant ; bien des parents offrent le même choix à leurs enfants.
La différence est qu’Aditi et son mari Aalif Surti ont choisi dès le début de confronter une bureaucratie retranchée sur ses positions en refusant de remplir la colonne Religion dans la demande de certificat de naissance pour leur fils.
Ce n’était pas une décision du moment. « Après quelques mois de grossesse, nous avons décidé que nous ne donnerions pas d’identité religieuse à notre enfant », dit Aditi. « Nous ne sommes pas contre la religion, mais qui sommes-nous pour choisir sa religion à sa place ? Nous l’exposerons aux valeurs des différentes croyances et cultures et il pourra librement choisir la foi de son choix – ou aucune d’elles si c’est ce qu’il désire. »
Bien entendu, obtenir le certificat de naissance n’a pas été de tout repos. Le premier obstacle s’est dressé à l’hôpital. Les responsables se sont inquiétés lorsque les jeunes parents ont annoncé qu’ils ne rempliraient pas la colonne Religion dans les formulaires.
Tous les hôpitaux doivent annoncer les nouvelles naissances à la Corporation municipale de Brihanmumbai (BMC) dans les 15 jours suivants la naissance, après quoi la BMC émet les certificats. « Vous devrez vous adresser à un directeur de la BMC », a dit un employé de l’hôpital au couple. « Puisque Aditi parle couramment Marathi, je lui ai demandé de persuader la ville », dit Aalif, directeur artistique dans une entreprise de production et de distribution de films. Puis, Aditi s’est rendue au bureau du district K (Andheri) de la BMC, prête à tout.
« Avez-vous honte d’être hindoue ? Pourquoi ne voulez-vous pas qu’on identifie votre enfant comme hindou ? » lui a brusquement demandé un directeur. Aditi a rétorqué que, bien que fière de ses racines hindoues, elle n’était pas pratiquante. « Pourquoi, dans un pays démocratique et séculier, un parent ne peut pas prendre la décision de ne pas donner de religion à son enfant ? » a-t-elle demandé au directeur.
Sceptique, le directeur a soulevé un problème d’ordre plus technique : aujourd’hui, les certificats sont générés par des machines automatisées qui rejettent tout formulaire dont les colonnes ne sont pas toutes complétées. À force d’insistance, Aditi a été dirigée vers un superviseur. « Ce directeur m’a écouté patiemment et m’a dit qu’il comprenait mes sentiments, mais a de nouveau soulevé le même problème technique. Il a aussi ajouté qu’il n’avait jamais reçu une telle demande dans sa carrière, ce à quoi j’ai répondu qu’il y a une première à tout », se rappelle Aditi.
Le couple croyait être dans l’impasse. Le formulaire proposait quatre choix : hindou, musulman, chrétien et autres. Aditi dit qu’elle ne voulait aucun de ces choix pour son fils car, même pour le choix autres, il fallait nommer la secte ou la communauté en question. Elle a encore débattu avec le directeur pour finalement accepter de choisir autres mais sans aucune identification. « Le choix autres est simplement pour faciliter l’obtention du certificat. Nous savons que notre enfant n’a pas de religion », dit-elle.
Le couple attribue leur décision au fait d’avoir grandi dans un environnement ouvert et tolérant. Aditi a grandi au Koweït où elle avait plusieurs amies musulmanes à l’école et a même appris quelques versets du Coran. Aalif, fils de Abid Surti – un écrivain-bédéiste de renom qui compte Osho Rajneesh, Atal Bihari Vajpayee et Amitabh Bachchan parmi ses fans – a grandi à Bandra quand l’endroit était un peu plus cosmopolite. « Je n’ai jamais voulu imposer une quelconque identité religieuse à mes deux fils, dit Abid, aujourd’hui âgé de 75 ans. Je n’ai pas réussi à obtenir leurs certificats sans mention de religion, mais je suis content que mon fils et ma belle-fille aient réussi là où j’ai échoué il y a plusieurs années. »
Aalif et Aditi ont peut-être gagné la première bataille, mais ce n’est que le début d’un long combat parsemé d’embûches – au moment de l’inscription à l’école ou d’obtenir un passeport pour l’enfant, par exemple. « Nous sommes prêts pour ces batailles aussi », assure Aditi. En attendant, le bébé joue dans sa poussette, heureux dans l’ignorance de l’identité unique que ses parents lui ont acquise.
(Traduction courtoisie d’Alexandre Leclerc)
En ce qui concerne les fans de l’écrivain bédéiste, il faudrait reformuler la phrase parce que le spirituel Osho Rasjneesh est décédé depuis plusieurs années.